Le 13 janvier 2007, Shay Dromi, un agriculteur dans le Neguev, aperçoit des voleurs qui s’approchent de ses champs. Ce n’est pas la première fois que des visiteurs mal intentionnés tentent de pénétrer sur ses champs, il a déjà subi plusieurs actes criminels et ne dort plus la nuit pour veiller sur son exploitation. Il tire sur deux des malfaiteurs cette nuit-là, l’un ne survivra pas l’autre sera gravement blessé. Dromi est placé en garde à vue. Un débat nait alors au sein de la société israélienne, autour de la question de la légitime défense pour ces agriculteurs très souvent victimes de vols et de dégradations.
Parmi les personnes qui vont aider Dromi à être acquitté du chef d’accusation d’homicide, se trouve On Rifman. Son action va aboutir à la modification de la loi pénale afin d’innocenter les personnes dans le cas de Shay Dromi.
Cette expérience fait comprendre à Rifman la nécessité de créer une structure pour venir en aide à ces agriculteurs. Avec un ami, Yoël Zilberman, il crée l’association Hashomer Hahadash (Le nouveau gardien).
LPH: Hashomer Hahadash est né d’un sentiment d’abandon?

On Rifman: Je préfère dire qu’Hashomer Hahadash est né de la volonté de transformer une crise en opportunité. J’ai grandi sur les histoires du Palma’h, mes grands-parents étaient tous les deux des combattants du Palma’h. On m’a inculqué l’idée que c’est grâce à l’agriculture que notre pays a pu se développer.
Puis, j’ai intégré une école de préparation militaire avant d’effectuer mon service au sein de la sayeret matkal. Là, j’ai rencontré mon ami Yoël Zilberman dont le père élevait du bétail en Galilée. Il était souvent victime de vols, mais aussi de violences physiques. On essayait tout simplement de lui voler sa terre.
Nous sommes tous les deux laïcs et nous avons partagé ces années de préparation militaire avec des sionistes religieux qui nous ont encore plus confortés dans l’idée de l’importance de la terre d’Israël. Nous avons commencé à connaitre notre héritage, le judaïsme et à comprendre le lien profond entre le peuple et sa terre à travers les enseignements de Manitou.
Je constatais que d’une manière générale, les Israéliens délaissaient de plus en plus l’agriculture. Les terres étaient investies par des travailleurs étrangers ou volées par des Bédouins qui construisaient dessus illégalement.
Entre la violence, le vandalisme et le délaissement des terres, l’agriculture israélienne est en danger, les terres nous échappent. Et l’Etat laisse faire !
Avec Yoël, nous avons décidé de créer une structure qui replace l’agriculture en tête de nos intérêts, qui ramène la jeune génération vers la terre.
LPH: Votre but est donc double: protéger les agriculteurs et promouvoir l’agriculture qui ancre notre présence sur cette terre ?
O.R.: Oui, mais il faut comprendre qu’il s’agit des deux faces d’une même pièce. Les agriculteurs ne sont pas suffisamment protégés parce qu’ils ne sont pas considérés à leur juste valeur.
Lorsque des cas de vols ou vandalisme sont signalés à la police, la plupart du temps, ils ne sont pas résolus ou classés pour cause de ”manque d’intérêt général”. En d’autres termes, la police nous fait comprendre que le vol de quelques vaches n’a pas d’importance face à des affaires de meurtres qu’elle doit résoudre.
Nous pensons qu’il est très important de se préoccuper des vols de bétails, des incendies de cultures ou des intimidations envers les agriculteurs. Il en va de notre présence sur cette terre.
Celui qui évolue dans la hi-tech, qui fait de l’argent et qui vend ensuite sa société à des étrangers est perçu comme un héros. Mais est-ce lui le héros israélien ? Le véritable héros israélien, c’est l’agriculteur parce qu’il plante quotidiennement des graines et produit de la nourriture saine pour son peuple.
LPH : Votre action est-elle aussi politique ?
O.R. : Nous ne sommes pas un lobby. Nous participons parfois aux débats à la Knesset lorsque nous savons que nous pouvons apporter une expérience issue du terrain qui permettra d’ajuster correctement les textes de loi à la réalité. Nous avons, par exemple, participé à la rédaction d’une loi contre les intimidations et le chantage dont sont victimes les commerçants et les agriculteurs, par des groupes mafieux. Ceux-ci les menacent d’incendier leurs champs ou leurs commerces s’ils ne se plient pas à leur volonté. D’après un sondage que nous avons commandé, 75% des commerçants ou agriculteurs interrogés ont déclaré avoir été victimes de ces méthodes. C’est intolérable !
