Interview réalisée par Laëtitia Enriquez pour Actualité Juive numéro 1659
Chaque année, au moment des fêtes de Roch Hachana, Actualité Juive réalise avec le grand rabbin de France
un grand entretien qui permet de revenir sur les moments importants de l’année écoulée et d’analyser les sujets de l’année à venir. Pour Haïm Korsia, l’actualité prochaine sera dominée par des enjeux de solidarité, d’économie et de protection de l’environnement qui convergent totalement avec les valeurs de la Torah.
Monsieur le grand rabbin de France, faisons, si vous le voulez bien, un bilan de l’année écoulée. Les élections présidentielles et législatives ont confirmé une bipolarisation de la vie politique autour des extrêmes. Comment avez-vous, vous-même, vécu cette période ?
Haïm Korsia : C’était une période de grande souffrance. Une campagne présidentielle doit être une période d’échange de projets. Or, à l’extrême droite comme à l’extrême gauche, il n’y avait que violence. Les uns et les autres ont essayé de passer soit pour des diabolisés, soit pour des socialisés mais le seul principe qui les animait était la haine et, d’une certaine manière, le rejet de la République. Prenons un seul exemple qui nous concerne, même s’il y en aurait bien d’autres. Le président du Rassemblement national a déclaré qu’il souhaitait interdire l’abattage rituel et l’importation de viande abattue rituellement. Peut-être sommes-nous un dégât collatéral de cette haine tournée vers les musulmans, mais cela n’en est pas moins inacceptable. De l’autre côté de l’échiquier politique, Yannick Jadot, vainqueur de la primaire des écologistes a annoncé, dans sa première déclaration, vouloir interdire l’abattage rituel. Dans un contexte où l’on devrait parler d’idées, de construction de société et de sécurité des Français, on a essayé de faire de l’abattage rituel l’absolu de la campagne électorale. On ne peut
donc pas être serein dans ce paysage.
Que signifie concrètement cette perte de sérénité?
H.K. : Le pire serait de croire que l’on puisse être tranquille. En ce qui concerne l’abattage rituel, il peut tout à fait y avoir une pulsion végan qui émergerait d’un des pays d’Europe et arriverait jusqu’à nous. Le Talmud évoque ce sujet dans le traité Pessahim, page 49b : « Un homme du peuple ne peut pas manger de viande », peut-on lire. J’interprète cela ainsi : quelqu’un qui n’apporte rien au monde ne peut pas prendre la vie des animaux pour grandir sa vie. Or, je constate aujourd’hui que dans la pulsion d’individualisme où chacun se recroqueville sur lui et se désintéresse radicalement du bien commun, il y a parallèlement, et je dirais même concomitamment, une
pulsion à ne plus vouloir manger de viande, comme une façon de démontrer que le Talmud avait anticipé notre temps d’égoïsme.
Il existe tout autant de tensions sur le sujet de la circoncision et sur celui des examens universitaires qui tombent le chabbat, pour lequel je me bats corps et âme. Et je dois vous dire que c’est une blessure personnelle lorsque j’échoue. On arrive toutefois à faire des miracles. Mais de ceux-ci, on ne peut pas parler. Si l’on ajoute à ces sujets celui de la sécurité, on comprend qu’il y a une forme d’angoisse. Pourtant, en tant que juifs dans la société française, notre seule possibilité est une République forte, capable de respecter ses valeurs et d’imposer ses règles. Faire, en somme, ce que dit la Torah de manière magnifique dans la Paracha Choftim : « Choftim Ve Chotrim » – Tu mettras des juges et des policiers. Ainsi faut-il aussi que les juges et les policiers se parlent. On a souvent le sentiment que les juges ne vivent pas dans la même société que nous, comme nous l’avions vu lors du non-jugement dans l’affaire Sarah Halimi, même si nous avons pu faire évoluer la loi. Il faut aussi être capable de faire appliquer les décisions prises. Une sévérité de l’État pour que l’impunité cesse et qu’aucune personne juive ne soit obligée de baisser la tête et de passer discrètement quelque part comme si elle devait avoir honte de son judaïsme. En France, jamais personne ne doit avoir honte d’être ce qu’il ou elle est.
La campagne électorale a été marquée par la percée d’Eric Zemmour qui a bénéficié d’une grande popularité, notamment dans la communauté juive. Vous vous êtes clairement opposé à lui quitte à susciter des réactions hostiles à votre égard. Regrettez-vous d’avoir ainsi pris position?
H.K. : Absolument pas ! Je ne dois pas défendre tel ou tel candidat en fonction de son origine. Il a tout osé ou presque. S’attaquer à Dreyfus en disant que ce n’était pas de l’antisémitisme mais de l’anti-germanisme et – en plus ! – qu’il était probablement coupable. Rajoutons l’ignominie de l’insulte faite à la mémoire du fils et des petits-enfants de mon ami Samuel Sandler et à la mémoire de la petite Myriam Monsonego, vous avez là tout ce qui peut être pour le moins terrifiant. Ajoutons encore sespropos sur Pétain qui instillent l’idée qu’il aurait sauvé les juifs français.
Mis bout à bout, tout cela constitue des marqueurs d’antisémitisme. Il me peine de dire d’un candidat que ses idées sont polluées par de telles prises de position, mais je ne pouvais pas prendre une autre posture. Posture d’ailleurs aussi prise par l’ensemble des institutions juives.
Comment expliquez-vous la popularité dont il a bénéficié dans la communauté juive?
H.K. : Je ne dis pas qu’il ne faut pas entendre le cri de souffrance de ceux qui l’ont soutenu et, d’ailleurs, je ne
me mêle absolument pas de politique. Je rappelle seulement qu’il y a des valeurs essentielles et convergentes
entre la République et le judaïsme. On a toujours rappelé ces valeurs. Je veux bien et je vois bien que les
uns et les autres tentent une dédiabolisation. Mais, dans une sorte de convergence des génies, les valeurs que prône la Torah sont exactement celles que porte la République.
Peut-on continuer aujourd’hui à renvoyer dos-à-dos extrême-droite et extrême-gauche?
H.K. : Non seulement on le peut, mais on le doit. J’ai remercié le ministre de la Justice d’avoir littéralement mouché les élus de la Nupes qui avaient porté le projet de résolution voulant assimiler Israël à un État pratiquant l’apartheid.
A voir la composition de l’Assemblée nationale, on pressent qu’il va être de plus en plus difficile d’assurer la défense des valeurs qui nous sont essentielles. Comment agir et réagir pendant les cinq années à venir?
H.K : Les Maximes des Pères disent « Quel est le sage ? Celui qui voit ce qui va advenir ». Avec le président
du Consistoire central, Élie Korchia, nous avons pris l’initiative d’envoyer à tous les parlementaires l’excellent
livre du grand rabbin Bruno Fiszon consacré à l’animal dans le judaïsme avec une lettre d’accompagnement.
L’idée étant de les préparer à cette réflexion sur la place de l’animal dans la société. L’intérêt environnemental
est un intérêt ancien, prévu par nos Textes. On ne le découvre pas aujourd’hui. Toutes nos questions d’abattage rituel sont les déclinaisons d’un seul principe : celui de minimiser la souffrance animale. Nous sommes donc dans une logique de défense et nous défendrons dans cette Assemblée, c’est notre vocation, le principe de la République laïque, c’est-à-dire la liberté de pratique religieuse. Je rappellerais aussi le travail d’explication extraordinaire qu’effectuent, partout en France, les responsables de communautés auprès des élus locaux. Nous ne cessons de le répéter : la force du Consistoire, c’est la démultiplication au niveau local de son message.
Où en est le travail pour défendre l’abattage rituel ?
