Au mois de juillet dernier, créant la surprise, le Rav Haïm Amsellem, annonçait son adhésion au parti Habayit Hayehoudi.
Un Rav séfarade portant barbe et chapeau aurait-il sa place au sein du sionisme religieux? Nous sommes allés le lui demander!
Le P’tit Hebdo: Vous définissez-vous comme un sioniste religieux?
Rav Haïm Amsellem: Oui! Selon moi on ne peut pas être religieux sans être sioniste. Le sionisme c’est le retour en Israël, promis par nos Prophètes et c’est aussi la leçon de tous les Grands Rabbanim d’Afrique du Nord.
Le sionisme en soi n’est pas forcément un mouvement religieux, ceux qui l’ont promu ne l’étaient pas d’ailleurs. Mais toute personne religieuse doit se rallier au sionisme religieux.
Lph: Sans en avoir l’apparence traditionnelle, vous vous revendiquez d’une tradition sioniste?
Rav H.A.: Nos Rabbanim d’Afrique du Nord n’avaient pas de kippa crochetée et pourtant ils étaient de grands sionistes! Je lisais encore récemment la lettre du Rav Rahamim Naouri, qu’il a écrite deux jours après la Déclaration d’indépendance. Pour lui, la création de l’Etat est une résurrection! Le peuple juif que l’on croyait mort retrouve sa place. C’est cela le vrai sionisme, celui que nos Rabbanim portaient: être conscients de vivre un miracle, celui de notre Etat reconstruit et des exilés rassemblés.
Lph: Pour vous c’est Habayit Hayehoudi qui représente le mieux le sionisme religieux?
Rav H.A.: Aujourd’hui il n’y a pas d’autre parti qui le représente. Quand j’étais membre de Shass j’ai essayé de pointer du doigt les erreurs que nous faisions. Mais le parti s’est fourvoyé en prenant une voie plus proche des Lituaniens que de celle de nos Sages d’Afrique du Nord. Habayit Hayehoudi a fait des erreurs, ce n’est pas le parti parfait mais il est l’adresse la plus proche des séfarades sionistes qui veulent agir.
Lph: Il y aurait une nouvelle tendance du sionisme religieux: celle des séfarades traditionnalistes?
Rav H.A.: Oui, c’est une nouvelle tendance, une nouvelle ouverture. Pendant des années le monde séfarade qui porte une philosophie d’un judaïsme tolérant et modéré a été maltraité. Nous avons beaucoup à apporter à l’Etat d’Israël. Ceux qui ont suivi mon parcours connaissent mes combats. Ce sont les mêmes que je veux mener au sein de Habayit Hayehoudi.
Lph: Pourtant le monde dans lequel vous entrez est davantage associé au monde ashkénaze.
Rav H.A.: Ce monde porte nos valeurs, notre culture: celle de la Torah avec le Dere’h eretz. Nos deux mondes devaient se rencontrer. D’ailleurs avant que le parti Shass ne soit créé, tous les chefs séfarades religieux appartenaient au Mafdal.
Lph: Etes-vous de ceux qui pensent que sionisme religieux ne s’attache pas assez aux paroles des Rabbanim?
Rav H.A.: J’approuve le fait que les partis politiques prennent conseil auprès des Rabbanim. Ceci étant, les Rabbanim qui veulent vraiment influencer la politique ne doivent pas se contenter de parler en dehors. En effet, prendre des décisions politiques implique d’être dans le système politique. Je peux comprendre que les choix politiques ne se prennent pas uniquement en fonction des avis rabbiniques. Et je le répète, si les Rabbanim pensent que leur parole doit être suivie alors qu’ils s’engagent carrément en politique.
Lph: Vous pensez pouvoir entrainer derrière vous un vrai mouvement qui modifierait la donne politique?
Rav H.A.: Mes combats prioritaires sont la promotion et la défense d’un judaïsme séfarade traditionnel, ouvert, respectueux et qui allie Torah et Travail. C’est cela que je souhaite défendre et que j’espère pouvoir mettre en avant au sein de Habayit Hayehoudi. Mon expérience politique et les soutiens qui me portent me laissent penser que je peux apporter deux mandats au parti. Cela n’est pas négligeable.
Lph: Naftali Bennett veut que le sionisme religieux qu’il porte, dirige le pays. Le suivez-vous dans cette ambition?
Rav H.A.: J’apprécie le travail de Naftali Bennett et je lui souhaite une bonne réussite. S’il est désigné Premier ministre je le féliciterais avec joie. Mais pour ma part, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Si j’ai choisi la politique c’est pour défendre l’identité juive. Pour cela, il n’est pas nécessaire d’avoir un objectif si ambitieux. Il suffit d’avoir assez de forces pour promouvoir nos idées.
Les 8 mandats actuels ne suffisent pas, nous devons les doubler et nous pouvons le faire. J’appelle les Juifs séfarades attachés aux traditions à écouter mon message. Habayit Hayehoudi est leur place.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay