Il faut se taire, je crois, parce que plus personne n’a envie d’entendre.
Je garde un silence de tombe depuis cette histoire de gilets jaunes. Car je sais ce qu’on va me répondre.
C’est bizarre ce moment où l’on se dit qu’il est inutile de parler.
On ne parvient même pas à se souvenir du nombre de banderoles ou cris ou graffitis antijuifs qui ont explosé depuis le début du mouvement. Jamais une formation ou un syndicat n’a aussi unanimement refusé de réprouver de tels débordements.
Il y aurait eu de tels graffitis antisémites à un défilé de n’importe quel grand parti ou syndicat, ça aurait fait un scandale justifié. Même à un défilé du Front National, ils auraient eu trois procès et Marine Le Pen aurait exclu du monde!!!
Ici, non. Ici, personne n’a rien vu, n’y est pour rien, n’en pense rien. Jamais la culture de l’excuse ne s’est aussi bien portée. Personne n’est représentant ni responsable ni comptable de rien.
Je suis davantage inquiet par la multitude qui se satisfait de telles explications que par les quelques ordures qui tiennent effectivement la bombe de peinture.
Et cette légende qui a cours en ce moment, selon laquelle la colère de la foule serait un moment sacré qui ne débouche que sur du vrai, du bien et du beau!
La foule a accompagné sans coup férir tous les changements de régimes, des plus bénéfiques aux pires.
Le peuple, oui, c’est une notion que je comprends et que je respecte. Le peuple français, ce sont soixante millions de personnes.
La foule, c’est autre chose, c’est une occasion, aussi, de montrer ce qu’on a de plus laid.
Cette idée que l’on est légitime dès lors qu’on est violent, et qu’on a raison puisqu’on souffre, ce fut le combustible des pires meurtres du siècle passé. On se dit sans doute que les garde-fous ont sauté, une génération plus jeune est là, qui a oublié, ou qu’on manipule plus facilement.
Soyez certains que ceux qui jouent avec votre haine et votre désespoir n’ont rien oublié. Celui qui a choisi d’écrire « JUIF » en allemand sur cette boutique sait très bien qu’il pense aux vitrines de la nuit de cristal.
Il faut se taire, je crois, parce que plus personne n’a envie d’entendre. N’importe quelle alerte grave ne débouche aujourd’hui que sur une controverse twitter. La culpabilité sociale est telle sur nos chaines de télé et chez les commentateurs que n’importe quelle réaction sensée face à ces dérives passe pour un soutien au gouvernement Macron. Oui, on a le droit d’être en opposition totale avec de nombreuses décisions du gouvernement actuel tout en ne trouvant aucune excuse à ceux et celles qui utilisent le désespoir des gens pour attiser, une fois encore, la haine raciale, le fantasme sur le juif, sur le franc-maçon, prétenduement tous riches et puissants bien entendu, ou la haine de l’immigré.
Tout ça, c’est inacceptable. Je ne comprends pas ceux qui participent à ces manifestations et choisissent depuis le début de ce mouvement de minimiser son contenu raciste et antisémite. ce n’est pas un ou dix, ce sont des centaines de graffitis ou de tweets anti-juifs depuis le début de cette histoire. Et il faut encore subir les durs d’oreille qui m’expliquent que ce n’est pas représentatif. Pas représentatif ? C’est une constante depuis les origines de ce mouvement. Ce qui est représentatif, c’est la lâcheté de ceux qui regardent ailleurs, y compris parmi les commentateurs, trop contents de s’acheter une caution peuple. L’écrivain installé, le comique ou le comédien qui en fait des caisses sur « nous le peuple », en général il fait silence radio sur ces graffitis.
Vous en avez pas marre de cette constante du « ces éléments ne sont pas représentatifs du mouvement »? ce qui est représentatif, ce sont tous ces gens qui regardent ailleurs quand on écrit « JUDEN » sur une vitrine. A croire que le connard qui taguait a fait ça à quatre heures du matin et pas pendant une manif noire de monde.
Moi je ne pourrais pas faire UN PAS dans la rue aux côtés d’une clique qui ne loupe jamais une occasion de s’en prendre un coup aux migrants, un coup aux juifs, un coup aux francs maçons. Tous ceux que « ça ne dérange pas », ou qui « considèrent que le peuple a des choses à dire et tant pis si ça fait pas plaisir », vous avez un sacré mépris pour le peuple! Si vous croyez que le peuple, ce sont ces ordures, vous avez une bien basse idée du peuple français.
Johann Sfar
Source: Tribune Juive
Joann Sfar
Chère Professeur,
Je vous écris aujourd’hui avec colère, en tant qu’étudiant aux Beaux-Arts de Paris, où vous sévissez depuis maintenant trois ans. Mais je vous écris aussi en tant que citoyen.
