A l’occasion de la journée internationale du souvenir de la Shoah, les Archives de l’État d’Israël ont téléchargé l’une de leurs collections les plus intéressantes sur un moteur de recherche avancé, ce qui permettra une recherche plus facile et une localisation plus rapide des informations dans les documents préparés en prévision du procès Eichmann. La collection, qui avait été précédemment révélée par les Archives de l’État d’Israël, est à nouveau proposée au public d’une manière qui facilitera une enquête indépendante et devrait être émouvante et déchirante. La collection, les documents du « Bureau 06 », qui ont été collectés par la police israélienne lors des préparatifs du procès d’Adolf Eichmann en 1961 en Israël, comprend des dossiers judiciaires et de la correspondance entre le bureau du procureur de l’État et David Ben Gourion.
En tout ce sont 380 000 pages de témoignages, de correspondances, de listes et de photographies qui sont mises à la disposition du public.
Les documents ont été numérisés avec la possibilité une recherche avancée par mots, noms, lieux, événements et dates, et permettant également leur traduction via un outil de traduction automatique.
La consultation des documents au moyen de ce système constitue une avancée significative pour rendre le matériel d’archives et historique plus accessible au grand public, et permet aux familles des survivants de la Shoah de rechercher les histoires personnelles de leurs proches, parfois écrites de leur propre main.
Les documents sont disponibles sur le site Web des Archives de l’État d’Israël à l’adresse https://catalog.archives.gov.il/site/
Parmi les documents, on trouve le témoignage complet de Yechiel De-Nur (Ka-Tsetnik), qui a fait un malaise pendant le procès Eichmann et n’a pas pu finir son récit devant le tribunal. Cependant, lors de son témoignage devant un fonctionnaire de police, Ka-Tsetnik a parlé des terribles journées à Auschwitz et de sa rencontre glaçante avec Eichmann.
Sur son arrivée à Auschwitz, Ka-Tsetnik a témoigné (pp. 2-3) : »J’ai aussi vu l’officier de la Gestapo Dreier. Il apparaissait surtout quand un train de marchandises amenait un chargement de gens à un endroit central près de la gare. On nous faisait entrer dans le wagon à coups de poing et de balles dans la foule, on nous poussait de telle manière que nous ne pouvions plus respirer à l’intérieur. Il y avait des gens sous nos pieds et au-dessus de nos têtes. Je savais qu’on nous emmenait à Auschwitz… Nous savions qu’on nous menait à la mort mais nous ne savions pas quelle forme prendrait la mort dans cet endroit appelé Auschwitz. Même si la distance jusqu’à Auschwitz n’était pas supérieure à 40 kilomètres au total, quand nous sommes arrivés à la gare d’Auschwitz, la moitié des personnes dans le wagon n’étaient plus en vie. Si nous avions continué pendant une demi-heure de plus dans ces conditions, personne n’aurait survécu… Nous sommes passés devant un groupe de SS qui procédaient à une sélection et l’un d’eux indiquait où chacun devait aller. Ceux qui allaient à droite étaient chargés dans des camions et, comme je l’ai su après, étaient conduits directement à la mort. Ceux qui allaient à gauche, moi y compris, étaient ensuite alignés en rangs et, après la sélection, conduits vers Birkenau à la tombée de la nuit. De loin, j’ai vu de hautes cheminées d’où sortaient d’épaisses fumées avec des étincelles. Une rumeur courait dans le ghetto selon laquelle à Auschwitz, on vous mettait à mort au gaz, puis on vous brûlait. En vérité, nous ne pouvions pas le croire, mais la rumeur existait. Lorsque j’ai vu la cheminée de loin et que j’ai vu que nous marchions vers elle, il m’est apparu clairement que c’était notre dernière marche et que nous marchions vers la mort. Cependant, l’étincelle de vie qui était en chacun de nous ne nous permettait pas d’accepter finalement cette pensée ».
Ka-Tsetnik a raconté sa rencontre avec Eichman: « On m’a fait attendre à la porte en face du bureau central, d’où est sorti un officier SS, le même officier qui a déchiré mes papiers quand j’étais avec Dreier. Des fonctionnaires du bâtiment se sont postés à l’extérieur pour ne pas être à l’intérieur pendant la visite des « sonderkommandos ». J’ai entendu le nom d’Adolf Eichmann pour la première fois, et les fonctionnaires ont montré du doigt le même officier et ont dit que c’était Eichmann. Dreier est sorti du bâtiment avec Eichmann ainsi que plusieurs membres de la Gestapo locale dont les noms étaient connus des gens du ghetto. Quelques jours plus tard, lors d’une conversation avec l’un d’eux, il m’a dit, entre autres, que l’officier de la Gestapo qui avait visité le bâtiment avec Dreier était Adolf Eichmann. Je dois souligner que lorsque j’étais avec Dreier, c’est surtout le regard d’Eichamn qui s’est gravé dans ma mémoire. Son regard était hypnotique et terrifiant. Je regardais son visage et je ne voyais que ses yeux. Je ne pourrai jamais oublier ce regard. Il me semblait que l’homme me regardait à travers les trous de la tête de mort sur son képi ».
Vidéo du témoignage de Ka-Tsenik: à la 9e minute, il fait un malaise