Herzi Halévy a quitté ce matin (mercredi) ses fonctions en tant que Chef d’Etat-major, poste qu’il aura occupé pendant un peu plus de 2 ans et qui a été entâché par les événements du 7 octobre.
Lors de son discours d’adieu prononcé ce matin à l’occasion de la passation de pouvoir avec son successeur, Eyal Zamir, Halévy a appelé à la création d’une commission d’enquête nationale sur le 7 octobre et déploré les critiques entendues sur la gestion de l’armée ces derniers mois tout en expliquant comment il avait choisi de ne pas rejeter les réservistes qui ont menacé d’arrêter de servir pendant la protestation contre la réforme judiciaire.
»Pendant de nombreuses années, Tsahal a rempli ses missions. Mais le 7 octobre, Tsahal a échoué. Cet échec a été profond. Cependant, il n’est pas juste qu’un échec d’une telle ampleur fasse uniquement l’objet d’enquêtes au sein de Tsahal et du Shabak. Tsahal reçoit des directives de la part de l’échelon politique et agit en conséquence. La création d’une commission d’enquête nationale est nécessaire et essentielle – non pas pour désigner des coupables, mais avant tout pour identifier la racine des problèmes et permettre de corriger », a déclaré Halévy.
»Lorsque le pays que vous aimez tant est en danger, il n’y a aucun autre endroit où vous souhaiteriez être que celui où j’étais : diriger et influencer. J’aurais préféré empêcher cela. J’aurais préféré que rien de tout cela ne se produise. C’était ma garde, et ce qui s’est passé est sous ma responsabilité – une responsabilité que je porterai pour toujours. C’est au nom de cette responsabilité que je mets également fin à mes fonctions. Je considère la responsabilité comme une valeur morale, et non comme une question juridique. Les valeurs sont plus élevées que les lois. J’ai toujours ressenti ma responsabilité en tant que commandant de l’armée, et plus que jamais le jour de Simhat Torah. Cela restera en moi pour toujours. Ma responsabilité envers les citoyens, les officiers et les soldats qui se sont battus avec bravoure et ne sont pas revenus, envers ceux qui ont attendu Tsahal qui n’est pas arrivée, envers les blessés et les otages. En quatre décennies, j’ai aussi été responsable de certaines réussites, avant et après le 7 octobre, des opérations importantes menées par mes subordonnés et moi-même. J’ai toujours assumé ma responsabilité envers ceux qui étaient sous mon commandement. J’ai toujours cru au soutien envers mes hommes, à l’apprentissage, à la formation – à l’idée de tomber, se relever et aller de l’avant ».
Puis adressant une critique voilée à l’échelon politique: »Je n’ai jamais été loyal envers une personne en tant que telle, à l’exception d’une seule. Nous sommes tous de passage, l’État est plus important que nous, et c’est donc à lui que notre loyauté doit être consacrée – ainsi qu’à la chaîne de commandement, car Tsahal est subordonné aux échelons supérieurs. Je sais, Monsieur le Premier ministre, qu’à mesure que l’on gravit les échelons, il devient plus difficile d’approuver des opérations et que la responsabilité devient plus lourde. J’apprécie la liberté d’initiative et d’action qui nous a été accordée. Tsahal a subi parfois des attaques virulentes, avant la guerre et pendant celle-ci. Cela ne nous aide pas à devenir meilleurs. Cela risque d’éroder la confiance des soldats envers leurs commandants et d’inquiéter les parents, dont les enfants risquent leur vie sur le champ de bataille. Saper l’image de Tsahal ne renforcera pas la motivation ni l’engagement à servir sur le long terme. On n’a pas besoin d’être combattant pour exprimer une opinion, mais certains de ceux qui prêchent sur le manque de courage et de détermination n’ont jamais senti la froideur de la détente du fusil la nuit face à l’ennemi, ni entendu la respiration haletante d’un camarade blessé porté sur une civière à travers un terrain hostile ».
Le chef d’état-major sortant s’est également exprimé sur les tensions au sein de la société israélienne avant le 7 octobre, qui se sont traduites par des appels à ne plus effectuer les périodes de réserve: »Lorsque j’ai pris mes fonctions, la société israélienne était traversée par de profonds désaccords. Il ne s’agissait pas de débats militaires ou sécuritaires, mais Tsahal est l’armée du peuple, et ces tensions ont principalement affecté les rangs des réservistes. Tsahal s’est retrouvée face à un défi menaçant sa cohésion et son unité. Nous avons agi en nous inspirant des sources juives, notamment du traité Sanhédrin : ‘Que toujours la main gauche repousse, mais que la droite rapproche.’ Tsahal n’a pas le pouvoir d’empêcher des citoyens d’exprimer leur opinion, même s’ils sont réservistes. Mais nous n’avons pas permis que ces divergences influencent l’armée dans l’exercice de ses missions. Nous avons été critiqués des deux côtés, mais nous avons choisi de préserver l’unité de Tsahal. Ainsi, le 7 octobre, à 06h29 du matin, tout le monde est venu. Tsahal était un seul corps uni. Les divisions sont restées en marge. Nous avons agi, comme toujours, avec un seul objectif : la sécurité d’Israël ».
Halévy a conclu: »Je n’ai jamais aimé la lumière des projecteurs. J’ai toujours préféré l’obscurité de la nuit, avancer en silence, murmurer dans la radio sur le terrain, réfléchir avec acuité. Aujourd’hui, je passe le commandement. Mais si un jour vous avez besoin d’un soldat pour une nuit sombre, je serai là. Toujours ».