François Fillon a donc remporté l’élection primaire du parti français, Les Républicains, qui a fort peu à voir avec le parti républicain américain.
Aux Etats-Unis, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko Morizet, et quelques autres du même acabit seraient à leur place au sein du parti démocrate. Je ne suis pas du tout certain que François Fillon serait au parti républicain.
J’aimerais dire que je pourrais voter pour François Fillon, et considérer qu’il est le moins pire.
Il y a des accents libéraux dans son programme (baisse des dépenses publiques, des impôts et du nombre de fonctionnaires). Il y a malheureusement aussi dans celui-ci des accents socialistes et étatistes.
- Un libéral digne de ce nom parlerait de la liberté de passer contrat entre employeur et employé, et ne parlerais pas de trente neuf heures.
- Un libéral digne de ce nom ne parlerait pas de “participation” en entreprise destinée à “fluidifier les relations sociales”, mais de liberté d’entreprendre, d’embaucher et de licencier.
- Un libéral, par ailleurs, ne parlerait pas d’âge légal de départ à la retraite et proposerait non pas de sauver la “pérennité” du système de retraite français, qui relève de l’escroquerie, mais de passer à un système de retraite par capitalisation.
- Un libéral ne donnerait pas pour titre à une rubrique de son programme “pour une vraie justice sociale”, et rappellerait que la “justice sociale” est une notion socialiste délétère, bureaucratique, porteuse d’ingénierie sociale, comme l’a démontré Friedrich Hayek.
Un libéral ne parlerait pas du tout de sa volonté de rendre “l’accès au logement social plus juste”, mais chercherait à libérer pleinement le secteur du logement : j’ai préfacé il y a quelques années un excellent livre de Vincent Benard sur le sujet, Logement, crise publique, remèdes privés*. Le livre et ses propositions sont toujours disponibles.
Un libéral ne parlerait pas non plus de pérenniser la sécurité sociale française, mais de lui substituer un système de concurrence entre assurances et de comptes épargne santé. L’Institut Turgot, que j’ai présidé, a publié des travaux utiles sur le sujet, dont un livre, Santé publique, santé en danger*.
Quand je lis par ailleurs “plan de généralisation du très haut débit”, je lis le mot “plan”, que je laisse aux socialistes, et quand je lis “mise en place d’un agenda européen pour l’équité de traitement fiscal entre les majors américaines et les entreprises européennes et pour le soutien aux plateformes ‘loyales’”, je me dis que François Fillon est vraiment très éloigné des idées libérales.
Quand je lis, enfin, “Le Grenelle de l’environnement est historique et on mesure aujourd’hui son rôle fondateur : essor des énergies renouvelables, démarrage de la rénovation thermique du bâtiment en France, forte inflexion dans le taux de CO2 des voitures depuis l’adoption du bonus-malus, etc. Aujourd’hui, le changement climatique impose une rupture radicale à nos politiques”, je me crois chez Nicolas Hulot, voire chez Cécile Duflot.
François Fillon propose de vaincre le totalitarisme islamique sunnite en s’alliant au totalitarisme islamique chiite
Dans le domaine de la politique étrangère, ce n’est pas mieux. Outre des propos douteux et réitérés sur Israël, et le fait de s’être, dans le passé, déjà courbé devant l’islam, François Fillon propose de vaincre le totalitarisme islamique sunnite en s’alliant au totalitarisme islamique chiite, sous la forme de l’Iran des mollahs et du Hezbollah, et use d’un galimatias qui lui fait mettre l’Arabie Saoudite et l’Etat Islamique dans le même grand sac. Il propose de se rapprocher de la Russie, mais semble imprégné d’une naïveté très excessive vis-à-vis de Vladimir Poutine (écrire que la Russie ne “représente en rien une menace” laisse songeur). Il ne dit mot sur les Etats-Unis et sur le Président Trump. Dire que je suis très réservé face à tout cela est user d’une litote.
François Fillon est dans un pays très socialiste, très étatiste, plutôt anti-américain et ou, à droite, une inflexion générale vers Poutine et vers les mollahs se dessine. Peut-être faut-il tenir un discours tel celui de Fillon pour être élu.
Fillon est peut-être le moins pire, mais non, je ne pourrai voter pour lui.
Marine Le Pen dit maintenant que l’islam est compatible avec la république, et elle est allée chercher la bénédiction d’Allah chez les dignitaires d’al Azhar
Il me resterait Marine Le Pen.
Celle-ci est moins libérale encore que Francois Fillon, ce qui n’est pas peu dire, et son programme économique est très proche de celui de Jean-Luc Mélenchon, dont elle veut visiblement attirer les électeurs. Elle est nationaliste, ce qui ne me dérange pas, mais elle l’est dans un parti où il y a toujours de antisémites, ce qui me dérange absolument. Elle a, en politique étrangère, des orientations qui ressemblent à celles de François Fillon dès lors qu’elle regarde du côté de Poutine et de l‘Iran des mollahs avec un regard embué. Elle est résolument hostile à l’Alliance Atlantique et à l’OTAN, ce qui est pire encore que toutes les propositions de politique étrangère de François Fillon. Elle dit maintenant, pour couronner le tout, que l’islam est compatible avec la république, et est allée chercher la bénédiction d’Allah chez les dignitaires d’al Azhar.
Elle semble imaginer qu’elle a des proximités avec Donald Trump, et des journalistes myopes voient eux aussi des proximités parce qu’ils voient trouble et, une fois de plus, montrent qu’ils n’ont rien compris. Elle n’a aucune proximité avec Donald Trump: ni économiquement (Donald Trump est du côté de la libre entreprise), ni en politique étrangère (Donald Trump n’a, contrairement à ce qui se dit, aucune illusion sur Poutine et aucune illusion sur l’Iran).
Je ne la classe pas à l’extrême droite, mais plutôt à proximité de l’extrême gauche, avec, au titre de bémol, des accents venus du gaullisme de gauche et du socialisme façon Chevènement. Je n’ai jamais voté pour l’extrême gauche, pour un gaulliste de gauche, ou pour un socialiste façon Chevènement, et je ne vais pas commencer en 2017.
Elle est pire que Fillon. Je ne pourrai voter pour elle non plus.
Je suis libéral au sens français du terme, conservateur au sens américain du terme.
Cela fait que je ne pourrai voter pour personne en France en 2017.
J’observerai la France de loin, comme on regarde consterné un navire qui fait naufrage.
Je serai navré pour les Français, et navré pour moi-même donc, puisque je suis Français, même si je vis maintenant au pays de Donald Trump.
Je regretterai qu’il n’y ait pas de Donald Trump français.
Je me dirai que j’ai fait ce que j’ai pu pour mener la bataille des idées.
Je continuerai. Sans illusions.
© Guy Millière pour Dreuz.info.