Question :
Est-il permis de plier son Talit le Chabbat matin à l’issue de l’office de Moussaf ?
Réponse :
Le Choulh’an Aroukh (Orah’ Hayim chap. 302 § 3) énumère les conditions qu’une personne doit impérativement et simultanément remplir pour être autorisée à plier un vêtement le Chabbat. Il est nécessaire :
1- Qu’elle en ait besoin le jour même.
2- Qu’elle le plie toute seule sans l’aide de quiconque.
3- Qu’il s’agisse d’un vêtement neuf.
4- Que ce vêtement soit de couleur blanche.
5- Qu’elle n’ait pas d’autre vêtement que celui-là à mettre pendant Chabbat.
Il est clair que concernant le Talit, la condition n° 1 est impossible à remplir. En effet, après l’office du Chabbat matin, cette personne n’aura plus l’occasion d’utiliser le Talit avant le lendemain matin, voire jusqu’à la semaine d’après, si elle le réserve aux jours de Chabbat. Par conséquent, tout semble indiquer qu’il serait interdit de plier son Talit à l’issue de l’office du Chabbat matin. Malgré cela, certains décisionnaires, dont le Choulh’an Aroukh rapportent l’opinion (en précisant qu’elle est fondée et que l’on peut se reposer sur elle), et sont d’avis qu’il est permis de plier son Talit en dehors de ses plis habituels.
Cependant, il est important de noter que face à ce concert de décisionnaires allant dans le sens de l’interdiction de plier le Talit dans ses plis, une voix discordante se fait entendre, celle du Rav Chalom Messas zatsa”l. Celui-ci rapporte (cf. Chémèch Oumaguen Tome 2, chap.77) que de tous temps l’usage en vigueur au sein des communautés du Maroc était d’autoriser sans condition aucune le pliage du Talit pendant Chabbat. Il justifie cet usage en se basant sur les arguments suivants : d’une part, explique-t-il en rapportant le Kolbo, l’action de plier, telle qu’elle est décrite par le Talmud pour l’interdire pendant Chabbat, ne peut se comparer au pliage d’un Talit. Dans un cas, il s’agit d’une forme de repassage qui, à l’époque du Talmud, s’opérait au moyen d’une sorte d’appareil à repasser manuel, et qui avait pour objectif de marquer des plis jusqu’alors inexistants. En revanche, dans le cas qui nous occupe, lorsqu’on plie son Talit on ne fait que le remettre dans ses plis d’origine déjà existants sans en créer de nouveaux. D’autre part, poursuit-il, le Talit n’est pas un vêtement comme les autres. Étant un objet support de Mitsva, il est impératif de l’utiliser d’une manière correspondant à son statut particulier, en veillant à ce qu’il ne s’abîme pas, ce qui se produit lorsqu’on le laisse en boule jusqu’à la fin de Chabbat. Il convient de même, ainsi que l’explique le Or Letsion de le traiter avec respect, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on le laisse traîner entassé hors de ses plis. Enfin, dernier argument : selon le Ariza”l, il faut veiller à ne jamais laisser le Talit déplié lorsqu’on ne l’utilise pas car il se transforme alors en réceptacle à kélipot.
Cette autorisation donnée par le Rav Messas zatsa”l soulève le problème suivant : en pliant notre Talit le Chabbat, ne transgresse-t-on pas l’interdit de Hakhana consistant à faire pendant Chabbat un acte au bénéfice d’un jour de h’ol, dans notre cas plier pendant Chabbat notre Talit, ce qui nous évitera de le faire le soir même ou le lendemain ? Il me semble que tel n’est pas le cas. En effet, lorsque nous plions notre Talit pendant Chabbat, ce n’est nullement dans ce but, mais uniquement dans l’intention de lui éviter de se froisser et d’être traité d’une manière irrespectueuse, laquelle intention prend effet immédiatement, sans avoir à attendre le jour de h’ol qui suit.
Pour conclure : la majorité des décisionnaires étant d’avis qu’il est interdit de plier son Talit pendant Chabbat, c’est, en première intention leur avis qui a force de loi. Cependant, ceux qui ont l’usage de le remettre dans ses plis parce qu’ils se conforment au rite marocain peuvent s’appuyer sur la position du Rav Messas zatsa”l pour se l’autoriser.
Rav Azriel Cohen-Arazi
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