LPH New. Professeur Gabriel Isbicki, où s’est-on trompé pour en arriver à une telle situation sanitaire ? Qu’aurait-on dû faire à la levée du confinement général ?
Professeur Gabriel Isbicki. Israël avait bien démarré, en prenant les bonnes mesures, et les chiffres étaient là pour le prouver au début de la pandémie. Mais lorsque la situation s’est améliorée, il y a eu une levée beaucoup trop rapide et trop large des mesures de restriction. Au mois de mai, j’ai été interviewé sur plusieurs chaînes de télévision et de radio francophones et israéliennes ; j’ai dit que ce relâchement était trop rapide et qu’il fallait procéder par phases. On ne peut pas revenir à une situation normale du jour au lendemain.
Et pourquoi a-t-on agi ainsi ? Par ignorance ? Sous l’effet de pressions ?
D.G.I. D’abord à cause des pressions, et d’autre part parce que le nombre de spécialistes dans la cellule de crise était insuffisant. Il y avait trop de politiciens et pas assez de médecins, et il a été très difficile de lutter contre les pressions économiques. Il est certain que l’on ne peut pas laisser les gens dépérir ; il faut qu’ils puissent survivre.
Le professeur Gamzou a conçu un très bon programme de zones et de couleurs différentes : les « feux » (ramzor) rouge, orange, jaune et vert. Cela permet de voir quelles villes, quelles régions, quels quartiers sont à plus ou moins haut risque, et d’adapter les directives en conséquence : dans les régions rouges et orange, imposer un confinement total, et dans les régions jaunes et vertes, laisser plus de liberté.
Mais n’est-ce pas Gamzou, qui est médecin, qui décide ?
D.G.I. Non. Lui propose, mais c’est le monde politique qui décide. Je pense que le système Ramzor était très bon, mais il n’est pas mené jusqu’au bout, je ne sais pas pour quelle raison. Personnellement, c’est ce système que je ferais appliquer. Au lieu de quoi on réagit en se laissant guider par la panique.
Comment expliquez-vous que les différents secteurs de la population ne soient pas prêts à suivre ?
D.G.I. Les gens me disent qu’ils comprennent qu’il y a des dangers médicaux, mais qu’il y a également des dangers religieux, spirituels, qui sont encore plus graves. Certains milieux ‘haredim ont fait très attention, et d’autres absolument pas. Les non-religieux, eux, ne sont pas prêts à renoncer à aller manifester, car ils considèrent que c’est un droit fondamental en démocratie, et chez les Arabes, il y a eu également de très grands mariages.
Donc le problème général, c’est l’ignorance ?
D.G.I. Je pense que c’est plutôt le refus de voir la réalité en face. Tout le monde est au courant des ravages qu’a faits cette maladie à travers le monde. Après le confinement général, j’ai été surpris, lors d’une sortie au restaurant, de voir des cuisiniers sans masque en cuisine : ces mêmes restaurants qui réclamaient la réouverture à corps et à cris ne respectent donc pas les consignes !
Je pense que tout cela tient à un manque de transparence et de logique…