“H’emed”: derrière ce terme qui peut paraitre obscur se trouve une vision de l’enseignement, de la transmission et du futur de nos enfants. Ce mot est, en fait, les initiales en hébreu de ”h’inouh’ mamla’hti dati”, ou enseignement public religieux. Il recouvre les établissements scolaires de la maternelle jusqu’à la Terminale qui, reconnus par le ministère de l’Education nationale, offrent à leurs élèves, parallèlement au programme profane, tout un éventail de matières religieuses approfondies et un accent mis sur l’identité juive au sein de l’Etat d’Israël. Ces institutions sont aujourd’hui dirigées par le Rav Dr Avraham Lipshitz.
En cette période de Pessah, de transmission, nous vous proposons d’aller au plus près de ce qui fait la spécificité de ce courant d’enseignement: sa volonté de former des générations futures fières de leur identité, de leurs racines et de leur pays et par conséquent, accueillir et intégrer les olim hadashim dans cette vision et ce projet.
”H’emed s’adresse à tout le peuple” Esther Hattab, inspectrice générale, Maternelles H’emed
Le P’tit Hebdo: Comment définissez-vous le courant ”mamlah’ti dati”?
Esther Hattab: C’est un courant qui est investi d’une mission pour tout le peuple. Au sein de H’emed nous accordons une importance particulière à 5 piliers: la relation de l’élève à lui-même, la relation de l’élève à Hachem, la relation de l’élève envers son prochain, la relation de l’élève envers son peuple et celle envers sa terre. Nous enseignons toutes les mitsvot de la plus simple à la plus compliquée et nous transmettons aux enfants le goût de chacune. Les enfants suivent des cours de kodech qui recouvrent tous nos textes sacrés et englobent tout notre héritage. Le niveau est aussi exigeant dans les matières profanes. Tout cela se fait sans perdre de vue que nos enfants doivent être des partenaires du public israélien, et prendre part intégralement à la vie de leur Etat: cela se traduit par un encouragement au bénévolat, un respect de l’armée et des institutions de l’Etat. Enfin, je dirais que la particularité du système éducatif israélien est de voir l’enfant dans sa totalité et pas uniquement comme un élève. La transmission ne se limite pas aux matières purement scolaires: nous devons la placer sur un plan social, sur celui du développement personnel pour faire partie intégralement de notre peuple.
Lph: En tant qu’inspectrice générale des maternelles, expliquez-nous comment cet héritage est-il transmis dès le plus jeune âge.
E.H.: Je vous donnerai un exemple très parlant. Chaque année, les enfants de H’emed sont accompagnés par un personnage-clé. L’année dernière c’était le Rav Shlomo Goren, cette année c’est le Rav Meïr Yehouda Guetz, l’ancien Rav du Kotel. A travers ces figures importantes de notre histoire juive contemporaine, les enfants apprennent leurs racines et des valeurs qu’ils comprennent devoir perpétuer. Afin de s’adresser au mieux aux tout petits, nous éditons des petits livres avec des histoires sur ces personnages. Je tiens à préciser que le livre sur le Rav Guetz a été traduit en français.
Lph: Pourquoi?
E.H.: H’emed est une maison, une famille pour tout le peuple et particulièrement pour les olim. Ainsi dans nos écoles, ils sont mis en avant, nous développons de nombreux programmes pour les aider dans ce changement qu’est l’alya. Comme le disait le Dr Yoël Bin Noun: ”le miracle du Rassemblement des exilés est encore plus grand que celui de l’ouverture de la Mer Rouge”. Nous croyons vraiment à cela au sein de H’emed. Dans cette optique, des institutrices de maternelle de Netanya ont pris l’initiative de cette traduction. L’idée était dans un premier temps de faciliter la compréhension pour les enfants, mais surtout de permettre aux parents de partager ces histoires avec eux.
Shoshi Rabinovitz, responsable de l’intégration des olim dans les établissements H’emed, région Jérusalem
Le P’tit Hebdo: Quelle approche H’emed adopte-t-il vis-à-vis des olim hadashim?
Shoshi Rabinovitz: Cette approche envers les olim en général, et ceux de France en particulier, trouve sa source dans le miracle du Rassemblement des exilés, qui se déroule sous nos yeux. Nous considérons les olim avec respect, admiration et c’est avec beaucoup d’émotion que nous apprécions leur démarche d’être venus en Israël.
Notre expérience sur le terrain auprès des olim ne fait que renforcer notre conviction que l’alya est une mitsva et une mission qui allie sionisme et nécessité. Nous comprenons aussi combien il peut être difficile de quitter le pays qui nous a vus naître, notre famille, notre langue, notre travail et de tout recommencer, même si c’est avec joie, sur notre terre sainte, Eretz Israël.
Chaque événement au sein de H’emed prend soin d’associer l’intégration des olim comme sujet central, important et émouvant. Cette année pour les 70 ans de l’Etat, nous avons réuni tous les directeurs des établissements H’emed à la Knesset et le thème de cette rencontre exceptionnelle était: le Rassemblement des exilés.
