Mordehai Kedar
Spécialiste du Moyen-Orient
Ce qui s’est produit au Goush Katif peut tout à fait se reproduire en Judée-Samarie, pour plusieurs raisons :
- Cela s’est déjà produit puisqu’en même temps que le désengagement du Goush Katif, quatre implantations de Judée-Samarie ont été évacuées – Ganim, Kadim, Homesh et Sa-Nor.
- Les considérations qui ont amené au désengagement du Goush Katif sont encore vivantes chez bon nombre d’Israéliens aujourd’hui, en particulier ce qu’ils appellent « le poids sécuritaire, économique et démographique ».
- Il existe en Israël des gens qui voient la Judée-Samarie comme territoire occupé, ils n’éprouvent donc aucun sentiment envers l’implantation juive sur place, ni envers les villages, ni envers leurs habitants.
- Il y a, en Israël, des hommes politiques qui seraient prêts, de nouveau, à sacrifier des yishouvim de Judée-Samarie, pour sauver leur peau face aux griffes des medias et du parquet, parce qu’ils sont mêlés à des affaires de corruption.
- Il est probable que se constitue un jour une constellation politique en faveur de l’évacuation des yishouvim de Judée-Samarie, avec l’appui de la Cour Suprême, naturellement.
- Le monde va faire pression sur Israël pour qu’il évacue les implantations de Judée-Samarie de telle sorte que le gouvernement ne pourra refuser.
- Pour toutes ces raisons, on ne peut nier le fait qu’il va, sans doute, se produire des évacuations supplémentaires de yichouvim en Judée-Samarie.
Richard Darmon
Journaliste et conférencier
Si l’on analyse les index réguliers des sondages d’opinion ayant dégagé, depuis 2005, la stabilisation d’un consensus israélien majoritairement opposé à tout retrait territorial unilatéral en Judée-Samarie en faveur des Palestiniens, tant que leurs leaders ne seront pas des partenaires sérieux cette perspective semble exclue pour l’instant. La plupart des Israéliens ont, en effet, compris que dans le contexte géopolitique, culturel et religieux du Moyen-Orient d’aujourd’hui, tout retrait territorial ou tout « geste » vu en Israël comme une démarche conciliante ou d’apaisement sont chaque fois interprétés dans la mentalité musulmane de cette région comme une attitude méprisable de faiblesse de la part des Juifs. Et pour longtemps encore ! Mais comme « l’impossible » s’est déjà réalisé en août 2005 devant nos yeux ébahis avec l’indigne retrait du Goush Katif mis en œuvre par Ariel Sharon, autrefois surnommé « le bulldozer » des pionniers juifs en Terre d’Israël, il faut rester vigilant pour que nos politiciens – souvent assez opportunistes – respectent cette volonté majoritaire du peuple.
Daniel Gal
Ancien ambassadeur
Il y a un adage populaire humoristique et railleur, celui de répéter qu’en Israël il faut être très prudent lorsque l’on se lance dans des prévisions, SURTOUT quand il s’agit du futur ! Au moment où nous marquons les dix ans de l’événement si douloureux et traumatisant du Goush Katif, vous avez malheureusement de nombreux médias qui se lancent dans de longues et fausses plaidoiries, avant tout politiques et intéressées pour essayer de vous convaincre que cet événement était justifié, alors que leurs raisons ne sont que des spéculations de politicards ne voulant pas voir les effets néfastes et les répercussions désastreuses de l’événement. Cela dit, je peux émettre des doutes, avec toute la prudence que m’imposent plus de cinquante années d’observation de la scène politique aussi bien israélienne qu’internationale, pour affirmer que cet événement, sous d’autres formes, ne se reproduira pas. Les politiciens souffrent d’une maladie chronique et dangereuse: l’amnésie sélective, d’autant plus dangereuse qu’ils sont persuadés que leurs électeurs souffrent aussi de cette épidémie. Il y a seulement quelques jours, un nouvel accord « à la Munich » a été signé et veut nous être imposé… C’est pour cela qu’il faut être très prudent et ne pas dire catégoriquement et de manière absolue qu’un tel événement si important et décisif pour l’avenir de notre pays ne se reproduira pas, d’une façon ou d’une autre. Ne jamais dire jamais et comme nation, faire tout notre possible pour être maître de notre destin et ne pas accepter de solution imposée.
Dan Illouz
Conseiller en stratégie
Il est symbolique qu’à la même période durant laquelle nous marquons la décennie écoulée depuis l’application du plan de désengagement, nous marquons également le premier anniversaire de l’opération “Bordure Protectrice”. Ceux qui soutenaient le plan de désengagement ridiculisaient les dangers de ce plan. Meir Shitrit, alors membre de la Knesset du Likoud, déclarait : “Certains affirment qu’il y aura une menace pesant sur les villes du District sud d’Israël. Je n’ai jamais entendu d’affirmation aussi ridicule”. Ariel Sharon, alors premier ministre, s’était dépassé, assurant “Ashkelon ne deviendra pas la première ligne. Ni Ashkelon, ni aucun autre endroit”. Le jour précédant l’expulsion des Juifs de Goush Katif, j’étais invité, avec un groupe de jeunes leaders juifs opposés au désengagement, à rencontrer le Consul Général d’Israël à Montréal. Nous nous sommes obstinés sur le principe et ne sommes pas parvenus à trouver un terrain d’entente. Toutefois, à la fin, je lui ai dit : “S’il est une chose sur laquelle nous pouvons tous les deux nous entendre, c’est que concernant les questions de sécurité, nous espérons communément que le futur démontrera que j’avais tort et que vous aviez raison. Tous deux, nous espérons que le Hamas ne s’en trouvera pas revigoré et que des roquettes Qassam n’atteindront pas Ashkelon. Je prie que le temps prouvera que j’avais tort”. Malheureusement, le temps démontra effectivement que les opposants au plan de désengagement avaient vu juste.
Photo by Pierre Terdjamn/Flash90
