L’ex-otage Elia Cohen a raconté hier soir (mardi) sur la chaine N12 son enlèvement et sa captivité. Un témoignage bouleversant et effrayant.
Le 7 octobre, Elia et sa compagne Ziv sont arrivés vers 4h du matin sur le site du festival Nova. Ils profitaient de la fête quand les premiers missiles ont commencé à voler au-dessus de leur tête. Ils ont pris la décision de repartir. Mais les tirs étaient incessants et ils ont préféré s’arrêter sur la route, pour se mettre à l’abri.
Ziv et Elia se sont refugiés dans ce qui sera ensuite appelé »l’abri de la mort ». Sur les 27 jeunes qui s’étaient réfugiés dans cet abri, seuls 7 ont survécu. 16 ont été assassinés, 4 enlevés par les terroristes du Hamas.
Des terroristes ont encerclé l’abri et ont jeté des grenades à l’intérieur. Enar Shapira, z’l, était dans cet abri, il a courageusement renvoyé au moins 8 grenades lancées par les terroristes avant d’être assassiné. C’est aussi de cet abri qu’a été enlevé son ami, Hersh Polin-Goldberg, z’l, assassiné en captivité près d’un an plus tard.
»Je vois des corps autour de moi. J’en prends un pour me cacher dessous », témoigne Elia, »Au moins si des grenades explosent, nous serons protégés avec Ziv ».
A un certain moment, Elia ne croit pas qu’il va survivre. Ziv lui dit: »Au moins là-haut personne ne pourra nous séparer ». Elia commence à réciter »Shema Israël », il ouvre les yeux et voit trois terroristes: »Ils étaient avec leur téléphone et nous filmaient. Avec un sourire de fou sur le visage. Je n’oublierai jamais ce sourire. Je vais me coucher en le voyant et je vis en le voyant. C’est le sourire de mon enlèvement ».
Elia est enlevé par les terroristes. Ziv échappe miraculeusement. »J’ai vu les pick-ups et des dizaines de terroristes, je me suis demandé ce qu’il se passait: on est en Israël? Où suis-je? ». Pendant tout ce temps, Elia était persuadé que l’armée viendrait à leur secours, elle n’est jamais arrivée.
Elia comprend qu’il est en route pour Gaza : « J’entends leur joie, ils crient, s’agitent et exultent comme s’ils avaient gagné. Ils nous frappent violemment, nous assènent des coups de crosse à la tête, nous piétinent et nous crachent dessus », se souvient-il.
Avec eux se trouvait un autre otage, qui a tenté de s’échapper en sautant du véhicule. « Il a décidé de prendre la situation en main et a dit : ‘Je saute’. Nous lui avons dit ‘Ne fais pas ça’, mais en plein trajet, il l’a fait. Ils ont arrêté le pick-up et lui ont tiré dessus, le tuant sur le coup. Nous avons poursuivi notre route vers Gaza comme si de rien n’était. Comme si un homme ne venait pas de sauter et de se faire abattre, et nous avons continué à rouler. »
À son arrivée à Gaza, ils lui permettent de se doucher. « C’est à ce moment-là que, pour la première fois, je me vois dans un miroir depuis l’attaque. J’ai vu que j’étais couvert de sang, mon corps entier portait des lambeaux de peau brûlée. Je me suis regardé et je me suis dit : je n’arrive pas à croire que j’ai sur moi des morceaux de corps humains. »
Tout se passe pour lui en quelques secondes. « Je me ressaisis et me dis : il n’y a pas moyen que je ne rentre pas chez moi. Je leur donnerai ce qu’ils veulent et je serai en bons termes avec eux. »
Puis un homme, qui se présente comme médecin, arrive, examine sa blessure par balle. Il lui dit qu’il faut extraire la balle. Sans anesthésie. Juste avec un morceau de tissu coincé dans la bouche. « Interdiction de crier », lui ordonne-t-il. « Si les civils dehors t’entendent, ils entreront dans la maison, et je n’aurai aucun moyen de te protéger. »
Elia est détenu avec deux autres otages dont Alon Ohel. Ils n’ont pas le droit de communiquer entre eux, uniquement en chuchotant et en anglais.
