[exclusivité LPH New 952]
A.A. Georges Ghosn, vous êtes né au Liban et y êtes très attaché, comme je le suis à Israël. En vous lisant, je comprends tout à fait votre douleur par rapport à ce qui s’y passe. J’ai d’ailleurs écrit dernièrement un édito dans lequel je m’adressais au Président Michel Aoun – un conseil de voisin.
Georges Ghosn. Oui, c’est vrai, nous sommes proches : Beyrouth n’est finalement qu’à 400 kilomètresde Tel-Aviv. Malheureusement, le Président ne suivra pas vos conseils. C’est un abruti dogmatique. Je me permets de le dire, je suis libanais.
Vous semblez préférer votre Président !
G.G. Oui, et je l’ai remercié dans mon dernier édito sur VSD. Le Président Macron est venu donner « le baiser de la paix ». Il est vrai qu’il a fourni quelques avions, un peu de ravitaillement, mais il s’est surtout comporté comme un mensh.
Vous écrivez que le peuple libanais est gentil. Ne l’est-il pas un peu trop ? Il a été, entre autres,largement dupé par Yasser Arafat…
G.G. En 1967, Israël a gagné la guerre et pris le contrôle de la Cisjordanie et de Gaza, où vivaient les Palestiniens. Puis il y a eu Septembre noir et la répression jordanienne contre les fedayins palestiniens en 1970. Le roi Hussein ne s’est pas laissé faire et il a massacré les Palestiniens. Un million de Palestiniens ont été alors chassés. Ils avaient très envie de venir chez nous, au Liban. C’est un très beau pays, le climat est bon, les filles sont belles, il y avait alors de l’argent, le plein emploi… Cela convenait parfaitement à Yasser Arafat. Le programme « United Nations for Refugees »des Nations Unies a établi un accord avec le Président libanais, avec à la clé 300 millions de dollars par an – ce qui était une somme énorme à l’époque –, pour accueillir 450 000 Palestiniens. Les sunnites étaient d’accord, car cela faisait plus de Musulmans, et ils tiennent une horrible comptabilité, leur but étant de faire passer le nombre de Chrétiens en dessous de 50 %. Terrible paradoxe : alors qu’on était en plein essor et qu’on avait besoin de main–d’œuvre pour reconstruire, on leur a interdit de travailler. Yasser Arafat, qui touchait x dollars par tête, a donc personnellement engrangé la somme de trois ou quatre milliards de dollars, que sa femme possède aujourd’hui. Malheureusement, les Palestiniens se sont mêlés de la politique intérieure libanaise. Loin des frontières israéliennes et craignant Tsahal, ils n’osaient pas s’y risquer.
Lorsque le conflit israélo-libanais de 2006 a éclaté, Hassan Nasrallah n’était qu’un tout petit chef régional. Cette guerre a été la plus mal préparée de l’histoire d’Israël. Votre ministre des Affaires étrangères et votre chef d’État-Major de l’époque étaient d’anciens aviateurset ils avaient le syndrome du Vietnam, c’est-à-dire :« pour ne pas perdre de vies, bombarder d’en haut va résoudre les problèmes ». Or les guerres se gagnent à terre, comme au temps de Moshe Dayan ou d’Ariel Sharon. De plus, votre population était très divisée sur le fait de s’engager, de perdre des vies ; cela a soulevé de grands débats en Israël. Le Hezbollah a résisté un mois et il est devenu un géant. Donc je considère qu’Israël a créé Nasrallah.
Il existait déjà avant cela…
G.G. Personne n’avait ainsi résisté à Israël depuis la guerre de 1973. Et Israël ne l’a pas éliminé à ce moment-là. Cela dit, il était enfermé dans les bunkers. Ce fut une guerre sans victoire. Nasrallah est sorti grandi aux yeux de l’Iran, qui l’a renforcé et lui a donné plus d’argent.
Il a pris une telle ampleur qu’il vous tient aussi ! Il vous cause plus de tort qu’autre chose. Est-ce la raison pour laquelle il n’y a pas de paix entre Israël et le Liban ?
G.G. Oui, car nous sommes deux peuples sémitiques très proches. L’Allemagne et la France se sont réconciliées en 1945 et une amitié s’est forgée entre De Gaulle et le chancelier Adenauer, ils ont construit un projet commun. Lorsque j’étais à Sciences Po, j’ai rédigéun travail sur cette question, dans lequel je disais que si,de la même façon, Israël et le Liban avaient élaboré ensemble un projet commun, sur l’eau, par exemple, un partenariat économique, peu à peu l’amitié et les traités auraient suivi. C’est cela qu’il faut faire !
Mais on ne peut pas s’entendre avec le Hesbollah !
G.G. Si, c’est possible, car c’est une force organisée. Si l’on veut la paix, il faut la faire même avec le diable.
Quelque chose est tout de même dérangeant : vous semblez considérer que c’est le Hesbollah qui dirige le Liban. C’est grave de devoir négocier avec des terroristes barbares !
G.G. Et pourtant c’est nécessaire. Les membres du Hesbollah ne sont pas plus barbares que les gens d’Arabie Saoudite, ou les Qataris. Les sunnites peuvent s’immoler et faire des bombes humaines, mais les chiites n’ont pas le droit de se suicider. C’est pourquoi Al Qaïda et tous les grands mouvements terroristes sont des sunnites. Ma théorie est donc qu’il faut s’entendre avec les chiites. Moi je suis grec orthodoxe et je soutiens les chiites. Obama avait commencé, Trump a détruit ce qu’il a fait, alors que ce n’était pas idiot. Si l’on parvient à un accord avec l’Iran, automatiquement le Hesbollah tombera.