H.K : Ce travail a commencé depuis longtemps et il est permanent. Nous avons des alliés pour défendre ce principe de laïcité. J’ai rencontré, il y a peu, le nouveau ministre de l’Agriculture. Le gouvernement est en lien avec nous pour défendre ces grands dossiers qui sont les nôtres. Mais la bataille se joue aussi au niveau européen et nous sommes aussi sur ce front.
Face aux menaces qui pèsent sur l’abattage rituel, le plan B ne serait-il pas de se tourner vers la viande de synthèse ?
H.K. : Au dernier congrès rabbinique, nous avons abordé cette question avec les exposés de deux dayanim pour pouvoir avoir une vision sur cette nouvelle production de viande. On ne se ferme à rien. Mais avant cela, d’une région à une autre, de préfet en préfet, on explique et on défend la possibilité des communautés juives de manger cacher. Je ne veux pas en faire un sujet absolu, mais il s’agit là d’un marqueur du respect de la liberté de pratique religieuse.
Le gouvernement nous prépare à faire des restrictions en matière de consommation d’énergie, de gaz et d’électricité notamment. Quelles réponses juives apporter à ce besoin d’économie ?
H.K. : Je parlerais plus d’un besoin de modestie. Dans nos vies, il est toujours difficile de revenir en arrière dès qu’on monte d’un niveau. C’est là toute l’erreur de certains écologistes qui confondent précaution par rapport à la nature et la décroissance. La décroissance ne marchera jamais parce qu’il n’y a pas de limite. « Ein la davar sof », dit le Talmud (une chose n’a pas de fin). Lavérité est de trouver, en protégeant notre façon de vivre et le confort de nos sociétés, comment être capable de modérer certains de nos gestes et de nos habitudes. Arrêter de faire
des choses contradictoires comme, par exemple, mettre la climatisation dans un magasin et laisser la porte grande ouverte. Il faut adopter un principe de cohérence, comme l’a toujours défendu le judaïsme. C’est
un principe d’adaptation des choses aux besoins. En hébreu, cela s’appelle Bal Tachrit : ne gaspillons pas.
Faire du pain perdu, par exemple, ce n’est pas seulement retrouver le goût de son enfance, c’est aussi avoir à l’esprit que les ressources qui sont les nôtres ne doivent pas être gaspillées. C’est une forme de responsabilité par rapport à la société. Ne jetons pas ce qui n’est pas forcément jetable. Donnons, partageons, que ce soient des vêtements ou des meubles. Il nous faut mieux intégrer la notion de partage.
La vie juive se caractérise, souvent, par l’abondance et le faste. Va-t-il falloir repenser cela ?
H.K. : Cela fait longtemps déjà que je dis que nos fêtes sont démesurées et qu’elles ne correspondent plus à l’idée du bonheur partagé. On peut faire les choses plus modestement. C’est plus conforme à notre époque. Je ne demande pas aux gens de diminuer leurs fêtes, je dis que si l’on est capable de consacrer des sommes aussi importantes, que l’on donne alors au moins 10% de nos dépenses à ceux qui en ont besoin. C’est aussi là le principe du partage. « Tsedaka Tatsil mi Mavet », avait dit rabbi Akiva, “La charité sauve de la mort”, après que sa fille qui devait mourir y a échappé parce qu’elle avait finalement décidé de donner ses économies à un mendiant plutôt que de s’acheter un bijou. Face aux forces mortifères de la société, la charité, la responsabilité vis-à-vis de l’autre est ce qui nous sauve et nous protège. Cela nous protège de la mort ainsi que de cette mort sociale dans laquelle certains sont enfermés parce qu’ils ne peuvent pas vivre comme les autres. Y faire attention, c’est aussi réparer la société et participer au Tikoun Olam. Et le rav Avraham Meimoun, décédé à la fin du
mois d’août dernier, à Marseille, est la personne qui m’a enseigné ce principe à travers son exemple et sa vie.
