A la mémoire de Yaakov H’ayim (Jean-Claude) ben Eliahou et Rah’ama Niddam
- Se faire juger, c’est mourir intérieurement !
Le Talmud (TB Berah’ot 58b) dit que si l’on ne voit pas son ami durant douze mois, on récitera la bénédiction de la résurrection des morts : “barouh’ meh’ayé hametim“.
Le MaharShA (Rav Shmuel Adeles, 1555-1632) explique que c’est parce qu’en douze mois, Rosh HaShana et Kippour sont passés : “puisque chaque année l’homme est jugé à Rosh HaShana et Yom Kippour s’il va mourir ou vivre”, et si son ami le voit après cela, étant donné qu’il aura passé un “jugement”, on pourra considérer qu’il “fut mort” puis “revint à la vie”. Il semble dire ici qu’il y a un aspect de “mort” dans la fête de Rosh HaShana, dans l’idée même de jugement (yom hadin). Yom Kippour nous “ramènerait à la vie”, correspondant à la kapara (pardon Divin), alors accordée. Ainsi, l’essence de Rosh HaShana serait le jugement Divin qui serait pour nous comme une certaine perte de vitalité, comme une mort !
Toutefois, comme noté par le Maharal, cette notion de jugement n’apparaît pas dans la Torah (Tifferet Israël, chap. 27) ; on ne pourrait pas fixer une “fête” (mo’ëd) selon cela – le jugement évoquant peur, crainte et une fête doit être joyeuse !
- L’Automne des pleurs
Dans Néh’émia (8, 9) nous lisons l’injonction au Peuple concernant Rosh HaShana : “Ce jour est consacré à l’Eternel, votre Dieu ; ne manifestez pas de deuil et ne pleurez point !”, comme si le Peuple ressentait naturellement qu’il devait pleurer sa propre mort intérieure… De là, on apprend qu’il serait interdit de pleurer à Rosh HaShana (Ma’asseh Rav, §207 ; Yeh’ave Da’at II, §69) !
En outre, il est de notoriété que le Ari pleurait et disait que quiconque n’éprouvait aucune larme en ce jour – n’avait pas une âme intègre (Shaar HaKavanot 90a).
Le Rav Yossef Zoundel Salant (Lettres, p. 113) résout la contradiction en distinguant entre des pleurs naturels, et le fait de se forcer à pleurer, alors interdit. En outre, de nombreux rabbins disent qu’il faut
III. Fête ambiguë
D’une part, nous sommes heureux, car c’est un jour de fête, fixé par la Torah (cf. Torat Kohanim, par. 11), mais d’autre part, cela reste un jour “tendu”, de jugement où il faudrait pleurer ?!
Pour résoudre cette tension, Rav Netronai Gaon (cf. Tour OH 597) proposa de fêter le premier jour et de jeûner le deuxième (mais son avis n’a pas été retenu). Il reste des “traces” de cette “tension”. Ainsi, ce serait pour cette raison, écrit le Mishna Beroura (188,19) que l’on ne dit pas dans la prière de Rosh HaShana – “lessasson oulesimh’a” ; le Shoulh’an Arouh’ permet (OH 597,2) de continuer l’usage, pour ceux qui l’ont, de jeûner à Rosh HaShana, ou encore l’Agouda (Rosh HaShana IV, 21) tranche qu’on n’a pas le droit de trop manger à Rosh HaShana…
- Entre libération collective et joug individuel
Nos Sages nous enseignent (TB Rosh HaShana 10b) que la joie de ce jour est le fait de la libération des esclaves – nos ancêtres arrêtèrent alors de travailler en Egypte – tout en y résidant encore. Ainsi, les esclaves étaient “libérés” entre Rosh HaShana et Kippour mais ne pouvaient toutefois pas rentrer chez eux (id. 8b).
Etat d’entre-deux ; de tension entre liberté et joug – entre joie et jugement Divin.
Rav Shlomo Kluger (1785-1869) explique que nous fêtons à Rosh HaShana uniquement la délivrance générale du Peuple Juif, assurée ; celle, individuelle, attendra Yom Kippour, alors, on connaitra une “résurrection”.
Ktiva veh’atima tova !
Rav Samuel Elikan