Né en 1946 dans une famille qui a collaboré pendant la deuxième guerre mondiale, il fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, tout au long de sa vie. Bouleversé par ses origines familiales et l’antisémitisme de son père notamment, il réagit en se rapprochant du judaïsme jusqu’à se convertir.
Personnage tourmenté, il n’en demeure pas moins, un homme dont la modestie et la sincérité n’ont d’égal que le génie de son art.
Le 21 novembre prochain, aura lieu une projection du film documentaire »Garouste en chemin », réalisé par André Djaoui. L’occasion pour nous, de nous entretenir avec ce peintre hors du commun.
Le P’tit Hebdo: Comment avez-vous choisi d’être artiste peintre et sculpteur?
Gérard Garouste: Je dis souvent que ce n’est pas moi qui ai choisi l’art, mais l’art qui m’a choisi. Quand j’étais à l’école, j’étais un très mauvais élève. Le seul domaine dans lequel j’existais par rapport à mes camarades était le dessin. Mon entourage ne m’a pas franchement encouragé mais mon père a eu l’intelligence de me payer des leçons particulières de dessin très jeune.
Puis je suis parti en pension, et là je rêvais de devenir médecin, mais je ratais toutes mes études. Alors je me suis retrouvé aux Beaux-Arts parce que c’était pour moi, le seul moyen d’échapper au service militaire et de manger au restaurant universitaire. L’art était devenu un réflexe de survie. Ce n’était pas une passion au départ. Il s’est transformé en plaisir lorsque j’ai commencé à gagner ma vie de mes œuvres.
Lph: Votre sincérité dans la façon dont vous jugez votre parcours est impressionnante. D’où vous vient-elle?
G.G.: Cela n’a rien d’impressionnant. Vous savez, je suis le comble de la faiblesse et de la fragilité. J’ai effectué de nombreux séjours en hôpital psychiatrique et en fait, si je suis aussi lucide sur mon parcours, c’est beaucoup grâce à la psychanalyse. Je n’ai peur de rien, pas même de moi-même. Mes échecs ont fini par se retourner en ma faveur.
Lph: On dit souvent que pour être un bon artiste, il faut avoir un peu de folie.
G.G.: S’il suffisait d’être fou pour être un artiste, tous les malades mentaux le seraient. Pour ma part, dans mes périodes de démence, je n’ai rien créé. Si je n’avais pas la médecine moderne et les médicaments, je ne serais jamais sorti de l’hôpital psychiatrique. J’ai perdu beaucoup de temps dans les dépressions nerveuses. Je pense que si Vincent Van Gogh avait pu avoir recours aux traitements que je suis, son œuvre aurait été bien plus importante.
L’avantage d’être un artiste, c’est que l’on peut poursuivre ce métier tout en ayant des problèmes psychiatriques. Si j’avais été banquier, personne ne m’aurait fait confiance avec mes délires.
Lph: Qu’est-ce que vous préférez dans votre métier d’artiste?
G.G.: C’est qu’il me laisse du temps pour me consacrer à des choses que j’aime encore plus: l’étude. C’est l’étude des textes qui nourrit mes œuvres. Les textes fondateurs dont je m’inspire sont extraordinaires: de Cervantès à Rabelais en passant par Goethe et surtout les textes du Tana’h, qui prennent une interprétation extraordinaire avec le Talmud.
Lph: Votre rapport au judaïsme est né du passé douteux de votre famille, et vous en êtes arrivé à vous convertir. Racontez-nous votre cheminement.
G.G.: Je suis issu d’une famille antisémite. Mon père était un collaborateur et un spoliateur. Mon éducation a été ratée sur le plan éthique. Dans ce cas, soit on adopte le costume de la famille et on ne pose pas de question, soit on s’en pose et on remet tout en cause. L’antisémitisme de ma famille n’était pas violent, il était BCBG, à demi-mot. Mais il est peut-être pire que le violent parce qu’il est plus difficile à repérer. J’ai eu envie de transmettre ce qu’il faut retenir de cette expérience: comment on sort de cela? Les tableaux doivent communiquer quelque chose de fort. Comment une peinture peut-elle aborder des sujets aussi graves sans être banal.
Petit à petit, j’ai pris conscience que j’avais un lien spécial avec le judaïsme. En pension, mes amis étaient juifs. Ma petite amie était juive, ce n’était pas un hasard. Elle a eu beaucoup d’influence sur moi. J’ai commencé à suivre des conférences et c’est moi qui ai ramené le Shabbat chez mes beaux-parents! Les conférences étaient tellement passionnantes que j’ai demandé un jour au Rabbin Philippe Haddad comment faire pour comprendre les citations qu’il faisait du texte en hébreu. C’est ainsi que j’ai commencé à apprendre l’hébreu mais pas comme une langue étrangère, comme une langue porteuse d’éthique. J’étudie en Havrouta avec le Rabbin Marc Alain Ouaknine, c’est un délice.
Lph: Comment avez-vous trouvé le film d’André Djaoui »Garouste en chemin »?
G.G.: André Djaoui est un ami et je dois dire qu’il m’a surpris. Je ne m’attendais pas à cela. Il voulait, à la base, faire un film sur une grande exposition que j’avais faite. Mais avec ses amis réalisateurs, il a donné au film un tournant que je n’attendais autour de ma vie. Je ne m’y attendais pas, mais je ne le regrette pas.
Lph: Quelle relation entretenez-vous avec Israël?
G.G.: La première fois que j’y suis allé c’était pour des échanges entre la France et Israël autour du conservateur du Musée de Tel Aviv. Il voulait que j’y expose, je n’étais pas prêt à le faire. Je voulais rencontrer des maitres de l’exégèse. On m’avait présenté Manitou, z »l, je ne m’étais pas rendu compte du privilège que j’avais. Je regrette qu’il ne soit pas là aujourd’hui. Israël est un pays qui m’émeut.
Projection du film »Garouste en chemin » le merc. 21/11, 19h au centre Konrad Adenauer, Mishkénot Shéananim, Yemin Moshé, Jérusalem. En présence de Gérard Garouste.
Entrée libre après inscription obligatoire par mail: caroll@frenchprojection.com
C’est avec ces témoignages que l’on sent que Dieu est de retour, préparons-nous et Il sera le Ich milkhama pour nous comme Il le fut à la sortie d’Egypte