Question :
Cher Rav, j’ai trouvé un porte-monnaie dans des toilettes publiques. Ai-je le droit d’apposer à cet endroit une affiche déclarant sa découverte afin d’accomplir la Mitsva de Hachavat Avéda, au risque de paraître manquer de respect à la Mitsva, ou dois-je l’accrocher plus loin?
Réponse:
Tous les décisionnaires sont d’accord pour dire qu’il est strictement interdit de réciter des textes liés à la Torah, ou même d’y réfléchir, lorsqu’on se trouve dans des endroits nauséabonds où se répandent des odeurs excrémentielles.
Par contre, sur le point de savoir si, dans un tel endroit, il est permis d’accomplir une Mitsva se réduisant à un acte pur et simple, les décisionnaires sont en désaccord:
Le ‘Hafets ‘Hayim (Béour Halakha Ora’h ‘Hayim chap.586), après avoir déduit des propos du Maguen Avraham que cela est interdit, s’interroge sur le bien-fondé d’une telle interdiction, dès lors, explique-t-il, que l’on n’en trouve nulle trace directe dans l’ensemble de la littérature talmudique. Afin de rendre compte de l’opinion du Maguen Avraham, il propose deux raisons justifiant cette interdiction inédite.
La première repose sur le fait qu’il est impératif, lorsqu’on accomplit une Mitsva, d’avoir l’intention de s’en acquitter pour que l’on en soit quitte (cf.Choul’han Aroukh, Ora’h ‘Hayim chap.60 § 4). Or, avoir cette intention revient à penser à un sujet de Thora, ce qui est interdit dans pareil lieu.
La seconde raison évoquée par le ‘Hafets ‘Hayim consiste à dire que lorsqu’une personne accomplit une Mitsva, elle ne fait rien de moins que s’adonner au service de D., ce qui est difficilement envisageable dans un tel endroit. Il est d’ailleurs à noter que la Halakha interdit d’utiliser l’urine (à forte teneur en ammoniac) pour nettoyer un Chofar, afin que l’on n’en vienne pas à déconsidérer les Mitsvot. Si cela est vrai pour le Chofar qui n’est que l’instrument de la Mitsva, a fortiori cela le sera-t-il encore plus concernant l’accomplissement de la Mitsva elle-même.
En revanche, de nombreux décisionnaires autorisent l’accomplissement de Mitsvot dans de pareils lieux, et ce en s’appuyant sur les propos du Rama au sujet de la Che’hita(l’abattage rituel) (cf.Yoré Déa chap.19 § ), selon lesquels un Cho’het s’apprêtant à abattre une bête dans un endroit malpropre, doit s’en écarter afin de réciter la bénédiction idoine. D’où ils déduisent, que si la récitation de la bénédiction y est interdite, l’accomplissement de la Mitsva de la Ché’hita en elle-même ne l’est pas.
D’où il apparaît, selon eux, que l’accomplissement d’une Mitsva dans un endroit malpropre est autorisé lorsqu’elle ne s’accompagne pas de la récitation d’une bénédiction. Tel est le cas, par exemple de toutes les Mitsvot ressortant du ‘Héssed, tels, par exemple la Tsédaka, l’hospitalité, la visite aux malade et aux endeuillés. Il sera aussi autorisé même dans le cas d’une Mitsva s’accompagnant d’une bénédiction si cette dernière a préalablement été récitée dans un endroit s’y prêtant.
Il me semble que même en prenant en compte l’opinion du ‘Hafets ‘Hayim et les deux arguments qui la sous-tendent, il est possible d’autoriser l’accomplissement de certaines Mitsvot dans de pareils lieux. Cela sera le cas de toute Mitsva répondant aux deux critères suivants; lorsque l’absence d’intention n’est pas rédhibitoire, d’une part, et ceci concerne, selon de nombreux décisionnaires, toutes les Mitsvot relevant du ‘Héssed, dont la valeur, se mesure pour l’essentiel au résultat qu’elles produisent, l’aide financière apportée au pauvre, concernant la Tsédaka, la consolation apportée à l’endeuillé, l’aide morale apportée au malade que l’on vient visiter; et, d’autre part, lorsqu’il n’est pas possible de l’accomplir ailleurs. Dans un pareil cas de figure, les deux arguments avancés par le ‘Hafets ‘Hayim ne sont pas pertinents. Le premier, celui touchant à l’intention, n’est pas de mise parce qu’en cette circonstance, celle-ci n’est pas exigée. Quant au second, celui concernant la déconsidération de la Mitsva, il ne peut ici être retenu. En effet, celle-ci n’est manifeste que lorsqu’il est possible d’accomplir la Mitsva ailleurs et que l’on choisit sciemment de l’accomplir ici, dans cet endroit malpropre, ce qui n’est pas le cas ici.
Il m’est à présent possible de répondre à la question pratique que vous me posez. Selon toutes les opinions, y compris selon le ‘Hafets ‘Hayim, il vous est permis d’accrocher, dans un lieu malpropre, une affiche déclarant la découverte du porte-monnaie que vous y avez trouvé, et ce, pour les trois raisons suivantes: D’une part, la Mitsva de Hachavat Avéda relève du ‘Héssed. A ce titre, elle ne doit pas s’accompagner obligatoirement de l’intention de s’en acquitter. D’autre part, puisque cet objet a été trouvé dans un lieu malpropre, vous n’avez pas d’autre choix que de procéder à l’affichage à cet endroit précis. Enfin, l’affichage ne constituant pas l’accomplissement de la Mitsva elle-même, mais n’étant qu’un instrument à son service, le problème posé perd de son acuité.
Rav Azriel Cohen Arazi
Sur www.torahacademy.fr vous pouvez poser vos questions au Rav et consulter toutes les autres rubriques de son site.