Question :
Cher Rav, quelle est la Bérakha que les enfants d’Israël, dans le désert, récitaient avant de consommer la Manne ?
Réponse :
Voici une excellente question, bien que peu actuelle, à laquelle je vais tenter d’apporter une réponse précise. A ma connaissance, huit opinions sont en présence à ce sujet :
- Le Bné Issakhar (Maamaré Chabatot chap. 3 § 3) est d’avis que la Manne étant qualifiée par la Torah de « Lé’hém (pain) » (Ex.16 : 4) mais que celle-ci précise aussitôt qu’elle avait les « Cieux » (ibid.) pour origine, la bénédiction requise était donc « Hamotsi Lé’hém Min Hachamayim (Celui qui fait sortir le pain des cieux) ». C’est dans un sens similaire que s’expriment d’autres décisionnaires, parmi lesquels le Séfer ‘Hassidim (Version Mékitsé Nirdamim chap. 1640) qui précise le point suivant : bien que la Manne pouvait, suivant le désir de son consommateur, prendre, par exemple un goût de viande ou de poisson ou de tout autre aliment, il n’en demeure pas moins vrai que la bénédiction requise demeurait « Hamotsi Lé’hém etc. » dès lors qu’en première intention la Manne se présentait à tous points de vue sous la forme de pain.
- Selon le Torah Lichma (chap. 63), la bénédiction était « Hamamtir Lé’hèm Min Hachamayim (Celui qui fait pleuvoir le pain des cieux) », dès lors que c’est ce verbe qu’utilise la Torah à propos de la Manne (cf. Ex. ibid).
- Le Markévèt Hamichna et le Tvouot Hassadé sont d’un tout autre avis : selon eux la Manne prenait non seulement le goût mais aussi la texture de l’aliment que son consommateur désirait manger. S’il désirait manger du poisson ou de la viande, il devait réciter la bénédiction « Chéakol » tandis que s’il désirait manger du gâteau, c’est la bénédiction « Boré Miné Mézonot » qui s’imposait à lui.
- Le Péta’h Hadevir (chap. 203) rapporte une opinion selon laquelle la bénédiction requise aurait dû être dans tous les cas « Boré Miné Mézonot ». La Torah écrit en effet au sujet de la Manne : qu’ « elle avait la saveur d’un beignet au miel » (ibid. 31), aliment sur lequel c’est cette dernière bénédiction qui est de rigueur. Cependant, observe le Rav Falagi, comme c’est la Manne qui constituait leurs repas, c’est la bénédiction « Hamotsi Lé’hém Min Haarets » qui s’imposait.
- Le Bné Issakhar déjà cité rapporte au nom d’un kabbaliste renommé une opinion sur laquelle il semble s’aligner et selon laquelle les Bné Israël ne récitaient aucune bénédiction avant de consommer la Manne. Il est notoire en effet que celle-ci était toute entière assimilée par le corps humain sans déchet aucun. Or, la fonction de toute bénédiction étant de permettre de procéder au tri entre les étincelles de sainteté et les déchets, la Manne n’en nécessitait aucune dès lors qu’elle ne comportait pas le moindre déchet. Il est à noter que le Beth Yits’hak (Yoré Déa tome 1 chap. 84) s’exprime dans un sens identique.
Le Sdé ‘Héméd (Kaf Clal 100) est lui aussi d’avis qu’ils ne récitaient pas de bénédiction sur la Manne, mais pour une toute autre raison : le devoir de réciter une bénédiction avant de consommer un aliment étant d’ordre rabbinique et donc bien plus tardif, ne pouvait donc pas concerner les gens de la génération du désert.
- Selon le Gan Ravé ils récitaient la bénédiction « Chéakol », bénédiction permettant d’être quitte de son obligation quel que soit l’aliment consommé. Ainsi, dans le cas où une personne aurait eu l’intention de consommer la Manne à titre de pain et que changeant d’avis, après avoir récité la bénédiction « Hamotsi » elle ait préféré la consommer à titre de viande, il s’avèrera que cette bénédiction aura été récitée en vain, ce qui n’aurait pas été le cas si elle avait d’emblée récité en première intention la bénédiction « Chéakol ».
- Le Sifté Tsadik (§ 67), se fondant sur les propos du Sforno, selon lequel, la Manne, pour pouvoir être nutritive, devait être restée attachée à la terre durant un certain temps, en déduit que la bénédiction était « Hamotsi Lé’hém Min Haarèts (Celui qui fait sortir le pain de la terre) ».
- Notons enfin que, selon le Bné Issakhar, les Bné Israël récitaient les jours de Chabbat une bénédiction particulière dans les termes suivants : « Acher Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Léékhol Séoudat Chabbat (Lui qui nous a sanctifié et nous a ordonné de consommer le repas de Chabat) ».
Rav Azriel Cohen-Arazi
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