Question :
Cher Rav, lorsque mon épouse rentre le soir, il lui arrive parfois de se répandre en propos désobligeants et même souvent malveillants à l’égard de ses collègues de travail. Dans quelle mesure ai-je le droit ou pas de l’écouter au regard de l’interdit touchant au Lachon Hara?
Réponse:
Il est important tout d’abord de noter que l’interdit touchant à la médisance concerne tout autant la personne qui s’y livre que celle qui y prête l’oreille. Or, en première approximation, ce second volet de l’interdiction est extrêmement large et inclut non seulement les amis plus ou moins proches, mais aussi le cercle des intimes, tels les conjoints et les parents. Ainsi, il est interdit à une personne d’écouter du Lachon Hara proféré par l’un ou l’autre de ses parents, et ce, en dépit de son devoir de les honorer. De même en va-t-il au sein du couple. En effet, il est vrai d’une part que nos Maîtres stipulent que “l’épouse d’un homme est comme lui-même” (cf. traité Sanhédrin 28:b); et que, d’autre part, l’ensemble des décisionnaires s’accordent à dire que la réciproque est tout aussi vraie (Baal Hamaor et Méïri), ce qui, in fine, peut être compris comme une exigence de transparence au sein du couple. Il n’en demeure pas moins que le Lachon Hara fait exception à cette règle et qu’il est par conséquent interdit à l’un des conjoints de prêter une oreille complaisante au Lachon Hara proféré par l’autre.
Ceci dit, il est extrêmement important de savoir que l’interdit du Lachon Hara n’est pas l’épouvantail que certaines personnes prétendument pieuses prennent plaisir à brandir sans discernement, aux cris, en toute occasion, de: “Silence dans les rangs! Mais c’est du Lachon Hara ce que vous racontez!” En effet, il est des circonstances dans lesquelles il est non seulement permis mais même recommandé, voire obligatoire de proférer et d’écouter du Lachon Hara qualifié par le H’afets Haïm de “Lachon Hara utile”.
Il m’est, à présent, possible de répondre à votre question. Celle-ci est importante, car elle concerne nombre de couples qui, ne sachant gérer les situations qu’elle aborde, vivent dans le conflit permanent et l’absence de réelle communication, comme j’ai souvent pu le constater auprès de mes élèves.
Votre épouse, de retour de sa journée de travail, commence à dire du mal de ses collègues. Quelle doit-être alors votre attitude? Votre premier mouvement inspiré par votre piété et votre volonté de vous conformer aux prescriptions de la Thora interdisant le Lachon Hara sera peut-être de la rappeler à l’ordre en lui demandant de se taire. Il n’empêche que si vous cédiez à ce premier mouvement, vous commettriez une grave erreur. En effet, les choses, ainsi que je l’ai signalé précédemment, sont bien plus nuancées, et c’est de cette manière que le Rav Chlomo Zalman Oyerbah’ zatsal recommande expressément de se conduire en la matière:
Vous avez le devoir de l’écouter attentivement, sans adhérer nécessairement au fond de vous-même à ses propos, si vous avez l’impression qu’elle ne fait que se décharger d’un fardeau trop lourd à porter à elle toute seule, par exemple un échec qu’elle cherche à justifier en en imputant la responsabilité aux autres. Il s’agit en effet en ce cas d’un “Lachon Hara utile” et donc échappant à l’interdit général. Dans cette situation, ne pas écouter votre épouse ou l’empêcher de s’exprimer serait manquer à tous vos devoirs de mari attentif et bienveillant, et la conduire peut-être à aller chercher auprès d’un psychothérapeute l’oreille attentive dont vous l’avez privée. Si par contre, vous sentez qu’il s’agit d’une “dérive” la poussant à dire du mal pour le plaisir, vous devez, après vous être assuré que tel est le cas, lui faire comprendre gentiment mais fermement que vous préfèreriez parler d’autre chose.
Bien évidemment, ce qui précède demeure vrai dans le cas où c’est l’épouse qui est confrontée au Lachon Hara de son mari.
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Rav Azriel Cohen Arazi