Notre action n’est pas dirigée contre une population en particulier mais en faveur des agriculteurs. Ainsi, nous aidons aussi les Bédouins et les Arabes lorsqu’ils se retrouvent dans la détresse. Nous nous battons contre les délinquants qui ruinent les récoltes, détruisent le travail de toute une vie et cherchent à voler des terres.

LPH : Concrètement quelle est votre action sur le terrain ?
O.R. : Notre association est composée de volontaires, ils sont aujourd’hui plus de 2000 du nord au sud. Ils apportent une assistance aux agriculteurs qui sont dans la détresse. Nous avons des équipes qui se relaient la nuit pour surveiller un champ ou un troupeau, afin de permettre à l’agriculteur de dormir tranquille.
Nous apportons aussi un soutien à ceux qui sont confrontés à des actes de violence. Nous ne remplaçons pas la police, nous n’en avons pas l’autorité, mais nous portons assistance là où nous le pouvons.
Nous mettons aussi en valeur le travail agricole en aidant les agriculteurs dans leur travail et en organisant des visites de groupes. Nous faisons ainsi découvrir la terre, sa valeur, son importance, à des Israéliens et à des touristes. Parfois, ces derniers effectuent un volontariat, parfois ils se contentent de venir voir, mais ils se souviennent toujours longtemps de cette expérience.
LPH : Les cas de violence sont-ils très courants ?
O.R. : On en déplore au moins trois ou quatre par semaine. Nous avons lancé ces dernières semaines une campagne pour aider deux jeunes agriculteurs qui ont pris la suite de leur entreprise familiale, vieille de 100 ans. Ils élèvent des vaches laitières et comptent parmi les producteurs de lait les plus importants du pays. Ils ont mis au point des techniques et une nourriture bien particulière pour leurs vaches qui produisent des résultats étonnants. Dans la nuit du 11 mars dernier, à 2h du matin, toute leur réserve de nourriture pour les deux années à venir, a été incendiée. Les dommages se chiffrent à plusieurs millions de shekels.
La police a conclu à un incendie volontaire, mais trois mois plus tard, aucune piste n’est encore envisagée.
LPH : Une de vos volontaires, Reut Amihaï, 17 ans, a allumé un flambeau cette année lors de la cérémonie de Yom Haatsmaout. Elle était accompagnée d’un agriculteur de plus de 90 ans. Que représente pour vous cet instant ?
O.R. : Une semaine avant Yom Haatsmaout, Yoël et moi avons été contactés pour allumer un flambeau au nom d’Hashomer Hahadash. Pour nous, il était évident qu’il fallait que ce soit un ou une de nos volontaires et un agriculteur qui allument ce flambeau.
La plupart de nos volontaires sont des jeunes adolescents qui ont entre 15 et 18 ans. Ils sont très motivés. Dès qu’un agriculteur a besoin d’aide, ils sont là. Je ne devrais pas le dire trop fort, mais ils ratent aussi l’école pour cette mission. Alors que les jeunes de cet âge sont le plus souvent occupés à sortir et à se distraire, eux consacrent la plupart de leur temps à prêter main forte aux agriculteurs. Ils se sont d’ailleurs surnommé ”les pigeons” parce qu’ils ont souvent entendu que c’est ce qu’ils étaient puisqu’ils ne profitent pas de leur temps libre pour s’amuser. Eh bien eux revendiquent le fait d’être des ”pigeons” et en sont fiers.
LPH: Etes-vous satisfait des résultats que vous obtenez et optimiste pour la suite?
O.R. : Nous avons réussi à changer le sentiment des agriculteurs. Ils savent qu’ils sont accompagnés. Ils sont des milliers, juifs, bédouins, arabes à nous solliciter et nous sommes en mesure de répondre.
L’avenir sera d’autant plus prometteur si nous réussissons à mobiliser de plus en plus de monde autour de nous. Chacun peut apporter sa pierre à l’édifice, que ce soit en aidant financièrement, en se portant volontaire sur le terrain ou en organisant des visites avec des groupes.
Pour aller plus loin: www.hashomer.org.il
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay pour LPH Magazine numéro 999. Lire LPH Magazine en ligne, cliquez ici.
Hazak
Voilà les vrais héros d’Israël
Le reste, le brouhaha par ailleurs n’est que commentaire (…comme en terre)
Ce commentaire m’a donné les larmes aux yeux. J’ai grandi dans le Shomron où l’eau, le matériel, les terres et bêtes sont volés régulièrement. Nous étions gardien du yeshouv.