On a coutume de dire que les convertis sont des âmes qui étaient présentes au Mont Sinaï lors du don de la Torah puis se sont perdues. A un moment donné, guidées chacune par ses propres raisons, elles retrouvent le chemin de la maison et se rattachent de nouveau à leur peuple.
LPH a rencontré certaines d’entre elles. Nous vous proposons de découvrir des parcours de conversion, qui vous permettront de mieux comprendre ces âmes particulières et leur diversité, avec en commun un attachement inconditionnel à D’ieu et au peuple juif.
Isabelle et Didier sont en cours de conversion, ils ont entamé leur démarche, en couple, au bout de près de 30 ans de mariage; Régine, elle, s’est convertie il y a quelques années, avant de se marier avec Philippe; Rahel et David ne se connaissent pas mais ont suivi tous les deux l’oulpan guiour Shvout, et vivent aujourd’hui en Israël.
Isabelle et Didier
A la recherche de la spiritualité la plus profonde
Isabelle et Didier vivent près de Lille. Il est chirurgien orthopédiste, elle est infirmière. »Nous nous sommes connus jeunes et avons rapidement décidé de faire notre vie ensemble », racontent-ils, »nous nous sommes mariés il y a 28 ans et avons quatre filles ».
Ils mènent une vie de famille, dirons-nous, paisible. »Nous avons tout construit ensemble. Notre quotidien était tranquille ». Jusqu’au jour où le couple traverse une grave crise: »A la suite de différends importants, nous avons décidé de nous séparer ». La situation est difficile, l’image du foyer idéal vole en éclats, mais le contact entre Didier et Isabelle n’est jamais rompu. »Pendant trois ans, nous avons vécu séparément avec quelques courtes périodes de retrouvailles qui ne duraient pas ».
Cette étape de leur vie est importante pour comprendre la démarche qui les mènera ensuite vers une recherche de spiritualité.
»Pendant que nous étions en crise conjugale, nous avons assisté au mariage de ma nièce. Lors de la cérémonie, a été prononcée une phrase du Cantique des Cantiques, qui parlait d’amour et du mariage. Et je me suis dit que c’était exactement cela que je recherchais dans le mariage », se souvient Isabelle.
Pour Didier, le déclic intervient un matin de Noël: »J’avais passé la soirée tout seul. Le matin, je me réveille et je me dis que D’ieu existe. Je sens sa présence mais je ne peux pas dire qu’il y ait eu une cause précise à l’origine de ce sentiment. J’en fais part à Isabelle qui était avec sa famille. Ses deux sœurs, protestantes, me mettent en contact avec un pasteur. A partir de là, nous nous réconcilions avec mon épouse ». Isabelle a toujours voulu se rapprocher de D’ieu, cette démarche de son mari, la conforte dans son idée que seul D’ieu peut les sauver.
Progressivement, la présence de D’ieu, d’une spiritualité, s’enracine en eux à travers la religion protestante.
Et puis, un jour, ils ont l’opportunité d’effectuer un voyage en Israël. »Nous étions ravis de pouvoir le faire, ce pays nous intéressait », confirment-ils. »Arrivé au Kotel, je ressens quelque chose de fort et de totalement nouveau », Didier s’aperçoit que non seulement la terre mais aussi le lieu le plus saint du peuple juif éveillent en lui des émotions particulières.
»Quand nous repartons d’Israël, nous pleurons »: le couple vient de franchir un tournant décisif dans leur vie. Ce qui va définitivement leur montrer la route du judaïsme ce sont des cours du Rav Haïm Dynovisz qu’ils entendent »par hasard » sur internet au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo. »J’ai découvert certaines paroles de ce Rav et elles m’ont interpellé », nous raconte Didier, »j’ai incité mon épouse à les entendre aussi et elle a été touchée ».
Didier et Isabelle se rapproche alors de la communauté juive de Lille. »La troisième fois que nous sommes allés à la synagogue, on nous a refusé l’entrée. En fait, les fidèles nous ont fait comprendre que nous devions faire un choix: soit entamer une démarche de conversion, soit ne plus venir; ils ne pouvaient pas nous accepter uniquement comme visiteurs ». Pour Isabelle, cette réaction était saine: »nous avons été contraints de réfléchir à notre situation et d’avancer ».
La décision est prise et rien ne les fera changer d’avis: c’est le judaïsme qui leur parle le plus et qui leur apporte les réponses à la spiritualité qu’ils cherchaient. »Nos filles ne l’ont pas toutes vécu de la même façon », nous dit Isabelle, »l’une d’entre elles a été assez désemparée. Mon frère aussi d’ailleurs ». Mais Didier et Isabelle avancent, attirés et convaincus par la voie qu’ils ont choisie: »depuis que nous suivons des cours chez le rabbin, notre quotidien s’est apaisé, notre couple va bien et nous n’avons plus le même regard sur beaucoup d’aspects de notre vie d’avant, qui nous paraissaient pourtant fondamentaux, il n’y a pas si longtemps ».
