Une collection de plaques d’ivoire de l’époque du Premier Temple, parmi les rares retrouvées dans le monde et les seules à Jérusalem, a été mis au jour lors des fouilles de la Cité de David, menées sous la direction du Prof. Yuval Gadot du Département d’archéologie de l’Université de Tel-Aviv, en collaboration avec l’Autorité des Antiquités d’Israël. Reconstituées à partir de plus de 1500 fragments découverts dans les ruines d’une grande bâtisse remontant au 7e et 8e siècles avant JC, période du royaume de Judée, elles décoraient alors des meubles de grande taille, comme des lits, des portes, et peut-être même un trône.
Les minuscules fragments ont été retrouvés sur le « parking Givati » de la Cité de David, dans le Parc national au pied des murailles de Jérusalem, dans les ruines d’un impressionnant bâtiment détruit par le feu, probablement lors de l’incendie de la ville et la destruction du Temple par les Babyloniens, en 586 av. J.C. Le bâtiment lui-même remonte selon les archéologues aux 7e et 8e siècles avant notre ère, à l’apogée du royaume de Judée qui coexistait alors avec le royaume d’Israël en Samarie.
Importées d’Assyrie
Réassemblés par l’équipe de conservation de l’Autorité des Antiquités d’Israël, les fragments ont révélé les restes de douze plaques d’ivoire carrées d’environ cinq centimètres de côté et de cinq millimètres d’épaisseur, ornées de rosaces, de plantes et de formes géométriques. L’une d’entre elle est gravée de roses avec un arbre stylisé au centre, d’autres sont décorées de fleurs de lotus. Selon le Dr. Ido Koch et la doctorante Reli Avisar du Département d’archéologie de l’Université de Tel-Aviv, qui ont étudié les representations incrustées sur les plaques, les rosaces et les fleurs de lotus étaient des symboles répandus dans les grands centres culturels de l’Orient ancien, notamment le royaume d’Assyrie.
« Le processus de fabrication de ces éléments était très compliqué et demandaient une grande habileté et un savoir-faire sophistiqué, c’est pourquoi nous pensons qu’elles ont été importées d’Assyrie, où les artistes se trouvaient dans la cour des rois », explique Reli Avisar. « La rosette était un symbole des rois assyriens, que l’on retrouve sur leurs vêtements et dans l’architecture. Elle a pénétré en Judée à la fin de la période du Premier temple, à partir de la 2ème moitié du 8ème siècle avant JC. alors que le royaume était sous la domination de l’empire assyrien, et était le fait de l’élite. On la retrouve comme sur des sceaux de cette période trouvés en Judée servant à sceller les cruches et à marquer leur contenu comme appartenant à la maison royale ».
L’élite de Jérusalem
Selon les chercheurs, la bâtisse faisait partie d’un groupe de bâtiments qui entouraient le palais, et appartenait à un membre de l’élite de Jérusalem, peut-être un prêtre, un ministre, ou un membre de la famille royale. Les plaques étaient incrustées dans des meubles de bois utilisés par les occupants du bâtiment, chaise, fauteuil ou porte, probablement situés dans sa pièce la plus luxueuse. L’ivoire lui-même, explique le Prof. Gadot, provenait de la défense d’un éléphant africain : « Il a été amené d’Afrique en Assyrie où les plaques ont été produites. Elles sont arrivées en Judée comme des objets précieux qui servaient de cadeaux entre les hauts dignitaires du gouvernement ».
Des objets de ce type ont été retrouvés dans d’autres capitales des grands royaumes de l’époque, tels que Nimrod, capitale de l’Assyrie, ou Samarie, capitale du royaume d’Israël. « Les artefacts en ivoire sont très rares dans des contextes archéologiques », explique le Dr. Yiftach Shalev, de l’Autorité des Antiquités d’Israël. « On en a retrouvé très peu dans le monde, et ce sont les premiers de ce type trouvés à Jérusalem ».
La centralité de Jérusalem dans la région
L’ivoire n’est mentionné que rarement dans la Bible, et toujours s’agissant de rois ou en référence à une grande richesse. Par exemple dans la description du trône de Salomon (Premier livre des Rois 10 :18) : « Le roi fit aussi faire un grand trône d’ivoire, qu’on recouvrit d’or pur » ; le palais d’ivoire que le roi Achab fit construire en Samarie (Premier Livre des Rois 22: 39) ; ou les reproches du prophète Amos à l’aristocratie d’Israël : « Couchés sur des lits d’ivoire, étendus sur leurs divans, nourris d’agneau choisis dans le troupeau, de veaux mis à l’engrais » (Amos 6:4).
D’autres découvertes faites sur site témoignent également de l’importance du bâtiment et de la richess de ses occupants : une cruche qui a contenu du vin aromatisé à la vanille, un sceau en agate, une empreinte de sceau avec le nom « Nathanmelech », ainsi que des éléments décorés en pierre.
« L’importance et la centralité de Jérusalem dans la région à l’époque du Premier Temple nous étaient déjà connues dans le passé, mais nous n’imaginions pas que nous allions trouver ce type d’artefacts au cours de nos fouilles », a déclaré le Prof. Gadot. « Cette nouvelle découverte nous montre à quel point la ville était importante, au même niveau que les autres capitales de l’Assyrie et du Royaume d’Israël. Elle constitue un nouvel élément de la compréhension du statut politique et économique de la Jérusalem, dans le cadre du système d’administration et d’économie mondiale de l’époque ».