Avec la parachat Mikets, la Torah aborde pour la première fois, le thème du rêve de personnes n’appartenant pas au peuple d’Israël. En effet, jusqu’ici les rêves dont la Torah nous parle, sont ceux ayant un rapport direct avec l’histoire, le devenir du peuple juif. En premier lieu, quand Avraham fait une alliance : “brith ben habétarim”, il est pris d’une torpeur, rêve et D-ieu lui annonce suite à ce rêve que sa descendance partira en exil. Puis Yaacov, à son tour rêve d’une échelle sur laquelle des anges montent puis descendent. De fait quand les royautés sont puissantes, Israël est en exil. Puis viennent les rêves de Yossef, appelé par ses frères “בעל החלומות” “ le maître des rêves “. Remarquons au passage que, seul Its’hak, ne rêve pas. Tout comme Avraham et Yaacov, les rêves de Yossef concernent le devenir d’Israël.
Et puis, dans notre paracha, la Torah nous rapporte les rêves de Pharaon, à la suite de ceux du Maître Échanson et du Maître Panetier.
La question se pose, en quoi ces rêves nous concernent-ils ? Sont-ils porteurs comme les rêves ci-dessus cités d’un message pour Israël ?
Pharaon se rappelle de ses rêves dans leurs détails, il sait que c’est important et il est hautement perturbé, seul problème, il est incapable de les comprendre et de les traduire. Et là va intervenir le Tzadik : Yossef, “le maître des rêves”, qui va expliquer le message Divin caché dans ses rêves. Mais auparavant il précisera “au Créateur appartient la solution” oui, la réponse je vais te la donner, mais je ne suis qu’un messager, car ce monde cache une force suprême qu’il est difficile de saisir.
En effet, l’exil est un rêve comme le dit le passouk (tehilim 126) : ”Cantique des degrés. Quand l’Eternel ramena les captifs de Sion, nous étions comme des rêveurs”. Ce passouk vient nous dire que le rêve est un moment de réalité à l’intérieur du rêve de notre vie pendant l’exil. D’où le fait que les rêves d’Avraham, de Yaakov et de Yossef, sont tous porteurs à la fois d’un message d’exil à venir et aussi de délivrance. L’exil, tout comme le monde, est un voile, un rêve éveillé. Sa fin? Quand nous nous réveillerons, demandant au Créateur de mettre fin à l’exil.
Pour en revenir à notre question première : pourquoi la Torah nous rapporte le rêve de personnes tels que Pharaon, ses serviteurs? Comme nous venons de l’expliquer si les rêves d’Avraham, Yaacov et Yossef viennent nous révéler le futur du peuple juif, il y a des rêves dont la fonction principale est de mettre en œuvre ce devenir, c’est-à-dire, faire avancer l’histoire. Suite aux rêves des serviteurs de Pharaon, Yossef acquiert une réputation de pouvoir interpréter les rêves. Suite aux rêves de Pharaon, Yossef sortira de prison et sera doté des moyens permettant à la maison de Yaacov de venir s’installer en Egypte. La réponse à notre question est que le rêve des goyim a pour fonction essentielle de nous réveiller de notre torpeur et de nous donner l’opportunité de réaliser notre destin conformément au projet divin.
Ce même phénomène, enchaînement de l’histoire, se retrouve au temps du second exil. En effet dans la Meguilat Esther il est écrit “et cette nuit-là le sommeil du roi fut perturbé”, selon Rashi, ce dernier a commencé à s’imaginer des choses au sujet d’Aman, pensant même que ce dernier essayait de l’éliminer pour lui prendre Esther. A’hachveroche rêve éveillé, et de fait tout va basculer à partir de ces mots fatidiques “et cette nuit-là le sommeil du Roi fut perturbé” au point que la coutume veut, “parce que c’est l’essentiel du miracle”, que le ‘hazan élève la voix uniquement et spécialement à la lecture de ces mots. Suite à son rêve, Mordehaï accédera au rang de conseiller du roi et en administrera les 127 provinces. Et de là se mettra en marche l’histoire pour aboutir aux retours des exilés et de la construction du second Beth Hamikdache.
Et si le monde dans lequel nous vivons n’était qu’une illusion, un rêve duquel nous ne pouvons nous réveiller que quand les goyim rêveront et nous annonceront par là même la fin de notre exil, lorsqu’ils exprimeront eux-mêmes la nécessité d’une humanité plus juste sans discrimination raciale, basée sur l’unité humaine, cette même unité perdue lors de la tour de Babel. Car D-ieu lui-même réalise ce prodige, comme le promet le prophète Tsephania :
“צפניה ג ט: »כִּי אָז אֶהְפֹּךְ אֶל עַמִּים שָׂפָה בְרוּרָה לִקְרֹא כֻלָּם בְּשֵׁם ה’ לְעָבְדוֹ שְׁכֶם אֶחָד.
“Et je transformerai les peuples en leur faisant parler une langue claire pour proclamer D-ieu et le servir d’une même épaule”.
La première étape passait par la reprise de Jérusalem et sa réunification, c’est ce qui se passa en 1967, suite à la guerre des Six Jours, “D-ieu dit je ne me révélerai dans la Jérusalem d’en haut qu’après m’être révélé dans celle d’en bas” (Taanit 5).
En espérant que le sommeil du Roi des Rois soit de nouveau “perturbé” au point qu’il décide de bouleverser les événements en précipitant la chute des rois mécréants et le dévoilement de la splendeur du peuple d’Israël et de son Beth Hamikdash, et alors… nous nous réveillerons véritablement à la réalité tant attendue et nous pourrons alors dire, en revenant à Sion, “nous étions comme des rêveurs”.
Itshak Peretz