Réponse :
Afin de répondre à votre question, il me faut, en introduction, préciser le point suivant : alors que les interdits sexuels à proprement parler sont d’ordre Toranique, celui concernant les gestes affectueux fait l’objet d’une controverse entre les décisionnaires. Tandis que le Rambam est d’avis qu’il s’agit d’un interdit lui aussi d’ordre Toranique le Ramban pense pour sa part qu’il s’agit d’un interdit d’ordre rabbinique.
S’appuyant sur l’opinion du Rambam, le Beth Yossef (Choul’han Aroukh Yoré Déa chap. 195 § 17) stipule qu’un médecin n’a pas le droit d’examiner sa femme lorsqu’elle est Nida, sauf s’il s’agit d’une situation d’extrême urgence. Ce à quoi le Chakh rétorque que le « toucher » ne relève, selon le Rambam, d’un interdit d’ordre Toranique uniquement s’il se produit dans le cadre d’un geste affectueux, et non pas lorsqu’il n’a pour seul but que celui de soigner. De son point de vue, c’est cette distinction qui autorise un médecin juif à soigner une patientèle féminine.
D’autres décisionnaires, prenant la défense du Beth Yossef, défendent l’idée selon laquelle lui aussi autoriserait un médecin juif à soigner une patientèle féminine. En fait, lorsqu’il interdit à un médecin de soigner sa femme lorsqu’elle est Nida, c’est uniquement et précisément parce qu’il s’agit de sa femme, et qu’alors, le risque est grand de voir le geste thérapeutique devenir affectueux, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’une patiente « étrangère ».
C’est dans un sens identique que peut se comprendre l’enseignement du Talmud (Traité Sota 21a) selon lequel un homme qui, apercevant une femme nue en train de se noyer, s’interdirait de se porter à son secours, sous le prétexte mal placé de ne pas avoir le droit de la toucher, mériterait de recevoir le sobriquet de « dévot stupide ». En effet, le « toucher » en ce cas aurait pour unique objectif de sauver cette femme de la noyade, et non pas de lui témoigner une quelconque marque d’affection.
C’est en se fondant sur l’opinion du Chakh précitée que nombreux sont les décisionnaires qui autorisent un médecin homme à examiner et à soigner une patientèle féminine.
Les choses sont plus complexes lorsqu’il s’agit d’examens médicaux plus intrusifs, par exemple d’un examen gynécologique. Je citerai à ce propos ce qu’en dit le Rav Ovadia Yossef zatsa”l :
« Une femme n’a le droit d’avoir recours à un gynécologue homme que si, d’une part, elle souffre d’une maladie imposant cette visite en urgence, et que, d’autre part, une gynécologue pareillement compétente ne soit pas alors disponible. Par contre, lorsqu’il n’y a pas urgence, par exemple dans le cas d’une petite douleur passagère, il n’y a pas lieu de se montrer permissif et de laisser porter atteinte à sa pudeur. C’est la raison pour laquelle les Sages désapprouvent les femmes enceintes qui effectuent leurs visites de contrôle auprès d’un médecin homme. Bien mieux vaudrait pour elles, quitte à devoir lui verser des honoraires, consulter une femme médecin, plutôt qu’un homme qui les recevrait à titre gracieux. Il est bien de diffuser cette information auprès de tous et d’encourager les femmes à ne rien faire qui puisse mettre leur pudeur en péril. Pour conclure, une femme ne sera autorisée à être examinée par un gynécologue uniquement dans un cas d’urgence où lui seul dispose de la compétence requise ».
Dans un sens similaire, le Béèr Moché s’étonne de voir des jeunes mariées aller se faire examiner, au moindre petit problème gynécologique, par un médecin homme, et cela sans prendre en compte le fait que, de nos jours, les gynécologues non religieux sont souvent peu à cheval sur les règles de pudeur.
Le Rav Vozner s’exprime dans le même sens, ainsi que mon Maître, le Rav Sternbukh chlita, qui préconise en pareille situation que même en cas d’urgence, le mari accompagne son épouse et soit auprès d’elle lors de l’examen. Quoi qu’il en soit, et ceci vaut pour toutes les spécialités, lorsque cela sera possible, les femmes devront a priori consulter un médecin femme.
Rav Azriel Cohen-Arazi
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