Le rav Meimoun, décédé subitement et qui était adoré dans la communauté juive de Marseille…
H.K. : Le rav Meimoun a été pour moi incroyable. Même s’il était le rabbin d’une communauté, il était le rabbin
de tous. Il avait cette bonté infinie de pouvoir redonner la joie à quiconque était malheureux. C’était souvent
avec un verre de vin, le partage de la bénédiction et la Simha, la joie. Mais c’était aussi de façon très discrète, en
aidant des familles qui n’avaient pas les moyens de payer une fête. Cette bonté infinie qui permet de donner
de l’espérance à tant et tant de personnes. Et j’ai la conviction que ces temps nouveaux – qui seront peut-être
un peu plus compliqués – pourront toujours nous porter vers un avenir meilleur parce que nous développerons
cette solidarité et cette unité. De quoi le monde a-t-il besoin ? D’une personne qui vient et qui dit « je m’occupe de toi ». Le rav Meimoun incarnait cette réponse. Combien de personnes, y compris des non-juifs, m’ont raconté quel point elles étaient perdues avant d’aller le rencontrer. Le rav Meimoun les accueillait, leur disait que l’on
allait prier et que les choses allaient marcher. Cet accompagnement, c’est la main tendue de Dieu à travers un
homme. En hébreu, cela s’appelle un Malakh, un ange. Ange qui vient du grec angelos, signifiant ”envoyé”.
J’ai retrouvé chez le rav Meimoun la bonté et la modestie de mon maître, le grand rabbin Chouchena. Cette façon
de s’impliquer dans la vie des gens, de ne pas être en dehors – ce contre quoi je lutte. Il était cette réponse au sentiment d’enfermement et d’exclusion par rapport à la société. C’est aussi ce qu’incarnait le grand rabbin Alain Goldmann qui vient de nous quitter et qui était à la fois la mémoire du rabbinat et un miracle d’engagement total au service de la Torah et des fidèles et ce, jusqu’au bout. Quand de telles personnes s’occupent de vous, vous restez un frère en humanité. A notre tour, chacun d’entre nous, d’être « celui qui est avec », comme un hommage à ces maîtres du judaïsme français.
Le pouvoir d’achat des Français baisse drastiquement. À l’approche des fêtes juives et des courses alimentaires qui vont avec, va-t-il falloir repenser notre façon de consommer ?
H.K. : Je vois moi-même les prix, parfois délirants, des produits des commerces cacher ainsi que la distorsion
qu’il peut y avoir avec les prix des mêmes produits dans la filière non cachère. Les consommateurs doivent aussi être capables de ne pas consommer des produits dont le prix serait exorbitant. Dire, à un moment donné, qu’on ne les achète pas parce que c’est franchement exagéré. Il faut impliquer les commerçants, les fabricants et les distributeurs dans la protection des prix. Je sais que beaucoup d’opérateurs y veillent. La question de la protection du pouvoir d’achat des clients est essentielle. C’est un effort à partager par tous et j’envisage de
rencontrer très prochainement tous les acteurs de la filière pour les sensibiliser davantage encore à ce sujet.
Quels pourraient être les leviers pour rendre la vie juive moins coûteuse ?
H.K. : Les pistes ont été développées. La multiplication des produits à plus grande échelle. La possibilité d’avoir
des centrales d’achat plus puissantes. Il ne faudrait pas croire que rien n’est fait mais oui, il faut continuer à agir.
Il en va de la survie de la chaine de distribution du cacher. Je comprends qu’il y ait des marges et des surcoûts
de production, mais cela ne doit pas être irrationnel. Il y a un effort collectif à fournir. Et pour les clients, l’effort est aussi de ne pas acheter les produits dont les prix sont indécents. Face aux stocks de produits invendus, les producteurs et distributeurs devront revoir leurs prix à la baisse.
Vous visitez régulièrement les communautés juives de France, vous y passez souvent aussi des chabbat pleins. La vie communautaire a-t-elle retrouvé sa vigueur d’avant le Covid ?
