Quelques jours après l’attentat perpétré dans un quartier animé de Vienne par un terroriste du groupe État islamique, LPH New s’est entretenu avec Mordechai Rodgold, ambassadeur d’Israël en Autriche, en poste depuis près d’un an. C’est sa quatrième mission diplomatique (après le Maroc, la Suisse et l’Italie), et la première en tant qu’ambassadeur. Il est également ambassadeur d’Israël auprès des organisations internationales qui ont leur siège à Vienne, troisième capitale onusienne après New York et Genève.
LPH New. Comment la crise du Covid-19 est-elle gérée en Autriche ?
Mordechai Rodgold. On peut mettre la situation autrichienne en parallèle avec celle d’Israël, car l’Autriche compte neuf millions d’habitants – ce sont donc des dimensions comparables. Au tout début de la crise, début mars, le Premier Ministre Netanyahou avait mis en garde le chancelier Kurtz contre le danger que représentait cette épidémie, et contre le manque d’une véritable prise de conscience de l’ampleur du fléau en Europe. L’Autriche a donc été l’un des tout premiers pays européens à entrer en confinement. Et en fait, la première vague a été combattue en Autriche de façon similaire à celle d’Israël, c’est-à-dire plus tôt que dans les autres pays d’Europe.
Au mois d’avril, le chancelier Kurtz a décidé de créer un groupe de consultation entre les chefs de gouvernement d’une dizaine de pays qui présentent des similarités dans leur confrontation avec le Corona. Il s’agit surtout de pays de taille moyenne : l’Autriche et Israël, la Norvège, le Danemark, la République tchèque, la Grèce, l’Australie, la Nouvelle Zélande, Singapour et le Costa Rica. Compte tenu des très bonnes relations diplomatiques entre l’Autriche est Israël – et notamment entre leurs deux Premiers ministres –, l’État hébreu en fait partie. Les chefs de gouvernement de ces pays se réunissent régulièrement en visioconférence pour mettre en commun leurs expériences dans la gestion de la crise sanitaire.
Êtes-vous sortis rapidement du premier confinement, comme nous l’avons fait en Israël ?
M.R. Non, nous en sommes sortis plus progressivement. Aujourd’hui, avec cette nouvelle vague, les chiffres sont de l’ordre de 6000 à 7000 infections par jour, et nous sommes reconfinés depuis le 3 novembre ; mais les magasins restent ouverts. Le gouvernement fait beaucoup d’efforts pour permettre à l’économie de fonctionner.
Quelles sont les relations entre l’Autriche et Israël ?
M.R. L’Autriche et Israël ont connu des hauts et des bas dans leurs relations durant les dernières décennies ; mais aujourd’hui, on peut dire que les relations diplomatiques sont au beau fixe.
Ce qu’il est intéressant de souligner, en ce qui concerne les relations entre Israël et l’Autriche, c’est que pendant plus de quarante ans après la guerre, l’Autriche a entretenu le mythe selon lequel elle aurait été « la première victime des nazis » – alors qu’elle avait accueilli Hitler à bras ouverts. Mais au début des années 90, l’Autriche a entamé un mouvement de changement radical par rapport à son passé, mouvement qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui. À présent, elle assume sa responsabilité dans la Shoah, et le Premier ministre actuel parle de culpabilité commune avec l’Allemagne ; c’est ce qui a permis d’assainir les relations entre l’Autriche et Israël. Il y a quelques mois, le Parlement autrichien a adopté à l’unanimité un texte qui condamne toute forme d’antisémitisme, y compris l’antisionisme et le BDS. Aujourd’hui, en Autriche, un antisémite n’a pas de représentation au Parlement.
Le second pilier des bonnes relations entre l’Autriche et Israël fait partie du programme de coalition entre le parti des conservateurs autrichiens et celui des verts, et il a été présenté par le chancelier Kurtz à Jérusalem en été 2018 : il s’agit de l’engagement de l’Autriche pour la sécurité d’Israël en tant que raison d’État, à l’instar de ce que l’Allemagne avait fait, et de la reconnaissance d’Israël comme État juif et démocratique.
Le dernier développement est tout récent : il y a à peine deux mois, l’Autriche a décidé de faire passer ses relations avec une demi-douzaine de pays, dont Israël, à un niveau de coopération stratégique, en particulier dans les domaines économiques et scientifiques, et dans celui des échanges entre les jeunes générations. Cette décision marque une étape déterminante dans les relations entre l’Autriche et Israël, et c’est le moment d’investir pour que ces relations restent aussi bonnes à l’avenir. On peut le garantir si l’on renforce les échanges entre les sociétés civiles : dans les domaines commerciaux et technologiques, en identifiant des intérêts communs, et dans le domaine des échanges entre les jeunes générations, en œuvrant à réduire les préjugés, en renforçant la connaissance mutuelle et l’amitié à long terme.
Le 2 novembre, à Vienne, une fusillade terroriste islamiste a fait plusieurs morts et des blessés. Quatre jours plus tard, le gouvernement autrichien a ordonné la fermeture de mosquées radicales. Quelle est l’atmosphère à Vienne après ces événements ?
M.R. Cela a été un grand choc. L’Autriche a été épargnée par ce type d’attentats ces dernières décennies – depuis le dernier attentat, il y a 35 ans, contre El Al, à l’aéroport de Vienne. Les autorités israéliennes ont présenté leurs condoléances aux familles des victimes et leur ont témoigné des marques de solidarité face à des menaces que nous, Israéliens, connaissons déjà trop bien. Tout en l’identifiant clairement comme un attentat islamiste, le chancelier Kurtz a bien précisé qu’il ne s’agissait pas d’un combat entre Autrichiens et migrants, ni entre les chrétiens et les musulmans, mais d’une attaque contre les valeurs de démocratie et de liberté de l’Autriche.
L’Autriche a-t-elle approuvé les démarches des accords de normalisation entre Israël et les Émirats, le Bahreïn et le Soudan ?
M.R. Le chancelier Kurtz a systématiquement été l’un des premiers à féliciter Israël pour ces accords. La position de l’Autriche est très claire : elle est partie prenante…
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