Depuis que je suis née, j’ai été bercée par la politique. Mon grand-père, Felix Scemama, qui possédait un magasin de journaux Avenue de Paris, à Tunis, avant d’immigrer en France, me demandait chaque après-midi d’aller acheter le journal Libération. Ensemble, nous le décortiquions ; ensemble, nous critiquions Mitterrand, et Chevènement, et surtout, surtout Valery Giscard D’Estaing!
Chez mes parents, idem. Des conversations sans fin sur le rôle de la politique dans le quotidien des habitants d’un pays, sur ses limites, sur ses possibilités.
Arrivée en Israël, quelques années avant les accords d’Oslo, cette passion ne m’a pas quittée. Bien au contraire ! C’est ici que j’ai compris que la politique peut décider du sort d’un pays, de l’avenir de personnes.
Si je me suis lancée dans le journalisme, c’est aussi pour pouvoir enfin parler de coalition, d’opposition, de projets de loi et de motions de censure en dehors du cercle familial.
Et puis, il y a cinq ans, je me suis lancée. Le maire de la localité d’Eli, où je vis depuis 2005, m’a proposée de rejoindre son équipe et de siéger au sein du conseil municipal.
J’ai dit oui, parce que je sentais que j’avais quelque chose à apporter autour de la table où se décident les choses. J’ai dit oui parce que je savais que de nombreuses personnes n’arrivaient pas à faire entendre leur voix : Olim de France, retraités, utilisateurs des transports en commun, jeunesse pas forcément ”mainstream”, traditionnalistes, non religieux…
Ces personnes ont besoin qu’on les écoute d’abord, ensuite qu’on leur serve de porte-parole. Mais surtout, elles ont besoin qu’on prenne en compte leurs besoins spécifiques. Parce que si personne n’est là pour les décrire, pour faire prendre conscience qu’un Olé de France fraîchement arrivé dans un yishouv n’a pas les mêmes besoins qu’un Olé d’Ukraine, pour s’assurer que les enfants qui ne participent pas forcément aux activités des mouvements de jeunesse trouvent quand même leur place au sein de la jeunesse de la localité, eh bien le changement n’arrivera pas !
Pendant cinq ans, j’ai aidé du mieux que j’ai pu les habitants d’Eli, francophones et non-francophones, et j’ai fait entendre ma voix et la leur à chaque occasion. Mais j’ai aussi découvert les limites de cet engagement : dans une localité liée à un conseil régional, la marge d’action est très limitée. Les budgets alloués sont quasiment intouchables et c’est donc à la source que j’ai voulu aller.
C’est la raison pour laquelle je me lance aujourd’hui dans une nouvelle aventure qui, je l’espère, portera ses fruits le 30 octobre prochain. J’ai déposé ma candidature au poste de conseillère régional de la Moatsa (région) de Binyamin, au nord de Jérusalem, la plus grande Moasta du pays avec 57.000 habitants. Ce sont tous les habitants d’Eli qui devront décider si je suis à même de les représenter autour d’une table beaucoup plus large, à l’impact bien plus important.
Cet engagement bénévole, je le prends parce que je crois profondément que les Olim de France, arrivés comme moi il y a presque trente ans, ou plus récemment, doivent absolument s’impliquer dans la vie politique du pays. Ce message, porté depuis maintenant presque un an par le mouvement Aleinou, dont je suis fière de faire partie, est une bouffée d’air frais pour le paysage francophone israélien.
Les Olim de France doivent grimper dans la “galère” politique israélienne pour qu’elle arrive à bon port. Ils doivent s’engager parce que dans ce pays magique, même la politique a quelque chose de sacré…
Laly Derai
Crédit photo: Vered Méïri