Étudiant et citoyens qui dans son travail s’empare de la politique, et qui émet, comme vous, un avis sur le monde qui l’entoure. Étudiant, militant, serveur ou vendeur qui fait ce qu’il peut pour son monde. Je suis de ceux que vous incluez dans un même bloc, « d’une génération plus jeune (…), qui a oublié, ou qu’on manipule plus facilement » . Or je n’ai rien oublié.
Les miens n’ont rien oublié. Vous remarquerez à ces mots que j’ai le plaisir de vous citer, vous et votre supériorité. Ceci est donc une réponse à votre pamphlet contre le mouvement des gilets jaunes.
Militant anti raciste dès mon plus jeune âge, j’ai toujours défendu l’idée d’une société plus égalitaire, quelque soit ses origines sociales, religieuses ou ethniques.
L’idée que l’organisation collective en société ne valait que si elle servait le plus grand nombre, et pas une pseudo élite économique et intellectuelle. Je suis également petit fils de déporté et éduqué avec le devoir du souvenir, je sais ce que veux dire Juden sur un magasin. Je n’ai toutefois pas attendu les Gilets Jaunes pour descendre dans la rue affronter l’extrême droite et les racistes, de quelques bords qu’ils soient.
C’est d’ailleurs ces idées qui m’ont poussé à prendre l’art très au sérieux et mon combat artistique va dans ce sens.
Or, depuis treize semaines maintenant je participe et soutiens le mouvement des Gilets Jaunes. Et je suis pourtant de ceux qui ne tolère pas ce dont vous parlez. Les miens, et d’autres, s’emploient tous les jours à chasser les « fachos » des manifestations. De nombreux articles en témoignent d’ailleurs, et ce, partout en France. Nous chantons, nous affrontons, nous rêvons. Mais nous ne sommes pas dupes. Et le silence que vous conspuez n’existe que chez vous.
Car, et je vais y revenir, où êtes vous?
Oui, dans ce que vous appelez « la foule », il y a de tout.
Le travail des forces réactionnaires de ce pays a fait son chemin dans toutes les classes de la société. On peut remercier l’extrême droite et la droite, bien sur, mais aussi les différents gouvernements dit « progressistes » qui ont reprit ses discours ainsi que ses idées.
Une pensée émue pour Manuel Valls qui défilait avant-hier avec l’extrême droite et qui n’a plus rien à leur envier.
Donc oui, certains groupes, clairement fascistes, tentent l’entrisme et la prise en main du mouvement. Comment ne pas s’y attendre venant de gens assez malsains intellectuellement pour rêver l’état fasciste tout en conspuant l’autoritarisme du système actuel ? Idées puantes, personnes puantes, la majorité en convient et il va de soit pour moi et beaucoup d’autres que l’extrême droite n’a pas sa place, ni dans nos vie, ni dans nos luttes. Ce mouvement est parti de rien, il a rassemblé très vite, et vous voila à fantasmer le peuple. Je cite une connaissance dont les mots m’ont beaucoup touché au début du mouvement. Il s’adressait à l’époque aux miens.
— Les “gilets jaunes” ne font que rappeler ce fait : les progressistes fantasment un prolétariat qui n’existe que dans leurs rêves humides.
Ils le veulent syndiqué, mais critique des syndicats – si il pouvait avoir lu toutes les thèses de l’autonomie italienne, ce serait mieux. Ils le veulent un peu lascar, un peu ouvrier à l’ancienne, mais pas non plus trop destroy ni trop chauvin.
Ils le veulent bien informé sur toute la galaxie des questions intersectionnelles, avec une position claire (et si ils n’en a pas, il n’a qu’à aller sur internet, on n’est pas payé pour l’éduquer!).
Ils le veulent combatif mais pas violent, organisé mais pas hiérarchisé, collant à leurs projections mais pas folklorique.
Et il n’a pas le droit à l’erreur, ce pauvre prolétariat. À la moindre merde, il donne un prétexte aux gauchistes pour rester chez eux et dire “vous voyez, je vous l’avais bien dit, c’est des fachos de toute manière.” Nous sommes des adultes. Chaque personne est libre de son choix. Encore faut il voir ce que l’on se donne pour but: révolution, ou entre-soi? — Fin de citation.
En fait, vous rentrez dans le même schéma. Vous hurlez au loup et jetez l’opprobre sur tout un mouvement, pour un graffiti Nazi que vous attribuer aux gilets jaunes. Qui êtes vous d’ailleurs, avec « la foule » qui vous écoute, pour écrire un pamphlet pareil sans vérifier vos informations? Puis maintenir face au fact checking de Libération en prétextant cela impossible avant les gilets jaunes? Vous oubliez le travail incessant des nazillons français depuis des années, qui tague et profane à tout bout de chants leurs croix gammées ou leurs sigles SS un peu partout… Où vous placez vous pour réduire le fascisme français de ces dernières années au mouvement des gilets jaunes ? Vous dites que nous avons oublié, je vous dis que VOUS avez oubliez.
