Il y a quelques mois nous avons rencontré une suite de nombres assez particulière, appelée suite de Fibonacci. Les deux premiers éléments de cette suite, notés et sont égaux à 1, puis chaque élément est la somme des deux précédents : 1+1=2, 1+2=3, 2+3=5, etc. On aura donc la suite de nombres 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, 233, 377, 610, 987, 1597, 2584, 4181, 6765, 10946,…
L’ubiquité de cette suite dans la nature est très intrigante. On la retrouve à toutes les échelles, depuis la structure de certaines galaxies jusqu’aux nautiles, en passant par la botanique. L’arum a un pétale, l’iris en a trois, les marguerites en ont 21. Les graines des fleurs de tournesol et les pétales du dahlia sont organisées en spirales contenant chacune un nombre de graines qui est un nombre de Fibonacci.
Le Rav Yossef Gicatilia enseigne que les différents niveaux d’existence (des plus inferieurs jusqu’à D.) forment un continuum. Nous devons retrouver ces nombres de Fibonacci à un niveau supérieur à celui d’une simple description du minéral, du végétal et de l’animal.
Pour cela, voyons des exemples venant de la Parachat de Yitro, celle du don de la Torah, selon les explications de Rav Yitzhak Ginsburg. Notons d’abord que les premiers nombres de Fibonacci apparaissent avec les valeurs numériques des lettres du mot אהבה – amour (א=1, ב=2, א+ב=3, ה=5, etc.)
La Paracha de Yitro est la 17e dans la Torah et elle contient 72 versets. Les nombres 17 et 72 sont les valeurs numériques de טוב et de חסד respectivement. Ce ne sont pas des nombres de Fibonacci, mais leurs doubles le sont : 34 est le 9e élément de la suite, 144 en est le 12e.
Considérons maintenant leur somme 72+17=89 (c’est le 11e terme de la suite de Fibonacci !) et leur différence 72-17=85 (c’est le 10e terme de la suite !).
En fait ce ne sont que deux exemples de propriétés générales : prenons deux nombres de Fibonacci à des places distantes de 3 (comme le 9e et le 12e dans notre exemple), leur demi-somme et leur demi-différence sont aussi des nombres de Fibonacci. De plus, en sautant de trois places dans la suite, on passe toujours d’un nombre pair à un nombre pair et d’un nombre impair à un nombre impair. Curieux, 3 est aussi un nombre de Fibonacci.
Réfléchissons un instant à ce qu’une telle propriété peut nous indiquer. Nous avons évoqué plus haut l’ubiquité de ces nombres dans la nature. Cest une description « extérieure ». Nous constatons maintenant une « unité interne » de la Création.
Allons voir plus loin. Tous les matins, nous récitons le verset « Tu aimeras l’Eternel ton D. » . Par ailleurs, l’amour de D. pour Son peuple se manifeste dans l’inversion des malédictions de Bil’am en bénédictions (Devarim 23,6). Nous avons 2 fois אהבה et 2 fois 13 font 26, la valeur numérique du Tétragramme. Les trois lettres fondamentales י-ה-ו (la lettre ה apparaît deux fois) ont pour valeur totale 21, c’est-à-dire.
Des sauts de 7 dans la suite de Fibonacci donneront toujours des multiples de 13: le 7e nombre est égal à 13, le 14e est égal à 377, c’est-à-dire 29 fois 13, le 21e est égal a 10946, c’est-à-dire 421 fois 26 donc 421 fois 13 fois 2. En fait on a toujours des multiples de 26, quand le nombre de Fibonacci considéré est pair. Et là, nous allons trouver un lien inattendu : le carré de 17 additionné au carré de 72 donne 10946.
Nous avons déjà rencontré 17=טוב, 72=חסד et 26 pour Le Nom Ineffable. Alors, on joue au 421? Ça tient du prodige ? Seul Obelix pense que ça ne prendra pas..
Le nombre 421 est la valeur numérique du verset (Berechit 6,8) :ה’ וְנֹחַ מָצָא חֵן בְּעֵינֵי = et Noa’h a trouvé grâce aux yeux de D. Les mots נח et חן sont formés des mêmes lettres, en miroir (et leur valeur numerique commune est 58, somme de 3 et 55 qui sont des nombres de Fibonacci). L’amour de D. pour Son peuple et l’amour du Peuple Juif pour son D. sont symétriques. Voir aussi Devarim 26,17-18. Ils sont ensemble une expression de טוב et חסד (élevés au carré, puisque fonctionnant dans les deux sens, ensemble).
Une remarque en guise de conclusion provisoire: il y a 7 mois nous avons parlé de la façon dont nos Sages considèrent les calculs de Gematria. Loin d’être un simple « jeu d’écriture », ces calculs sont un outil fécond de compréhension et de découverte de liens internes dans le monde de la Torah. Ils doivent « simplement » nous être transmis par des ‘Hakhamim.
Professeur Noah Dana-Picard