Le mardi 20 octobre sera célébrée la 19e hazkara du Rav Yehouda Léon Askenazi, Manitou, z”l. L’occasion pour nous de nous pencher sur ce qu’il reste de l’enseignement du Maître qui a, incontestablement, marqué la pensée juive de l’après-guerre. Pour cela nous nous sommes entretenus avec l’un des responsables de la Fondation Manitou, Haïm Rotenberg.
Le P’tit Hebdo : S’il fallait résumer l’essentiel de la pensée de Manitou, que retiendriez-vous ?
Haim Rotenberg : Ce qui représente le mieux l’enseignement de Manitou c’est d’abord l’idée que l’on appelle : « Goy Kadoch », un peuple saint. Manitou prônait non pas une identité juive mais une identité hébraïque. Pour lui, le retour en Israël, la fin de la galout se manifestait par un retour à notre qualité d’hébreu. Pour cela, il convient de fonder une société fondée sur les valeurs de la moralité et non pas de la légalité. Nous avons pu constater et nous constatons encore que la légalité va parfois à l’encontre de la moralité. La deuxième ligne essentielle de la pensée de Manitou est : « Mamle’het Cohanim », le fait que nous avons une mission universelle par rapport aux autres nations. Manitou a enseigné ces grandes lignes tout en étant conscient du fait qu’il s’agissait d’un processus historique mené par l’homme. De ce fait, il nous revient d’accomplir ce qui nous incombe en fonction de notre époque, il ne s’agit pas de remplir la mission de la génération précédente, qui n’a plus lieu d’être, ni celle de la génération suivante, ce qui serait prématuré. Toute la difficulté réside donc dans le fait d’agir non plus en tant que Juif en exil mais en tant qu’hébreu et de parvenir à identifier l’étape du processus identitaire dans laquelle nous nous trouvons.
LPH : Son message traverse donc les époques. La jeune génération aujourd’hui s’intéresse-t-elle à l’enseignement de Manitou ?
H.R. : C’est précisément ce qui est de plus en plus frappant : l’engouement de la jeune génération israélienne pour l’enseignement de Manitou. En effet, de plus en plus de rabbanim et d’élèves de yeshivot hesder ou de me’hinot découvrent Manitou grâce aux traductions en hébreu de ses ouvrages par le biais de la Fondation Manitou. Ils veulent approfondir ses enseignements si riches. En effet, Manitou pose la question de l’identité et ce message leur parle, notre époque est une quête d’identité. L’idéologie post-moderne oblige les gens à s’interroger sur eux-mêmes, à se définir. C’est aussi ce que nos ennemis nous poussent à faire : êtes-vous vraiment les Bne Israël, détenteurs de la terre d’Israël, nous demandent-ils ? Nous ne pouvons répondre à cela par des arguments sécuritaires, mais par une certitude sur notre identité profonde. Un Rosh Yeshiva est venu me trouver, il venait de découvrir Manitou, il m’a dit : « Comment ai-je fait pendant 30 ans sans ses enseignements ? Aujourd’hui, je sais comment soulever des questions que je n’osais pas aborder avant ».
LPH : Une nouvelle ère de l’enseignement de Manitou s’ouvre-t-elle ?
H.R. : Manitou n’a pas eu de successeur mais il a toujours eu des disciples qui ont diffusé son enseignement. Depuis quelques années, effectivement, ces derniers viennent d’horizons totalement différents et non plus tous du terreau de la communauté francophone. Ses clés d’analyse ont été développées au lendemain de la Shoah, Manitou n’a pas peur d’affronter la « question du mal ». Il a fait preuve d’une intelligence de son époque qui est toujours valable aujourd’hui. De plus en plus de personnes le comprennent et le découvrent. Et ce qu’ils découvrent les remet en question, c’est toute la force de notre Maître.
Hazkara
Le Mardi 20/10 à 19 heures
Synagogue Ohel Nehama, 3 Rue Chopin, Jérusalem
Guitel Ben-Ishay