[« Le Kling du mois », une publication Lph New]
Un soir de Chabbat, à la sortie de l’office, Hillel, un petit garçon de 5 ans qui était resté jouer dehors avec son chien, interpella le rav Steinsaltz :
– C’est pas juste ! À la synagogue, il y a l’espace des hommes et l’espace des femmes, mais il n’y a aucun espace pour les chiens ! Eux aussi ont le droit de prier !
Gêné par la remarque de son fils, le père de l’enfant voulut s’en excuser auprès du rav, mais celui-ci se pencha vers Hillel et lui dit gentiment :
– Tu sais, il y a très longtemps, les synagogues n’existaient pas. Les hommes, les femmes et les chiens se réunissaient plusieurs fois par jour, ils priaient ensemble dans la nature et c’étaient leurs prières qui maintenaient le monde en état. Un jour, les hommes ont décidé de prier dans un lieu clos, avec des sièges confortables, des tables, et même l’air conditionné ! Ils ont construit des synagogues dans lesquelles ils se réunissaient pour faire hav-hav (le « oua-oua » hébreu se dit « hav-hav », qui signifie aussi : « donne-moi, donne-moi »). Dieu merci, les femmes et les chiens ont continué à prier dehors ; et ce sont leurs prières qui assuraient la survie du monde. Puis les femmes ont estimé qu’elles aussi devaient prier dans les belles synagogues ; alors elles ont fait construire des espaces pour femmes et elles aussi se sont mises à faire hav-hav ! Si bien qu’il ne reste plus dehors que les chiens, dont les prières continuent à assurer la survie du monde. Alors, mon petit Hillel, je te le demande : si l’on se mettait à construire des espaces pour chiens dans les synagogues, qui resterait-il pour assurer la survie du monde ?
Cette authentique et savoureuse histoire (rapportée par le père de l’enfant) est caractéristique du personnage à plus d’un titre. On peut y retrouver la patience de l’éducateur, l’amour des enfants, l’analyse sévère d’un judaïsme qui risque de perdre son âme en se complaisant dans un confortable rituel, l’affection pour le monde animal (le rav Steinsaltz fut un temps membre du comité directeur du zoo biblique de Jérusalem !), le courage de remettre en cause des institutions pourtant traditionnelles et consensuelles. J’y ai plus d’une fois pensé durant ce singulier Kippour, en priant dans mon jardin devenu pour l’occasion une synagogue à ciel ouvert dont les fidèles étaient mes voisins, mes voisines, leurs enfants, un chien, et un coq venu d’on ne sait où et qui poussait des cocoricos à chaque fois que l’assemblée récitait les treize attributs de la miséricorde divine !
Steinsaltz restera pour moi l’homme qui a osé. Rachi meurt en 1105. Son commentaire du Talmud est si performant que pendant 860 années, personne n’ose en écrire un autre ! Mais en 1965, Rav Adin entame le commentaire de Berakhot, le premier traité talmudique. Le dernier tome paraîtra en 2010 et c’est une véritable révolution ! Je me souviens encore de mon voyage en Russie soviétique, du temps de Brejnev. « Que souhaiteriez-vous recevoir du monde libre ? », avons-nous demandé plus d’une fois aux « refuzniks » que nous rencontrions. « Un volume de Steinsaltz, répondaient-ils le plus souvent. C’est la seule clé que nous ayons ici pour accéder au Talmud ! »
Après avoir traduit et annoté les 2711 pages du Talmud, Steinsaltz a décidé de commenter les 929 chapitres de la Bible, les 14 volumes de l’encyclopédie de Maïmonide, le Tanya, la Michna, pour ne citer que ses ouvrages les plus connus. Cinq millions de ses livres ont été vendus… Phénomène sans précédent !
Comme toujours avec les génies audacieux, tout le monde n’a pas apprécié ses initiatives : on lui a reproché d’avoir modifié la pagination traditionnelle du Talmud (une page du Talmud traditionnel occupe deux pages dans l’édition Steinsaltz) et, dans d’autres ouvrages, d’avoir été « irrespectueux » envers les personnages bibliques et talmudiques. Le public a été appelé a boycotter ses livres, les libraires à ne pas les vendre, les yechivot à s’en débarrasser au plus vite. Certains ont apparemment du mal à reconnaître la véritable grandeur d’un homme qui vit parmi nous, comme d’autres ont du mal à apprécier à leur juste valeur les évènements historiques contemporains. D’ailleurs, ce sont souvent les mêmes.
La vie du rav Steinsaltz doit nous servir d’exemple : se fixer d’ambitieux objectifs, sortir des sentiers battus, ne pas craindre de se remettre en question, prendre de courageuses décisions, c’est tout cela qui donne un sens à notre existence.
Comme pour illustrer cette leçon, cette année encore, de courageuses jeunes filles ont décidé, malgré la situation sanitaire délicate, de nous rejoindre pour former la vingt-sixième promotion de Hemdat Hadarom : bravo et bienvenue à Léa A, Shirel, Dana, Hadassa, Téhila, Liora, Manon, Orna, Maayane, Elona, Noémie K, Léa O, Ornella, Ocherite, Penina, Anna, Noémie S, Elsa, Eden, Noémie U, Sharon et Sidney. Et behatsla’ha !
Arrêtez-moi si je dis des bêtises…
A l’occasion du 17ème anniversaire de la disparition de mon père , le grand rabbin Kling, nous organisons une soirée pour lui rendre hommage le Jeudi 22 octobre, 5 hechvan, 20:00. Si vous l’avez croisé ou connu, nous serions très heureux de pouvoir diffuser ce soir là un court témoignage filmé de 2 à 4 minutes (mettre votre smartphone à l’horizontal pour filmer). Si vous possédez des photos interessantes, merci de me les faire également parvenir. Les documents doivent être envoyés sur mon numéro wathsapp: 0545545005 ou par mail: [email protected] .
Topic: elie kling’s Zoom Meeting
Time: Oct 22, 2020 08:00 PM Jerusalem
Join Zoom Meeting
https://us02web.zoom.us/j/84253386920
Meeting ID: 842 5338 6920