Des avancées majeures dans le domaine des divorces litigieux se sont produites au cours des derniers mois en Israël. L’avocate rabbinique Katy-Clara Ayache Bisraor fait le point sur ces percées, dont les répercussions pourraient bien s’étendre aux communautés juives de diaspora.
AJ : Quelles sont les dernières avancées majeures en Israël dans le domaine du guett ?
Katy Katy-Clara Ayache Bisraor : Plusieurs réformes très importantes sont déjà intervenues ces quinze dernières années pour élargir les moyens de pression sur les maris qui refusent de donner le guett. Mais ces derniers mois, les tribunaux rabbiniques ont pris des décisions encore plus drastiques qui s’apparentent à une véritable révolution, l’objectif étant de rendre la vie des maris récalcitrants absolument impossible. Outre le retrait éventuel du permis de conduire, la saisie du compte en banque, voire la peine de prison, qui peuvent être infligés, il est également désormais possible de sanctionner l’employeur du coupable, mais aussi son entourage (famille, amis, rabbin) s’il est avéré que celui-ci soutient l’époux dans son refus de donner le guett. Il faut souligner que ces dernières réformes mettent les hommes et les femmes sur un pied d’égalité devant la loi, ce qui est aussi nouveau. C’est très important, car les cas d’épouses refusant de recevoir le guett se multiplient, créant un même blocage pour l’époux qui souhaite refaire sa vie.
Avez-vous un exemple concret de sanction prise à l’encontre de l’entourage ?
Nous avons traité un cas très récent dans lequel un mari refusait d’accorder le divorce à son épouse depuis onze ans. Tous deux, issus de la communauté ‘hassidique Satmar, vivaient aux États-Unis. Comble du comble, l’époux avait entretemps reçu d’un rabbin l’autorisation de prendre une seconde épouse (eter nissouin). Au mois de juillet, nous avons appris que ce rabbin était en déplacement en Israël et nous avons obtenu une interdiction de sortie de territoire à son encontre. Il a toutefois essayé de se sauver, ce qui lui a valu d’être emprisonné avant d’être libéré sous la pression de manifestations ultraorthodoxes dénonçant le traitement qui lui était réservé. Les avocats de ce rabbin ont alors saisi la Cour suprême qui nous a finalement donné raison.
Comment explique-t-on que les choses bougent significativement depuis la dernière décennie ?
Il y a d’abord eu une vraie remise en question au sein des tribunaux rabbiniques eux-mêmes, à laquelle a notamment contribué le film Guett avec Ronit Elkabetz. Celui-ci a mis en lumière le traitement souvent scandaleux des épouses qui prévalait encore il y a vingt ans au sein de ces instances. Les rabbins ont compris que les temps avaient changé et que, de la même manière que les décisionnaires trouvent des solutions halakhiques pour s’adapter aux défis de la modernité, il était impératif de trouver des solutions aux problèmes liés au divorce. Avancées possibles car on a progressé main dans la main avec ces tribunaux, et non pas contre eux, et cette stratégie a payé. Dans le même temps, on a assisté à une prise de position sans équivoque en faveur des femmes agounot de la part des plus hautes sommités rabbiniques, comme le rav Ovadia Yossef ou le rav Mordekhaï Eliahou, ce qui a également été déterminant. Et enfin, plusieurs forums de femmes dont je fais partie se sont battus pour que ces problèmes soient traités dans la sphère publique, ce qui est aujourd’hui le cas avec des débats réguliers à la Knesset sur ces sujets.
Les réformes en Israël peuvent-elles peser sur les dossiers de divorce qui concernent les Juifs en diaspora ?
Les choses évoluent différemment selon les pays, mais dans tous les cas il ne s’agit pas d’avancées drastiques puisque les tribunaux rabbiniques à l’étranger n’ont pas de réels moyens coercitifs à leur disposition. Il faut surtout une évolution des mentalités au sein des communautés et du monde rabbinique qui doivent exercer des pressions psychologiques sur les maris. La nouvelle loi en Israël sur les pressions pouvant être exercées sur l’entourage de l’époux peuvent dans certains cas produire des dénouements positifs, par exemple lorsque le mari fait des affaires en Israël ou qu’il y possède des biens. Récemment, un homme d’affaires français qui refusait de donner le guett a vu ses partenaires commerciaux en Israël lui tourner le dos, ce qui l’a finalement incité à donner le guett.
Interview réalisée par Johanna Afriat pour Actualité juive (numéro 1763)