H.K. : Mes déplacements en province, quasi permanents, constituent le lien avec les communautés locales dont
j’ai besoin. Je rencontre les personnes là où elles vivent, je comprends mieux leurs besoins et je vois les efforts fournis partout en France. La vigueur revient, oui, avec des activités qui reprennent, mais avec un bémol toutefois. Les gens se sont habitués au Zoom. Lorsque l’on organise une conférence, beaucoup nous disent désormais « faites un Zoom et on se branchera… ». Il faut lutter pour que les gens se retrouvent à nouveau ensemble. Que l’on ait des fêtes avec du monde et des retrouvailles, même si j’engage les fidèles et notamment les plus fragiles à la plus grande prudence pendant les fêtes. Ce sera un temps d’affluence, j’encourage donc à maintenir les gestes barrières.
Quelles sont les conséquences de la pandémie sur l’économie des communautés ?
H.K : L’aide structurelle qu’apportent les fonds de la communauté, tel le Fonds Myriam qui aide toutes les communautés, petites et grandes, permet de pallier le manque à gagner dû au Covid. L’objectif est de stabiliser la situation financière grâce aux aides de différentes organisations : le Fonds Myriam, la Fondation pour la Mémoire
de la Shoah et tous ceux et toutes celles qui peuvent aider. Dans une forme de solidarité merveilleuse, on a aussi observé un surinvestissement des communautés. Certaines ont doublé leurs contributions au Consistoire central. Il y a, en outre, un renforcement de la vie juive avec beaucoup de projets qui émergent un peu partout. Avec le président du Consistoire central, Élie Korchia, nous avons recruté un aumônier des étudiants, Mickaël Levy, un jeune formidable, diplômé d’une grande école de commerce et dont l’action va bénéficier à tous les
étudiants juifs de France.
Les réseaux sociaux véhiculent des propos décomplexés même s’ils ne reflètent pas forcément la réalité de l’opinion publique. Dernièrement, un sentiment de défiance à l’éagrd du leadership communautaire s’y est exprimé. Comment en est-on arrivé là?
H.K. : Les réseaux sociaux véhiculent une parole haineuse, irrationnelle et ce n’est pas parce que des personnes hurlent qu’elles ont raison. La haine complique la tâche. Sur les réseaux sociaux comme partout ailleurs. Le moindre président de communauté sait qu’il suffit qu’un mécontent vienne crier à la synagogue pour que cela
rende l’atmosphère délétère. Cela peut, certes, permettre de lancer une alerte, mais ça gâche aussi l’engagement de tant et tant de personnes. Notre société doit faire avec. Ce n’est pas à moi de pondérer la violence sur les réseaux sociaux. Cette violence est une réalité. Il y a forcément des gens non contents de ce que je dis ou
de ce que je fais. Cette expression débridée constitue un mouvement de fond de la communauté qui pose question. Je reste stupéfait que des pourvoyeurs de réseaux sociaux ne puissent pas retirer les paroles haineuses. C’est aussi valable pour les fausses nouvelles qui circulent. En ce qui me concerne, parfois je réponds et parfois j’estime qu’il n’est pas nécessaire de le faire. Les gens ne cherchent pas à être convaincus, mais veulent s’opposer.
On l’a vu d’ailleurs dans le résultat du premier tour des présidentielles. Heureusement, nous avons la chance d’avoir le chabbat qui est un grand modérateur de l’utilisation des réseaux sociaux…
“On semble s’être habitué à un antisémitisme acceptable”, avez-vous récemment déclaré. Nous en sommes à vingt ans de politique contre l’antisémitisme sans que le mal ne soit endigué. Que faut-il faire de plus ?
H.K. : Il faut de la fermeté et que ce que nous décidons soit effectif. Ce n’est pas parce que l’on décide quelque chose que cette chose-là est faite. « Des juges et des policiers », nous dit la Torah. Décider et faire exécuter les décisions. Et c’est là que je me dis que le travail de fond est à faire. L’Etat définit et dit les choses, mais il y a comme une forme de gêne à appliquer ensuite les décisions. Regardez les récentes tergiversations de l’expulsion de l’imam, pourtant absolument antisémite et antirépublicain. À un moment donné, il faut être cohérent.
Tant que l’on ne fera pas de l’antisémitisme une grande cause nationale, tant que l’on acceptera des choses inacceptables, on ne pourra pas lutter efficacement. C’est un besoin de fermeté et de formation. Il y a des classes où des professeurs ne peuvent pas enseigner la Shoah ou d’autres moments de notre histoire. C’est un problème grave pour toute la société. Cela produit une haine qui se répercute et qui se diffuse partout. Il faut regagner ce combat de l’histoire de la République. Partout.
Y croyez-vous vraiment ?
H.K. : Tout à fait. Ce n’est pas là un enjeu qui ne concerne que les juifs, mais l’ensemble de la société.
Cette année a été marquée par les 80 ans de la rafle du Vel d’Hiv ainsi que par le décès d’Élie Buzyn, qui, tout au long de sa vie, a témoigné de l’horreur. Comment devons-nous poursuivre le travail de mémoire ?
H.K. : Nous devons aujourd’hui redoubler d’efforts pour faire connaître au plus grand nombre l’ignominie de la Shoah, les témoignages des rescapés et les actions héroïques des Justes, comme celle du Cardinal Mgr Jules-Géraud Saliège, qui ont contribué à sauver des juifs. Je suis particulièrement reconnaissant que les rabbins français aient répondu à mon appel et accepté de lire à leurs fidèles cette lettre bouleversante lors des offices de chabbat pour rappeler le nécessaire et continuel éveil des consciences. Je voudrais également ici rendre hommage à Élie Buzyn, pour lequel j’avais une affection filiale unique, et qui accompagnait toujours mon voyage annuel à Auschwitz. Il nous laisse en héritage son courage, sa détermination sans faille et la lourde charge de transmettre son histoire et celle de tous les siens, pour que vivent à jamais dans nos esprits et dans nos coeurs
leurs douloureux souvenirs.
Jonathan Cohen, René Hadjadj, Eliahou Haddad. Trois personnes juives assassinées cette année. Deux au moins par des mis en cause arabo-musulmans que les victimes connaissaient. Les juifs courent-ils un danger à côtoyer des personnes différentes?
H.K. : Partout dans le monde des gens différents se côtoient. C’est la nature de la vie en société. J’ai eu à m’occuper de tous ces cas, tragiques et différents les uns des autres. J’ai tant de peine pour les familles. Il nous faut travailler et agir dans les représentations que certains peuvent avoir du judaïsme, de l’argent et des préjugés contre lesquels on doit lutter. Ils sont une matrice du rejet et donc de la haine, de la violence et des assassinats.
Vous deviez accompagner le Président Macron dans son voyage officiel à Alger à la fin du mois d’août. Or vous avez été diagnostiqué positif au COVID la veille du départ et vous avez donc renoncé à partir, provoquant ainsi un certain étonnement. Que s’est-il passé?
H.K. : C’est avec beaucoup d’émotion, d’espoir et d’attentes, que j’attendais ce voyage en Algérie. Malheureusement, un test Covid positif réalisé la veille du départ ne m’a pas permis de prendre part à ce déplacement. Contrairement à ce que d’aucuns ont pu dire ou écrire, il ne s’agissait pas d’une maladie diplomatique de dernière minute. J’aurais aimé découvrir l’Algérie que l’on m’a racontée, celle que j’ai lue et imaginée pour retrouver la douceur et les odeurs des récits de mon enfance. En fait, mes parents et grands-parents ont reçu, comme Abraham, l’ordre de quitter « son pays, son lieu de naissance et la maison de son père » (Gn, XXII ; 1). Il me tenait particulièrement à coeur de visiter les cimetières juifs, que nous avons la charge d’entretenir avec le Consistoire. Aussi ai-je été particulièrement sensible à la visite du président Macron au cimetière de Saint-Eugène. L’enjeu pour nous, aujourd’hui, est de reconstruire et de préserver durablement les
cimetières juifs en Algérie afin de permettre à nos concitoyens d’y retourner et de s’y recueillir. À cet égard, je voudrais saluer le remarquable travail effectué par le grand rabbin Claude Maman, mon conseiller en charge de la hevra kadicha nationale, ainsi que celui de Serge Benhaim. Ils oeuvrent sans relâche au respect dû à nos morts.