Les olim de France sont particulièrement attentifs à un des piliers de H’emed, celui de la relation entre l’élève et sa terre. Ils ont une sensibilité sioniste particulière. Lors des cérémonies, au moment où l’on chante la Hatikva et le ”Ani Maamin”, beaucoup de parents olim de France sont émus aux larmes. Et nous partageons cette émotion: quel mérite avons-nous de les accueillir!
Lph: Quels sont les programmes dédiés aux olim?
S.R.: Nos programmes pour les olim recouvrent les domaines de l’apprentissage, de la sensibilité de chacun, de la socialisation. Nous avons beaucoup d’attentes envers les établissements et l’environnement global dans lesquels les olim sont accueillis. Nous voulons qu’ils intègrent correctement le contexte de l’élève olé: ses difficultés, celles de sa famille. Ces élèves doivent pouvoir bénéficier de temps pour s’adapter et se voir offrir les outils et les opportunités nécessaires pour s’intégrer. Les parents et les enfants doivent sentir que nous les comprenons et que nous les soutenons.
Nous espérons que les élèves et leurs parents parviennent à voir ces mains tendues et cette volonté réelle de les intégrer. Ils doivent aussi comprendre que la patience est indispensable dans ce processus. Il suffit de regarder les anciens olim parfaitement intégrés aujourd’hui et se souvenir qu’un jour, eux aussi, ont été olim hadashim. D’ merci, cela fonctionne!
Lph: Quels sont les défis dans l’intégration des olim de France?
S.R.: H’emed se définit comme une maison d’éducation qui est aussi une famille et s’engage en cela à accueillir chaque enfant avec joie, à l’éduquer à l’amour de la Torah et la Crainte du Ciel, à l’accomplissement des mitsvot et aux bonnes valeurs. Nous voulons que nos élèves tendent vers l’excellence dans tous les domaines et s’identifient au proverbe: ”tu aimeras ton prochain comme toi-même”. C’est aussi ce que nous voulons pour les olim de France! Cette population, dans ses caractéristiques, colle parfaitement à ce qu’est le h’inou’h mamlah’ti dati. Les olim de France aiment la Torah et les mitsvot et veulent aussi un bon niveau académique pour avoir un emploi. C’est pour cela que H’emed est leur maison.
Notre plus grand défi avec les olim en général et ceux de France en particulier est de leur permettre de comprendre les différences entre le système éducatif de leur pays d’origine et le nôtre. En Israël, il n’y a pas de séparation hermétique entre l’école et la maison. Les professeurs sont en contact permanent avec les parents, même en soirée, lorsque cela est nécessaire, que ce soit pour des difficultés ou simplement pour féliciter l’enfant de ses progrès ou de son comportement.
Ici l’école est aussi un lieu de culture et d’éducation informelle: événements, excursions, bénévolat. Cela peut choquer certains parents qui pensent qu’en Israël on n’étudie pas. Mais pour nous, c’est précisément aussi une façon d’apprendre!
Enfin, nous accordons une importance particulière au développement affectif de l’enfant et pas seulement scolaire.
Lph: Tous les ans, H’emed célèbre le ”Yom Kiboutz Galouyot”. Pourquoi?
S.R.: Il s’agit d’une des expressions de notre pilier ”relation de l’élève à son prochain”. Il est important pour nous de marquer par ce jour le miracle du Rassemblement des exilés. Nous décernons un prix à des olim qui se sont distingués pendant l’année. Une jeune ola de France, Levana Touboul, arrivée en 2011, aujourd’hui en kita vav a été récompensée pour cette édition, parmi d’autres, pour son investissement dans ses études et dans la vie sociale de son établissement. Par ce biais, nous enseignons aussi aux élèves non olim le caractère fondamental de l’alya et le respect qui est dû à ceux qui ont entrepris cette démarche. L’Etat d’Israël s’est construit et se construit sur l’alya. Nous sommes tous soit olim soit enfants d’olim.
Lph: Pessah est la fête qui célèbre notre sortie d’exil. Aujourd’hui, encore beaucoup de Juifs dans le monde hésitent à rejoindre Israël, notamment parce qu’ils sont réticents face au système éducatif. Quel est votre message pour eux?
S.R.: Les piliers de H’emed parlent à tous. Ils ne peuvent être développés et appliqués qu’en Israël. Pour offrir tout cela à ses enfants, on ne peut hésiter: cela vaut la peine de se lancer dans l’aventure de l’alya et de rejoindre la famille H’emed.
Surtout, je voudrais souligner que c’est un véritable mérite d’être élève en Eretz Israël, dans l’Etat d’Israël, dans l’Etat des Juifs! C’est cela la liberté!
Pour aller plus loin
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Légende photo: De d. à g.: Alex Glicksberg, H’emed région Jérusalem; Yossi Shinover, Inspecteur général; Levana Touboul et sa mère; Shoshi Rabinovitz