En 2002, Alexandre Aïss fonde la première institution pour adultes autistes en Israël, à Beth Shemesh : Eden Ohaley Yaacov. Déjà dans le domaine et à l’initiative de projets identiques en France, c’est sur notre terre que depuis 17 ans maintenant, il œuvre chaque jour, entouré d’une équipe hors du commun, pour proposer une structure et vie normale à ces personnes et par conséquent à leurs familles.
Le P’tit Hebdo: Sur quels principes fonctionne Eden Ohaley Yaacov?
Alexandre Aïss: Notre institution s’adresse aux adultes autistes, à partir de 21 ans. Jusqu’à cet âge, les personnes souffrant de ce trouble ont beaucoup d’options mais jusqu’il y a peu, il n’existait rien au-delà. Nous avons voulu proposer une structure adaptée qui tienne compte du niveau d’autonomie et de handicap de chacun. Eden Ohaley Yaacov, c’est quatre maisons, des soins adaptés et des activités tous les jours. L’autisme est un enfermement, donc nous nous employons à ouvrir au maximum les horizons de ces personnes par des activités autour des fêtes du calendrier, des rencontres avec des jeunes du Bné Akiva et beaucoup d’autres bénévoles.
Nos pensionnaires sont là pour le reste de leur vie et pour nous, il est fondamental de leur donner tout ce dont ils ont besoin : un soutien pour eux et leurs familles, de l’amour et l’accompagnement nécessaire. Nos équipes sont composées de psychologues, d’éducateurs et de travailleurs sociaux, assistés de bénévoles.
Lph: Ces jours-ci sort en France, le film ”Hors norme” de Nakache et Tolédano, qui parle, entre autres, de la difficulté de trouver et de former des personnes pour s’occuper d’autistes. Etes-vous aussi confronté à cela?
A.A.: Je connais personnellement Stéphane Benhamou, dont l’histoire inspire directement le film, puisque nous avons travaillé ensemble à la création de l’institution dont il est question. Trouver des gens qui ont un grand cœur et qui souhaitent s’occuper d’autistes, c’est possible. Ce qui complique les choses c’est que le grand cœur ne suffit pas, il faut une véritable formation. Cette rencontre entre l’éducateur et l’autiste est particulière.
Lph : Les familles, quant à elles, ne sont bien souvent pas formées à faire grandir un enfant autiste. Comment se passe son intégration et quel rapport entretient-il avec ses frères et sœurs ?
A.A. : Cela va d’abord dépendre de la pathologie. Il y a des degrés d’autisme plus compliqués à gérer et à assumer. Voir son frère qui se tape la tête contre un mur, n’est pas facile à appréhender.
Je dirais que l’essentiel va venir de la façon dont les parents vont parler avec leurs enfants de ce frère ou de cette sœur handicapé(e). Celui-ci appartient, à part entière, à la fratrie et ne doit pas non plus occuper toute la place. Il est important de conserver un équilibre entre les enfants, quitte à se faire aider afin que tout le poids ne retombe pas sur les frères et sœurs.
Lph : Dans votre activité quotidienne, quelles sont vos relations avec cette fratrie et la prend-on suffisamment en considération ?
A.A. : Le problème qui se pose, la plupart du temps, c’est après le décès des parents. Soudain, ce sont les frères et sœurs qui entrent dans le tableau et ce n’est pas forcément leur rôle de remplacer les parents. Ces derniers les avaient laissés en dehors pour les protéger et portaient, ainsi, l’entière responsabilité de l’enfant handicapé.
Même si une structure d’accueil existe, ces personnes ont besoin d’une famille. Pour notre part, nous travaillons avec la famille au sens large du terme.
La fratrie a certainement été un peu oubliée dans la prise en charge du handicap. Aujourd’hui, je pense que cela évolue. Un film comme ”A’h sheli guibor” a le mérite de faire parler du sujet et cela peut permettre de faire avancer les choses que ce soit au regard de la prise en considération des frères et sœurs et du handicap. L’association Alout organise des groupes de paroles pour les frères et sœurs. Et puis, il y a l’éducation. Je me rends beaucoup dans les écoles pour parler de l’autisme, c’est l’occasion de donner la parole à ces enfants qui grandissent avec un proche qui en souffre. Je les invite à s’exprimer parce qu’ils vivent dans une structure familiale modifiée et il est important de les écouter aussi.
Pour aller plus loin:
Alexandre: 054-7687705
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay