Tsahal a déterré la hache de guerre. Sin idée d’intégrer les femmes dans les unités combattantes, y compris les unités tankistes, a semé la pomme de discorde
Par Salomé Touitou
L’information a suscité un vent d’indignation de la part de nombreux interlocuteurs choqués par une telle initiative. Et les médias sociaux regorgent de réactions pour le moins enflammées. Certains généraux à la retraite, sans parler de l’establishement religieux, s’opposent vivement à cette idée qu’ils considèrent “dangereuse”.
Pourtant, Tsahal ne semble pas prête à faire marche arrière. Corps en pleine mutation, l’armée israélienne est en quête de solutions. D’une part, pour palier à son manque de ressources humaines, suite à la réduction du temps de conscription de ses recrues mâles. De l’autre, dans sa velléité à brandir l’étendard de l’égalité, dans tous les domaines. C’est donc principalement pour ses deux raisons, si on en croit certains témoignages, qu’elle envisage sérieusement d’intégrer à l’avenir des femmes dans ses unités de blindés.
Le général de brigade Moti Almoz, porte-parole de l’armée, a ainsi rendu hommage au courage des femmes qui aspirent à des rôles de combat : “Tsahal est l’armée du peuple et les femmes font partie du peuple”, a-t-il déclaré. Et de saluer la motivation de celles qui veulent contribuer à l’effort de combat, leur ambition de servir dans des positions périlleuses au nom de la sécurité d’Israël. Selon Moti Almoz, l’un des rôles les plus prisés par les femmes, ces dernières années, n’est autre que celui d’instructrice pour les unités de blindés, position qu’elles remplissent d’ailleurs avec brio, précise-t-il.
Quant à savoir si l’armée pourrait réellement envoyer des femmes au front à bord d’un tank, Moti Almoz a préféré botter en touche et se contenter de dire que le sujet ne sera débattu qu’au terme de la période d’essai qui se déroule actuellement.
Une idée folle
Il va sans dire que l’enthousiasme du porte-parole militaire est loin de faire l’unanimité. Parmi les premiers à réagir, le Grand Rabbin de Tsfat (Safed), Shmouel Eliyahou. Dans une interview accordée à la radio de l’armée, le 21 novembre dernier, il a accusé Tsahal de faire preuve d’un excès de confiance, et comparé la situation actuelle à celle précédant la Guerre de Kippour. “Le rôle d’une armée est de combattre et de gagner. A deux reprises, nous avons payé le prix fort pour notre autosuffisance et notre arrogance à l’égard de nos commandants. Nous avons lourdement souffert pendant la Guerre de Kippour. Nos élèves ne serviront pas dans des tanks aux côtés de femmes. Point”, a-t-il déclaré de façon catégorique. Une prise de position balayée d’un revers de main par Moti Almoz qui a rétorqué : “ces vents de protestation n’ont jamais servi à rien, et ils n’aideront pas plus cette fois-ci”. Une façon de laisser entendre que Tsahal semble bel et bien avoir l’intention d’aller jusqu’au bout de son initiative.
Autre voix entendue ces derniers jours, celle du général réserviste Yiftah Ron-Tal, ancien commandant d’infanterie, aujourd’hui à la tête de la compagnie d’électricité. Pour lui, intégrer des femmes dans des unités de blindés ne fera en rien avancer la cause de l’égalité des sexes. Et ne contribuera, au contraire, qu’à mettre leurs vies en danger. “Ce serait une erreur d’étendre le rôle des femmes combattantes aux unités tankistes”, a-t-il insisté, “un scandale, qui pourrait même porter préjudice aux capacités de combat de l’armée. Mettre des hommes et des femmes dans une cabine de tank est tout simplement une idée folle.”
Des propos virulents qui ont soulevé l’ire de certains parlementaires et pour lesquels il a dû s’excuser depuis. “Je suis foncièrement opposé à voir des femmes servir dans l’armée, mais je m’excuse du fond du cœur si mes mots ont pu laisser entendre que des organisations d’extrême-gauche étaient derrière cette initiative, dans le but d’affaiblir la puissance de Tsahal.”
Préserver l’instinct de la femme
Un autre général de brigade réserviste n’a pas caché son opposition au projet, Avigdor Kahalani, qui a jeté un pavé dans la mare : “Le rôle d’une femme est d’être une mère et de mettre des enfants au monde. Je pense qu’après avoir enduré le traumatisme de la guerre, elle en ressort complètement différente. L’instinct d’une mère, l’amour d’une mère, sa capacité à porter et allaiter, tout cela aura été modifié. Je n’ai aucun doute là-dessus.”
Si cet ancien militaire considère une bonne chose d’intensifier la place des femmes au sein de l’armée, les positions de combat n’en font pas partie. “Tuer est le genre de choses que les hommes font. Je pense que c’est une erreur d’y mêler les femmes. Je pense aussi que cela n’arrivera pas. Il y a suffisamment d’hommes pour cela.”
Autre contestation, celle de l’ancien Grand Rabbin de Tsahal, Yisrael Weiss. Pour lui, il est impossible de placer deux personnes dans un habitacle confiné, sans que rien ne se passe. “Au bout de 9 mois, vous aurez un petit soldat tankiste de plus”, a-t-il affirmé.
Parmi les partisans d’un changement, on trouve la députée de gauche, Merav Michaeli. Membre de la commission parlementaire des Affaires étrangères et de la Défense, elle est à l’origine de la législation qui demande à l’armée de définir un modèle susceptible de répondre aux besoins personnels des militaires, sans égard à leur sexe. “Chaque jour qui passe, sans tirer un profit maximal des ressources humaines, ne fait que réduire la qualité de nos effectifs et leur motivation. Au lieu d’attribuer aux femmes des postes-clés, Tsahal traîne les pieds par peur du préjudice et sous la pressions de rabbins.”
Et pendant que ce tintamarre de voix résonne essentiellement sur la toile, l’armée, elle, continue ses essais et son chemin. Pour beaucoup, les sillons seraient déjà tracés. Et voir les femmes intégrer les tanks ne serait plus qu’une question de temps.