Régine
De la Bretagne à Jérusalem
Régine a grandi dans les années 1960 en Bretagne, dans un milieu qu’elle décrit comme »indifférent à la religion, tout en étant marqué par une pratique qui s’imposait à tous dans notre petit village breton ».
Le discours ambiant, chez elle, ne mettait en exergue ni croyance, ni pratique. Elle mène la vie normale d’une jeune adolescente française, devient ensuite professeur d’histoire-géographie.
»Une amie, non-juive, m’a proposée de partir faire du volontariat dans un kibboutz en Israël. Elle en avait entendu parler chez une famille juive à Londres, au sein de laquelle elle était jeune fille au pair ». Les deux amies partent pour un mois.
»Je suis tombée amoureuse de la terre d’Israël. Ces sentiments m’interpellent, je me dis que j’aurais peut-être ressenti la même chose dans n’importe quel autre pays où j’allais pour la première fois. Mais cela va plus loin ».
Régine prolonge son séjour et finalement ce n’est pas un mois mais quatre ans qu’elle passe en Israël! »J’ai réappris l’anglais, j’ai appris l’hébreu, j’ai découvert le pays ». Elle aime tellement ce pays, qu’elle décide d’y devenir guide touristique, mais les études lui sont fermées parce qu’elle n’est pas israélienne.
»Je suis revenue chaque été à Har Hatsofim pour apprendre l’hébreu. C’était aussi pour moi l’occasion de rencontrer plusieurs personnes qui m’ont rapprochée du judaïsme: des Juifs français observants qui m’ont fait découvrir l’étude. Ces rencontres ont renforcé mon sentiment d’appartenance ».
Le déclic chez Régine est né d’une rencontre, celle avec Philippe. »Ce n’était pas un hasard, si je m’attachais à un homme juif, pratiquant. A vrai dire j’avais maintes fois pensé à la conversion mais je m’interrogeais, je n’osais pas. Philippe m’a aidée à franchir le pas ».
Régine se convertit en Israël, au kibboutz Ein Hanatsiv, pendant que Philippe vit en France. »Nous nous sommes mariés dès que j’ai été convertie puis l’aboutissement logique pour nous eux étaient de nous installer en Israël ».
La famille de Régine a bien accepté sa démarche, »un peu moins le fait que je m’éloigne géographiquement ». Aujourd’hui Régine réalise la deuxième partie de son rêve puisqu’elle peut enfin suivre des études pour devenir guide touristique.
»De l’amour de la terre, je suis passée à un attachement très spirituel au judaïsme, et j’étudie toujours la Torah. Pour moi le judaïsme est plus qu’une religion, c’est un mode de vie. Je me sens chez moi maintenant », conclut Régine.
Shvout, le retour aux sources
Au cœur de la Samarie, le village de Yakir, avec son Rav, Aaron Cohen, accueille en son sein un oulpan Guiour: le programme Shvout, dirigé par Baruch Lior. »Le programme dure dix mois pendant lesquels nos étudiants ont 35 heures de cours par semaine, dont 25 sont des séances de préparation à la conversion. Le contenu de ces cours est établi par les institutions qui comme la nôtre préparent à la conversion en partenariat avec le Beth Din. Nous étudions avec eux les bases (halakhiques, fêtes…), mais aussi l’histoire juive et la pensée juive, et bien entendu nous portons une attention particulière à la mise en pratique. Ces dix mois ne sont pas qu’une période d’étude et de réflexion. Les étudiants prennent part à la vie de la communauté et sont reçus dans une famille d’accueil pour le Shabbat et les fêtes. Nous leur faisons aussi découvrir le pays. L’alya n’est pas une condition préalable d’inscription mais c’est une démarche importante à nos yeux », nous explique Baruch Lior, » 95 % des candidats que nous présentons sont convertis par le Beth-Din ».
Rahel et David sont passés par le programme Shvout. Elle est aujourd’hui mariée et a un enfant; David a obtenu sa conversion l’année dernière et commence sa nouvelle vie en Israël.
Rahel: »Je me suis transformée au bout d’un mois »
Rahel est née d’un père juif et d’une mère non juive. Elle grandit dans une famille où la tradition juive est présente mais très réduite. »Nous faisions le kidouch le vendredi soir et nous savions que Kippour était une journée particulière, mais pas plus que cela », nous raconte-t-elle. Elle allait aussi de temps en temps à la synagogue mais ce qu’elle a toujours su c’est surtout que, malgré tout cela, elle n’était pas juive.
Pourtant…elle nous révèle: »A chaque fois que j’allais à la synagogue, je me sentais parfaitement en osmose avec moi-même ».
