J’étais de retour à Toulouse, ma ville natale, après plus de dix ans d’absence. Retrouver ces rues et cette ambiance, dans lesquelles j’avais grandi et où j’avais passé toutes mes années d’études, m’était évidemment particulièrement émouvant. J’étais coincé dans un embouteillage monstre, et je réfléchissais à la meilleure façon de convaincre le directeur de la clinique avec lequel j’avais rendez-vous afin qu’il accepte de nous céder son bloc opératoire pour effectuer nos Brit Milot… sur adultes ! J’avais déjà essuyé cinq refus de la part des directeurs d’établissements sollicités avant lui, et j’espérais vraiment que le sixième serait le bon… Plusieurs jeunes de la région, en effet, attendaient la date de leur intervention et j’avais à cœur de pouvoir leur organiser une session rapidement.
Des coups frappés à la portière, côté passager, me firent soudain sursauter et m’arrachèrent à mes réflexions… Un jeune était penché devant la vitre et, avec un sourire engageant, me faisait signe de l’abaisser pour lui parler.
– Bonjour ! Dites, c’est bien vous le Rav Kadoch ?
J’écarquillai les yeux et, tout en répondant par l’affirmative, me demandai comment ce jeune homme pouvait connaître mon visage et mon identité, ici, à Toulouse… ! Et surtout, comment il avait pu me trouver ici, sur les Grands Boulevards, à ce moment précis !
– C’est marrant, me dit-il, j’allais justement vous contacter ! En fait, je voudrais que vous me fassiez la Brit Mila.
Il m’annonça cela comme ça, de but en blanc ! J’avais l’impression d’halluciner…
– Je vous ai trouvé sur Internet, m’expliqua-t-il, j’ai vu sur votre site tout ce que vous faites. Et je…
Mais un concert de klaxons vint interrompre son exposé. Je m’empressai de prendre son numéro afin de le contacter au plus vite. En constatant le sérieux de sa motivation et l’Aide Divine évidente dont il bénéficiait, je décidai immédiatement de l’inclure dans la prochaine session. En fait, c’était sa copine qui l’avait poussé à faire téchouva ; elle qui lui avait demandé de respecter Chabbat et avait exigé qu’il se fasse circoncire pour rester avec elle… !
Quelques semaines plus tard, pendant sa Brit Mila, je vis couler un flot de larmes sur son visage.
– Je me sens enfin libéré, me révéla-t-il. Et je suis fier d’abandonner aujourd’hui le nom de Mathieu pour reprendre celui de mon grand-père : Moché. Il vient de se passer quelque chose de très très fort en moi, je ressentais un sentiment merveilleux, dans tout mon corps… quelque chose qui a réveillé un amour puissant pour la Torah !
Quelques mois plus tard j’eu le privilège d’assister à leur mariage célébré par le Grand Rabbin de Paris Rav Gugenheim ! Ils vivent aujourd’hui à Tel Aviv car ils souhaitaient commencer leur vie de couple sur LEUR terre… Un jour, Moché me fit une révélation stupéfiante :
– Vous savez Rav, durant toutes mes années d’études, j’ai un peu fréquenté la synagogue de Toulouse. Et la place à laquelle je m’asseyais toujours portait une plaque… avec votre nom de famille !
Il se trouvait, effectivement, que ce siège était celui-là même que ma mère avait acquis à la mémoire de mon frère zal… !
Rav Avraham Kadoch