À l’occasion de la publication de Hyper Caché, rencontre avec Michel Taubmann, qui publie le livre avec Yohann Dorai !
Le P’tit Hebdo : Pourquoi avoir décidé d’écrire ce livre avec Yohann Dorai, et comment s’est organisée votre collaboration ?
Michel TAUBMANN : Je m’étais intéressé à ce drame en tant que citoyen, français et juif mais j’ai pu m’en approcher de plus près en tant que journaliste cette fois, à la suite d’une rencontre un peu fortuite avec Yohann Dorai. J’ai réalisé qu’on ne savait que peu de choses sur ce qui s’était déroulé vraiment dans l’Hyper Cacher. Nous avons donc décidé à travers ce livre de retracer les quatre longues heures dans la tête des otages. Nous avons réussi, avec Yohann, à produire un ouvrage passionnant et émouvant, à faire connaître ces personnes à travers son témoignage. Nous avons dépassé les faits et décrit son ressenti, seconde après seconde, les relations entre otages, beaucoup de choses que le public ignore. Mais plus que cela, à travers les flashbacks dans la vie de Yohann, c’est toute l’histoire de certains Juifs de France arrivés d’Algérie qui est mise en valeur. Celle d’enfants d’immigrés, de travailleurs, issus de milieux défavorisés, élevés dans les cités, dans la France Black Beur Feuj…
LPH : De quelle façon Philippe Braham, Francois-Michel Saada, Yoav Hattab et Yohan Cohen ont-ils été tués ?
M.T. : Il faut savoir que lorsque le terroriste Coulibaly entre dans l’Hyper Cacher, il s’ensuit une panique indescriptible. Les gens hurlent pendant plus de vingt minutes. Ils réalisent qu’ils ne sont pas pris dans un hold-up, mais qu’ils sont bien face à un terroriste islamiste venu pour tuer, juste après Charlie Hebdo. Ils comprennent qu’ils vont mourir en tant que Juifs. Coulibaly entre et tue Philippe Braham. François-Michel Saada, qui ignore la présence d’un terroriste, insiste pour entrer, est repoussé par la caissière, mais pénètre tout de même dans le magasin. Il est également tué. Yohan Cohen, un jeune employé est blessé et agonise pendant deux heures dans des conditions atroces. Il est finalement achevé. Les otages ne se remettent pas de ce souvenir. Yoav Hattab, un étudiant de 21 ans, fils du Grand Rabbin de Tunis, meurt en héros en tentant de désarmer le terroriste. Nous lui avons dédié notre livre.
LPH : Avez-vous pu parler avec tous les anciens otages de l’Hyper Cacher ?
M.T. : Ce livre est avant tout l’histoire de Yohann. Pour suivre le déroulé des faits, j’ai cependant rencontré une douzaine d’anciens otages, et tous leurs témoignages se recoupent. Je suis également allé sur place, dans le sous-sol du magasin. Tout est authentique. Ils décrivent tous la même histoire, elle est prouvée. L’histoire de Lassana Bathily quant à elle n’est pas vraisemblable.
LPH : Justement, qu’avez-vous découvert sur le “Français préféré” de F. Hollande ?
M.T. : Lassana Bathily n’est pas un héros. Tout a en fait été inventé. Lassana Bathily n’a guidé personne au sous-sol : ils sont descendus instinctivement pour fuir le terroriste. Ils ont trouvé en bas Lassana Bathily, employé du magasin, complètement hébété, et on le comprend ! Il a proposé à certains d’entre eux de s’enfuir par le monte-charge mais ils ont refusé, jugeant la proposition trop dangereuse. Ce n’est qu’après son départ que les otages se sont cachés dans le congélateur, débranché par Yohann qui est chauffagiste de profession. Toutes les personnes présentes en attestent. Bathily n’a pas donné les plans aux policiers. Il ne les détenait d’ailleurs pas. Vous l’imaginez s’enfuir du magasin avec des plans d’architecte sous le bras ?
Les gens que j’ai rencontrés dans cette enquête, ces anciens otages, sont des gens généreux, absolument pas racistes. Ils ne veulent aucun mal à Lassana Bathily. Mais il faut avouer qu’ils ont été choqués qu’on les dépossède de leur histoire et qu’on ne rende pas hommage aux véritables héros. Yoav Hattab, ce tout jeune homme qui dans sa bravoure s’est emparé d’une arme pour libérer les clients du magasin mais qui malheureusement s’est fait tuer par Coulibaly. Zarie, la jeune caissière, qui a menti les yeux dans les yeux au terroriste pour protéger les personnes (dont un bébé) cachées au sous-sol, qu’elle ne connaissait pas. Voilà les vrais héros !
Mais les médias ont préféré l’histoire du héros musulman immigré. Car la France a peur de l’islamisme, et quel soulagement de se rassurer en voyant en ce jeune un héros ! C’est à mon sens contreproductif : mieux vaut montrer aux jeunes Français l’image du vrai Lassana, immigré musulman travaillant en parfaite intelligence avec des Juifs, plutôt qu’en héros inaccessible (qu’il n’a jamais été).
LPH : Les Juifs ont-ils un avenir en France ?
M.T. : Seul l’avenir nous le dira, mais quoi qu’il en soit, l’assassinat d’Ilan Halimi, l’attaque de Ozar Hatorah à Toulouse, la tuerie de l’Hyper Cacher nous montrent qu’on peut mourir en France uniquement parce qu’on est Juif. La France ne se réduit pas à l’antisémitisme, mais la violence antisémite a changé le regard des Juifs sur la France.
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Propos recueillis par Liora Bibas