Ils sont ensuite transférés dans un autre tunnel et les terroristes leur font croire qu’ils vont rentrer chez eux.
Puis, ils sont, pour la première fois, attachés avec des chaines, qui ne leur sont retirées que pour prendre une douche, une fois tous les deux mois.
»Elles sont attachées très serrées, elles te coupent les jambes. Aller aux toilettes te prend dix minutes », explique Elia, »On est attaché comme des singes. Pendant des mois entiers, nous avons eu les chaînes aux jambes. La seule situation où on te les enlève, c’est uniquement quand tu vas te doucher. Une fois tous les deux mois. Ils serraient volontairement les chaînes très fort. Tu as six maillons d’espace, et tout à coup, tu te retrouves avec trois ou quatre maillons », se souvient-il. « Il te les attache plus serrées aux jambes et il devient très difficile de dormir, car tes jambes sont coupées par le frottement. »
Pour Elia, comme en avaient témoigné d’autres anciens otages, le pire était la faim: »À la fin, tu peux supporter tout. Tu peux supporter l’humiliation, tu peux supporter les insultes, tu peux supporter les chaînes aux jambes. Mais la faim, c’est une lutte quotidienne, parce qu’au-delà du fait que tu as faim, tu te bats aussi pour ta survie. Chaque nuit, tu t’endors en te demandant : ‘Que vais-je faire demain pour obtenir ce morceau de pita ?' » ».
« Nous mangions un morceau de pita sec par jour avec deux cuillères de fèves ou de petits pois. Très souvent, ils jouaient avec nous à ce sujet. Iil y avait des moments où je priais Dieu pour que ce soit le cas. Que ce soit juste une pita sec avec deux cuillères de fèves. »
Ils pensaient que la nourriture arriverait chaque jour à trois heures, mais ce n’était pas le cas. Les terroristes les trompaient. « Soudain, ils apportaient moins. Tout d’un coup, au lieu d’une pita par personne, il y en avait trois pour tout le monde et ils te disaient : ‘Bon, partagez. Au pire, plus tard, je vous en apporterai une autre' », se souvient-il.
« Tu te retrouves à supplier – et ils en profitent », poursuit-il. « Ils savent qu’ils te laissent mourir de faim. »
Parfois, ils attendaient le moment où un terroriste était seul pour essayer de toucher son cœur : « Très souvent, ça marchait. Je n’ai pas de mots pour décrire cette sensation quand, tout à coup, tu arrives à l’émouvoir et qu’en silence, il entre dans la pièce et t’apporte une pita, une barre de chocolat ou un biscuit au beurre de cacahuète. C’est la meilleure chose qui te soit arrivée à ce moment-là, parce que tu as survécu un jour de plus. »
Elia refuse, malgré tout, de renoncer. Il pense à sa famille mais il est persuadé que sa compagne, Ziv, n’a pas survécu.
Elia raconte que les terroristes leur disaient que si Tsahal arrivait pour les sauver, ils les tueraient avant. Il raconte que les terroristes les traitaient encore plus mal quand un accord de trêve n’était pas signé ou quand les bombardements s’intensifiaient. Pour lui, le choix du gouvernement de relancer les combats met en danger les otages restants.
Il se souvient que quelques jours avant sa libération après les images qui ont choqué le monde entier d’Eli Sharabi et Or Lévy, considérablement amaigris lors de leur libération, les terroristes ont commencé à leur donner de la nourriture en quantité importante.
Lorsqu’il est libéré, Elia laisse derrière lui son ami Alon Ohel, gravement blessé aux yeux, qui ne faisait pas partie de cette vague de libération. »Je lui ai dit, je suis libéré aujourd’hui, toi la semaine prochaine. J’étais vraiment persuadé de ce que je disais ».