Depuis le drame du 7 octobre, tout le monde en Israël s’accorde sur le fait qu’une commission d’enquête doit être créée afin d’examiner les défaillances qui ont permis ces événements tragiques et de tirer les leçons qui doivent l’être.
Le débat porte sur la nature de cette commission. Il existe une loi qui permet la création d’une commission d’enquête étatique lors de défaillances de l’Etat. C’est le gouvernement qui décide de sa création et elle est formée par le président de la Cour suprême qui en choisit ses membres.
Compte-tenu des relations que l’on peut qualifier d’hostiles entre le gouvernement et le président de la Cour suprême en particulier mais aussi le système judiciaire en général, la coalition refuse qu’une telle commission enquête pour la simple et bonne raison qu’elle considère qu’elle sera biaisée dès le départ. En outre, beaucoup en Israël estiment que l’attitude des juges eux-mêmes avant le 7 octobre, à travers des décisions sur le comportement de Tsahal face aux Gazaouis, doit être étudiée dans le cadre d’une enquête et qu’ils ne peuvent donc pas être »juges et parties ».
Le Premier ministre a récemment déclaré à la Knesset qu’il voulait une commission d’enquête qui soit dénuée de toute considération politiques et acceptée par les citoyens israéliens dans son ensemble afin que son travail et ses conclusions soient efficaces et reconnus.
Le Président Itshak Herzog a décidé d’intervenir dans le débat, alors même que cela ne fait pas partie de ses prérogatives. Il s’est entretenu jeudi dernier avec le président de la Cour suprême et lui a demandé d’accepter de ne pas décider seul de la composition de cette commission d’enquête pour tenir compte des citoyens israéliens qui ont perdu leur confiance dans le système judiciaire. Herzog a proposé à Amit un »compromis » qui consiste à choisir les membres de la commission d’enquête en »consultation » avec le vice-président de la Cour suprême, le juge Noam Solberg, considéré comme plus conservateur. Itshak Amit a accepté.
Cette solution laisse tout le pouvoir aux mains des juges d’autant plus que même si Solberg est certes défini comme »conservateur », il ne s’est que rarement opposé à ses confrères et a voté en faveur de la nomination controversée du juge Amit au poste de président de la Cour suprême.
Le Premier ministre Netanyahou a immédiatement rejeté cette proposition émanant du Président Herzog. Dans son entourage on a déclaré que « le public a droit à une véritable commission d’enquête, impartiale et non politisée, dont la composition représente la majorité du peuple et qui enquêtera sur tout le monde – sans exception. Malheureusement, ce n’est pas ce qui est proposé ici. »
Le ministre des Communications, Shlomo Karhi, du Likoud, a écrit sur son compte X que la nouvelle initiative est « au mieux une blague de Pourim pas très drôle ». Selon lui, « Amit, Solberg et les autres juges de la Cour suprême ne devraient pas diriger l’enquête – ils devraient être parmi ceux qui sont interrogés. Le public exige la vérité, pas une commission qui étouffera les responsabilités, qui protégera les proches et défendra les juges de la Cour suprême. »
Le ministre des Finances, Betsalel Smotrich, a également exprimé son opposition à l’initiative et a déclaré : « La terrible catastrophe et ses causes seront examinées après la guerre uniquement par une commission qui bénéficiera de la confiance de la majorité du peuple, et non par une commission nommée par un président de la Cour suprême politique, désigné par la force et indigne de confiance. »
À l’inverse, le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a déclaré que la proposition du président Herzog était « équilibrée et mesurée » et qu’elle « ne porte pas atteinte à l’autorité du juge Amit et permet la création d’une commission d’enquête nationale qui bénéficiera de la confiance de la grande majorité du public israélien ».
Le président du Camp national, Benny Gantz, a déclaré que « Netanyahou a prouvé ce soir qu’il ne veut pas enquêter sur les échecs du 7 octobre – mais les enterrer. Une commission d’enquête nationale sera créée, avec ou sans lui. »
L’ancien Premier ministre, Naftali Bennett, a aussi exprimé son total soutien à la solution proposée par le Président Herzog et acceptée par le juge Itshak Amit: »Tout le monde doit se rallier au compromis du président Herzog pour la création d’une commission d’enquête nationale. Au lieu de se concentrer sur la reconstruction et la réparation, les forces qui nous divisent ramènent le pays aux jours de folie qui ont précédé le 7 octobre. C’est un moment pour les compromis et les accords. Le président de l’État, Herzog, a initié un compromis équilibré et juste pour établir une commission d’enquête nationale, qui sera le premier acte sur la voie de la reconstruction de la société, de la sécurité et du leadership. Nous devons tous le soutenir. Ceux qui le rejettent cherchent à fuir toute enquête, toute responsabilité et toute remise en question », a-t-il écrit sur son compte X.
Plusieurs parents endeuillés de la guerre Glaives de fer ont vivement réagi à ce tweet de Bennett en lui faisant remarquer qu’ils étaient contre le compromis proposé par Herzog et qu’ils ne toléraient pas que l’on puisse les qualifier de »forces qui divisent le pays », eux qui ont payé le prix le plus cher suite à l’échec du 7 octobre.