Lyon ce samedi, Paris la semaine dernière, l’extrême droite est tenue en respect par les Antifa & co. Vous, où étiez vous et qui êtes vous pour vous insurgez maintenant?
Car les actions politiques issues des idées que vous semblez dénoncer sont partiellement déjà en place dans votre pays.
Et ces politiques n’ont pas attendu Macron.
Le bruit des bottes n’est plus un fantasme. Les centres de rétention pour mineurs non plus. Les rafles, et je pèse mes mots, dans les bidonvilles de France ça existe. Les gens qui se noient par millier pendant qu’on accuse les ONG de valoriser l’exil en sauvant des humains, ça arrive ici, dans votre pays.
Où vous situez vous face à l’horreur quotidienne que notre chère patrie applique chaque jour avec zèle et bravoure?
C’est juste pitoyable comme réaction. Mais votre soutiens à différents individus puants au sein des beaux arts nous y avait déjà préparé. Bref pas de surprise mais on s’éloigne du sujet! Concrètement, des millions de pauvres abandonnés par « la gauche » et laissés à l’extrême droite, voici qu’émerge un mouvement citoyen ! Le mouvement des gilets jaunes est un salut, et vous êtes aveugle de le comparer à la vague brune qui traverse le monde. Il recrée de la fraternité entre les différentes sphères de la société. Du lien social, bordel ! C’est pas rien à l’époque où nous vivons. Des gens dépolitisés et déculturés par des années de privatisation de la culture se retrouvent ensemble partout en France pour écrire leur histoire et leur avenir. Avez vous lu les comptes rendus des premières assemblées citoyennes des gilets jaunes? J’imagine que non alors je vous prend pour exemple celle de Toulouse :
1 demission du gouvernement
2 rétablissement de l’ISF
3 diminution du prix du carburant
4 Fin du CICE avec redistribution pour la transition écologique
5 suppression du RSI et rattachement des commerçants et artisans au régime général.
6 suppression de la TVA
7 invalidation des scrutins à moins de 66% de votants.
8 Destruction des monopoles de la presse et protection légale des journalistes d’investigation.
9 Abrogation du traité de Maastricht
10 Instauration d’une monnaie intérieure d’échange national basée sur l’économie réelle.
11 Re-nationalisation des réseaux autoroute, rail, eau, électricité, gaz
12 Etats généraux pour la transition écologique.
13 Fin des déchets plastiques inutiles sur emballage.
14 Augmentation des budgets et modernisation de la justice, des hôpitaux et de l’éducation nationale.
15 Gratuité des transports en commun ..
Je dis pas que c’est parfait, mais elles sont où vos prétendues aspirations fascistes dans ces résultats?
Et ça en 3 mois de politisation! Alors oui y a toujours un guignol pour dire que c’est les Rotchild qui dirigent le monde. Bienvenue dans une AG. Je n’ose pas prétendre à votre malhonnêteté intellectuelle, mais je trouve ça gros vue votre âge et votre cursus que vous découvriez maintenant les plaisirs de la concertation collective et les tentatives d’entrisme de l’extrême droite au sein des mouvements sociaux…
Mais bon, je suis ravi de partager avec vous mon expérience de la lutte!
Je vous laisse sur un des chants auquel j’ai participé dans les manifestations gilets jaunes « à bas l’état, les flics et les fachos » !
En espérant que votre égo s’en remettra,
Adam Sender de l’atelier Kawamata.
Vous êtes d’une naïveté! Votre soi disant lutte est terriblement efficace, on en voit les résultats…
Et vous vous en vantez!
Arreter de tout ramener à l antisémitisme des gilets jaunes. Cela reste un épiphénomène. En 12 actes je n’ai vu une seul manifestations d antisémites. Une fois une personne isolee avec un drapeau palesfinien. Allez dans les manifestations et vous verrez. Ne rester pas dans votre bureau à voir les chaînes d informations. Assez des culpabiliser.
Je souscris complètement à ce qui est dit ici! Je n’ai pas participé de prés et vu que d’assez loin les “ronds points” occupés, l’ambiance y avait l’air “bon enfant”, des adultes d’âge mûr se prenant un peu pour des “boy-scout”, les slogans les plus osés étant “Macron démission “irrespectueux, mais rien de plus, aucun relent antisémite ou xénophobe dans ma petite ville de province…Autre chose sur les”réseaux sociaux”où pour certains mon effarement fut grand: antisémitisme, souvent masqué par l’antisionisme, xénophobie, anti-migrants, complotisme: Daesh, montage des services spéciaux américains et israéliens(!), une franchouillardise de caricature qui s’exhale avec une impudeur benoîte!
Je pense, en tous cas j’espère, que ce n’est que le cas d’une minorité bruyante, mais c’est vrai, il ne faut pas faire semblant de regarder ailleurs, ça fait mal à la France!
Cordialement, F.T
BRAVO POUR VOTRE ANALYSE YOAN SFAR. MERIC