En 2019, le Grand Rabbin René Samuel Sirat recevait le prix de l’éducation toranique en Diaspora, reconnaissance d’une vie entière consacrée à l’éducation afin de promouvoir selon ses propres termes ”une vie de paix, de fraternité, de bonheur et de joie”. A cette occasion, LPH avait pu s’entretenir avec ce monument du judaïsme français. Un entretien passionnant que nous reproduisons afin de lui rendre hommage.
L’enterrement du Grand rabbin René Samuel Sirat aura lieu demain dimanche 12 janvier à 15 h au cimetière de Guivat Shaoul à Jérusalem. Que son souvenir soit béni.
Le P’tit Hebdo : Comment est née chez vous la vocation de Rabbin et d’éducateur ?
Grand Rabbin René Samuel Sirat : J’ai suis né à Bône, près de Constantine et j’ai été élève au Talmud Torah du Grand Rabbin Rahamim Naouri, z”l. Ce fut un privilège, tous ses élèves lui doivent beaucoup.
En 1945, j’avais alors 15 ans, nous avons appris l’horreur de la Shoah en Europe. Nous savions que les Juifs étaient voués à un triste sort, mais nous n’imaginions pas à quel point. Le Grand Rabbin Naouri m’a convoqué, avec son fils Shaoul et Emmanuel Chouchena. Il nous a fait part du choc qu’a été cette prise de conscience du drame de la Shoah et ce que cela impliquait sur la communauté juive de France. Tout était à reconstruire. Il nous a alors confié une mission : partir étudier à la yeshiva d’Aix-Les-Bains, y passer notre bac puis aller au séminaire rabbinique à Paris. L’objectif qu’il nous avait fixé était de rendre à la communauté juive de France ce qu’elle avait donné aux Juifs d’Algérie, en l’aidant à se remettre sur pied après la Shoah.
Mes parents ont d’abord eu du mal à accepter l’idée de laisser partir si loin leur petit dernier. Mais le Grand Rabbin Naouri a su se montrer convaincant.
Lph : Vous avez donc suivi la mission qui vous avait été confiée.
Gd Rabbin R-S.S. : Oui, après avoir obtenu notre bac, nous avons tous les trois intégré le séminaire rabbinique et avons entamé une carrière de rabbin. Pour ma part, j’ai été d’abord nommé à Toulouse où j’ai exercé entre 1950 et 1956 avant de rejoindre la capitale où je suis devenu directeur de l’enseignement religieux.
Lph : En effet, on peut dire que vous êtes un rabbin mais surtout un enseignant ?
Gd Rabbin R-S.S. : Le métier d’enseignant est, à mon sens, le plus beau métier. J’en ai donc fait parallèlement à mes fonctions religieuses, une de mes activités principales. J’ai commencé par étudier la littérature à la Sorbonne. Puis lorsqu’André Neher a obtenu la création d’une chaire de langue et littérature hébraïques, j’ai préparé avec lui une licence, une maitrise et un doctorat.
Ensuite, avec le Professeur Neher, nous avons fondé le centre de formation des étudiants juifs afin de leur donner au-delà des fondamentaux spirituels, une culture juive : histoire, sociologie, littérature comparée. Lorsqu’André Neher a fait son alya, j’ai pris la tête de ce centre.
J’ai également été professeur à l’INALCO, poste que j’ai continué à occuper lorsque j’étais Grand Rabbin de France. J’ai beaucoup œuvré, pendant ces années, pour que l’hébreu obtienne un statut identique aux autres langues vivantes enseignées dans les écoles et universités françaises. J’ai obtenu auprès du ministère de l’éducation la création du CAPES et de l’agrégation d’hébreu. J’en ai même été président du jury.
Lph : Alors que vous êtes Grand Rabbin de France, en 1986, vous participez à la première rencontre des religions pour la paix, à Assise, avec le Pape Jean-Paul II. Ce rapprochement inter-religieux, avec les Chrétiens mais aussi les Musulmans, vous est cher. Pourquoi ?
Gd Rabbin R-S.S. : La situation des Juifs et d’Israël me préoccupent au plus haut point. Ce rapprochement inter-religieux entre dans ce souci. En effet, dans un contexte où Israël est décrié, où la haine se développe, il est, à mes yeux, l’un des meilleurs moyens pour développer la fraternité et calmer le jeu. Ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons à créer une vie de paix, de bonheur et de joie pour tous.
Lph : Vous sentez-vous suivi dans cette opinion?
Gd Rabbin R-S.S. : Il s’agit d’un domaine où on ne peut pas forcer la main. A la base de cette vision du monde, se trouve la volonté des hommes. Cela doit être un élan du cœur. En Israël et en France, on trouve des Rabbins qui poursuivent ce chemin et on peut dire qu’à leur échelle, il rencontre un certain succès. Au niveau des fidèles des différentes communautés aussi, sur le terrain, on peut constater le développement de ce dialogue qui ne peut qu’être positif pour nous tous.
Pour ma part, les liens que j’ai noués à l’époque où j’étais en activité, ne se sont jamais défaits. L’arabe étant ma langue maternelle, j’entretenais des relations avec les dignitaires du monde musulman. Il y quelques jours, j’ai reçu les vœux du Prince Hassan, qui était vice-roi de Jordanie. Je suis aussi resté ami avec Jean-Paul II. J’ai fait partie des Rabbins qui l’ont accompagné au Kotel.
Lph : Avec le recul que vous avez aujourd’hui, pensez-vous que ce dialogue a porté ses fruits?
Gd Rabbin R-S.S. : Nous sommes encore, malheureusement, dans une période de guerre et de haine. Mais je suis convaincu que Dieu nous enverra le bonheur suprême, c’est-à-dire, la paix. Je reste optimiste.
Lph: Quel lien aviez-vous avec Israël avant votre alya?
Gd Rabbin R-S.S. : Déjà en Algérie, j’appartenais au Bné Akiva et je militais pour Israël. Je l’ai toujours porté dans mes pensées et dans mes actes lorsque j’exerçais mes différentes fonctions. Mon fils Gabriel a voulu faire sa bar mitsva au Kotel. A la fin de la cérémonie, il nous a annoncé qu’il ne rentrerait pas en France. Ses deux sœurs l’ont suivi peu de temps après. Pour ma part, j’avais des responsabilités et dès que j’ai pris ma retraite, après 62 ans de vie rabbinique en France, nous nous sommes installés à Jérusalem avec mon épouse.
Lph : Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que vous étiez le lauréat 2019 du prix israélien pour l’éducation toranique en Diaspora ?
Gd Rabbin R-S.S. : J’ai été surpris et très ému. Cela fait maintenant plusieurs années que j’ai cessé toutes mes activités, je ne m’y attendais plus. C’est un grand honneur pour moi.
Lph : Quel message souhaiteriez-vous transmettre à la communauté juive aujourd’hui et aux futures générations ?
Gd Rabbin R-S.S. : J’espère que les contacts entre les communautés juives de Diaspora et celle d’Israël continueront à se développer ainsi que les contacts entre les religions. Je prie pour que Dieu nous envoie le Machiah qui nous apportera la paix et la fraternité totales.
Baroukh Dayan Ha Émet au Grand Rabbin
Samuel Sirat que nous venons de Perdre.
Qu’il Repose en Paix ☮️ , ses Talmidims se rappelleront de son Enseignement…
Condoléances à ses Proches , ses Amis et ses Élèves.
ברוך דיין האמן
Une Grande Figure et un Très Grand Rabbin et Homme de Paix nous ont quitté.
Que sa mémoire soit Bénie
Un homme bon et sage. C’est tout.