Après les péripéties qui ont marqué les quarante ans de leur traversée du désert, les Enfants d’Israël arrivent finalement aux portes d’Eretz Israël, et Dieu leur dit : « Vous chasserez les habitants du pays et vous vous y installerez, car c’est à vous que J’ai donné le pays, afin que vous en preniez possession[1] ».
Le Ramban explique que ce verset est à la source de l’obligation d’habiter en Israël : « Selon mon avis, il s’agit d’un commandement positif. Dieu nous ordonne de nous installer dans le pays et d’en prendre possession, car c’est Lui qui nous l’a donné et il n’est pas permis de mépriser l’héritage de Dieu et de s’installer dans une autre région. »
D’après Rachi, il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une promesse : si, à son arrivée en Eretz Israël, le peuple juif respecte l’ordre de Dieu d’en chasser les habitants idolâtres, alors Dieu promet que le peuple pourra s’installer définitivement dans le pays. Ainsi, pour Rachi, il n’y a pas à proprement parler d’obligation d’habiter en Israël.
Et pourtant, habiter en Israël est un fondement du judaïsme ; cela a constitué le premier devoir d’Abraham. Isaac n’a pas eu le droit de quitter le pays pour se chercher une épouse. Et, plus tard, dans le désert, la plus grave des fautes sera le refus des Enfants d’Israël de monter dans leur pays, refus sanctionné par la mort de toute cette génération. Comment comprendre une réaction aussi violente de Dieu, s’il ne s’agit que d’une promesse, d’un cadeau, et non d’une obligation ?
Et surtout, comment comprendre qu’il y ait une obligation de chasser les habitants du pays, mais non de s’y installer ensuite ? Rachi lui-même nous enseigne que la Thora a été donnée pour être appliquée en Eretz Israël. En dehors du pays, Dieu a ordonné de la respecter pour qu’elle ne soit point oubliée[2].
Pour répondre à ces questions, il faut réaliser ce que signifie une promesse de Dieu : « Dieu n’est pas un homme pour mentir, il n’est pas un fils d’Adam pour changer d’avis[3]. » Une promesse de Dieu se réalise certainement ; aussi, lorsque Dieu dit à Moïse de faire sortir d’Égypte les Enfants d’Israël, Il rappelle la promesse faite aux patriarches[4] : « Et je vous amènerai vers le pays que J’ai juré de donner à vos ancêtres, Abraham, Isaac et Jacob. » Par conséquent, quelles que soient les difficultés de l’entreprise ou le niveau spirituel du peuple juif, celui-ci sera délivré.
Ézéchiel développe cette idée en exprimant clairement que Dieu ramènera le peuple juif sur sa Terre pour que la renommée de Dieu ne soit pas profanée par des hommes qui diraient que Dieu n’a pas tenu Sa promesse : « Dieu m’a adressé la parole : Fils de l’homme, le peuple d’Israël était installé sur sa Terre. Ils l’ont rendue impure par leur comportement et leurs actions… Et J’ai versé ma colère contre eux… Je les ai alors dispersés parmi les peuples… Ils ont ainsi profané Mon saint Nom car les peuples ont dit : “Peut-il s’agir du peuple de Dieu et qu’il soit sorti de Son pays ?” Et J’ai eu pitié de Mon saint Nom que la maison d’Israël a profané parmi les nations dans lesquelles il s’est rendu. C’est pourquoi, Ézéchiel, dis aux Enfants d’Israël : “Ainsi, dit Dieu, ce n’est pas pour vous que Je vous sauve, Maison d’Israël, c’est pour la gloire de Mon saint Nom que vous avez profané parmi les nations[5].” »
« Tout est dans la main de Dieu, sauf la crainte de Dieu[6]. » L’homme a le libre-arbitre de respecter ou non les commandements divins. Dieu Lui-même ne forcera pas un homme à respecter le Chabbat ou à manger cachère.
Habiter en Israël n’est pas une mitzva. Lorsque Dieu le désire, l’homme ne peut se soustraire à Sa volonté. Dieu nous a donné comme commandement de chasser les habitants du pays, c’est-à-dire de préparer la mitzva ou la promesse de vivre en Eretz Israël. Mais Eretz Israël elle-même est au-dessus des commandements. Elle ne dépend pas de la seule volonté humaine. C’est pourquoi la faute des explorateurs est si grave : ils n’ont pas seulement désobéi à un commandement de Dieu, ils se sont opposés à Son dessein. L’histoire moderne du peuple juif montre qu’elle s’est faite par la volonté de certains hommes qui ont choisi, comme le Ramban l’avait enseigné, de s’installer en Israël. Mais elle s’est aussi faite par des événements historiques, comme les persécutions, qui ont amené les Juifs à devoir retourner dans leur pays, même si cela n’était pas leur désir profond. De même, le jeune État a été contraint par ses voisins à élargir ses frontières conformément aux promesses de Dieu aux patriarches.
Extrait de l’ouvrage du Rav Shaoul David Botschko: ”À la table de Chabbat”
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[1] Deutéronome xxxiii, 53.
[2] Rachi s/Deutéronome xi, 18.
[3] Nombres xxiii, 19.
[4] Exode vi, 8.
[5] Ézéchiel xxxvi, 16 sq.
[6] Bérakhot 33b.