Parlons du problème des agounot, ces femmes auxquelles les maris refusent de délivrer le guet, l’acte de divorce religieux. C’est un domaine dans lequel vous vous investissez de manière importante ?
H.K. : À l’issue d’un très long combat, j’ai obtenu que l’on décorrèle les divorces civils des divorces religieux. Depuis avril 2020, et l’obtention d’un accord écrit du garde des Sceaux, il est clairement établi que le divorce religieux peut avoir lieu avant le prononcé du divorce civil, et donc dès la rupture de la vie commune ou de l’ordonnance de non-conciliation. Délivrer le guet avant le divorce civil est donc non seulement possible, mais un impératif religieux. L’attestation de guet est, quant à elle, consignée et remise à la fin du divorce civil. Cela met un terme absolu aux manoeuvres consistant à instrumentaliser le guet pour faire pression afin d’obtenir des avantages du mari contre son ex-femme.
Récemment, vous avez remercié le Beth Din de Tel Aviv d’avoir « tant oeuvré » pour délivrer Liora Chetrit de son ex-mari. Cela signifierait-il que pour obtenir le guet, il est plus efficace de se tourner vers un tribunal rabbinique israélien qu’un tribunal rabbinique français ?
H.K. : Avec le rabbinat d’Israël, tout le rabbinat français partage les mêmes préoccupations et les mêmes objectifs. Et nous avons obtenu assez récemment que la loi israélienne, initiée par l’action de la Conférence des rabbins européens, qui concernait les maris récalcitrants, s’applique désormais également aux maris européens.
Parlons Alya. Les difficulté économiques et la dégringolade de l’euro par rapport au shekel font que beaucoup de personnes parties s’installer en Israël reviennent en France parce qu’elles ne s’en sortent pas. Qu’est-ce que ces retours vous inspirent ?
H.K. : Le monde d’aujourd’hui est beaucoup plus ouvert et les installations ne sont plus forcément définitives. On peut plus facilement passer une période de sa vie dans un endroit puis une autre période, ailleurs. La notion de déplacement est différente. Il ne faut donc pas considérer un retour comme un échec. Ce qui compte, c’est aussi le lien que l’on entretient avec Israël.
Propos recueillis par Laëtitia Enriquez pour Actualité Juive numéro 1659
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vous avez plus le COVID,alors arretez de faire le larbin de macron et resrez digne d’étre JUIF
pourquoi tant de haine ? ce n’est pas le “larbin” de macron, il cherche simplement à
La macronie en marche ; “je ne fais pas de politique” dit ce GRF, mais plus de la moitié de son interview parle politique !!
Quant à ses attaque répétées contre Zemmour, elles prouvent sa très grande ignorance historique et l’incompréhension des propos de Zemmour ; il faut dire qu’ils ne jouent pas dans la même division en matière de culture et d’analyse l’un joue en 1ère division, quand l’autre, le GRF joue en division régionale (de Paris) !!
A cela la langue de bois sur le guett, sur le voyage en Algérie, etc…
Proche du zéro absolu, comme d’hab.
En lisons l’interview du GRF je suis triste que cette fonction soit galvaudée en se souillant à la bassesse politique. Je me pose la question pour qui le GRF roule et quelles seront les conséquences de ses positions car aucun rabbin n’a fait de politique en France sauf LUI le rabbin malgré lui
CHANA TIVA