Ce sentiment qu’il lui en fallait plus, qu’elle devait aller plus loin ne la quitte pas. »J’avais en quelque sorte un problème d’identité à régler ».
Elle suit des cours de Talmud Torah, parce que »la conversion a toujours été une question pour moi. Mais à vrai dire, à ce moment-là je n’étais pas encore totalement prête. J’étais assidue aux cours mais mon attitude témoignait de certaines contradictions ».
Finalement, c’est la grande sœur de Rahel qui va l’aider à trouver sa place. »Ma sœur s’est convertie en 2002, elle m’a beaucoup aidée dans mes démarches ». Ensemble, elles cherchent un programme qui pourrait convenir au tempérament et aux attentes de Rahel. »En France, je souffrais d’une barrière psychologique. Nous avons donc cherché un programme en Israël, dans lequel il me semblait que je serai plus à l’aise ».
Son choix s’arrête sur le programme Shvout, alors situé à Kedoumim. »A la base, je ne pensais pas faire mon alya mais au bout d’un mois, j’étais transformée au niveau de la spiritualité et de ma personnalité. Il faut dire que j’ai bénéficié à Kedoumim, à peine deux jours après mon arrivée, de miracles que j’ai perçus comme des signes du ciel ».
Ce qui séduit particulièrement Rahel dans le programme Shvout c’est la chaleur et la présence qui l’entourent: »Personne ne vous abandonne. On est loin de nos familles, cela peut être difficile. Nous trouvons au sein de l’équipe du programme et au sein du yichouv, une deuxième famille! ».
Le jour où Rahel est convertie, elle se sent »comme un bébé »! »J’étais fière de moi, j’attendais avec impatience de réciter le Shema Israël ».
Pour son père, elle nous avoue que cette conversion était »logique », »ce qui l’a pris au dépourvu c’est ma décision de m’installer définitivement en Israël ». Même sensation pour sa mère, qui accepte totalement sa décision, même si l’éloignement physique lui est difficile.
Rahel a aussi une sœur et un frère qui, eux, »sont très bien comme ils sont, n’ont pas ressenti cet appel vers le judaïsme ». Pour Rahel, la conversion est sans aucun doute, une »question d’âmes », »même si chacun y arrive par un parcours qui lui est propre ».
David: »Je n’ai jamais vu le judaïsme uniquement comme une religion »
David n’a pas d’ascendant juif dans sa famille, »du moins c’est ce que j’ai toujours pensé », nous confie-t-il. Quoi qu’il en soit, il grandit dans un environnement laïc. Pourtant David nous déclare qu’il a cru en D’ieu très jeune: »Je me suis rapidement posé la question de savoir qui fixait les valeurs morales. Cette morale ne pouvait pas être uniquement le fait des hommes, car dans ce cas, elle pouvait être tout et n’importe quoi. La morale ne pouvait être relative à l’échelle humaine mais elle devait forcement être transcendantale ».
David rencontre alors des hommes de religion, dans la chrétienté, mais »ces personnes me donnaient l’impression que la religion était déconnectée de la vie quotidienne ».
Progressivement, il se rapproche du judaïsme et commence à suivre des cours auprès d’un Rav. »C’est mon Rav en France qui m’a conseillé le programme Shvout. Comme je n’ai jamais vu le judaïsme uniquement comme une religion mais aussi comme un mode de vie, il me semblait qu’il n’était totalement réalisable qu’en Israël ».
David intègre le programme Shvout, à Yakir, l’année de la Shmita: »pour moi c’était très particulier parce que cela venait confirmer ce sentiment que le judaïsme ne peut être vécu et ressenti complètement qu’en Eretz Israël. Je l’ai encore davantage éprouvé lors de mes passages en France, j’y ai perçu une nette distance entre ce qu’était ce monde duquel je venais et celui dans lequel j’avais décidé de faire ma vie maintenant ».
David gardera un souvenir très riche de cette année dans le cadre de Shvout: »L’enseignement y est intense. J’ai plus appris en une année ici qu’en plusieurs si j’étais resté en France ». Le jour où le le Beth Din prononce l’officialisation de sa conversion, David est heureux, évidemment, mais »c’est comme si j’avais toujours été juif, je le ressentais si fort, depuis si longtemps. Ceci dit, le passage au mikvé et le premier shabbat qui a suivi avec ma première montée à la Torah étaient particuliers au regard de cette conviction de faire partie du peuple juif ».
Son alya, il ne s’attendait pas à vouloir la faire aussi vite. Mais finalement, elle s’est imposée naturellement, comme une continuité de sa façon de vouloir vivre son judaïsme.
Pour plus de renseignements :
Baruch Lior
Israel: 050-5524554
France: 01-77502265
Avraham Azoulay et Guitel Ben-Ishay
On sent bien au travers de ce que chacun décrit de son parcours que ce sont des âmes perdues qui reviennent à la maison !