Comment El Husseini, recherché activement pour crimes de guerre juste après la libération, a-t-il réussi à s’enfuir ? Selon le Dr Tsilla Hershco, de l’université Bar Ilan, spécialiste des relations franco-israéliennes, c’est le gouvernement français qui a permis son évasion, alors même qu’il était recherché pour crimes de guerre.
Le Dr Hershco rappelle, dans une enquête publiée dans la revue Controverses en 2006, que, recherché par les Alliés pour collaboration avec les nazis, le mufti Hadj Amin el-Husseini fut arrêté en Allemagne, dans la ville de Constance, le 5 mai 1945, par les troupes d’occupation françaises. Le 19 mai 1945, le mufti fut transféré par les Français dans la région parisienne, puis dans différentes cachettes à Paris et en banlieue. Après avoir séjourné environ un an en France, le mufti disparut de son lieu de détention, en mai 1946.
Se basant sur des documents issus du ministère français des Affaires étrangères et rendus publics en 2006, Hershco souligne les sidérants efforts investis par les Français pour améliorer les conditions de détention du mufti, pour esquiver les demandes d’extradition de ce criminel
de guerre et finalement, pour lui permettre de s’évader.
« Le 19 mai 1945, le mufti fut transféré dans la région parisienne où il fut hébergé, ainsi que ses
deux secrétaires Izek Darwich et Razam Khalidi, dans une villa de Saint-Maur. Au début, ils reçurent leurs repas d’un restaurant voisin et, par la suite, un cuisinier fut mis à leur disposition par la mosquée de Paris. La maison était placée sous la surveillance de la police judiciaire de la préfecture de police », affirme Hershco. Selon elle, les motivations françaises étaient simples : « La France considérait donc l’amélioration potentielle de son statut dans le monde arabe et posait même pour condition à l’octroi d’autres avantages au mufti son activité de propagande politique en faveur des intérêts français ». Ainsi, à partir du 1er octobre 1945, le mufti fut autorisé à recevoir librement ses invités, à se déplacer librement et même à acheter une voiture au nom d’un de ses secrétaires.
Dès le 24 mai 1945, la Grande-Bretagne demande à la France l’extradition du Mufti en se fondant sur le fait que El Husseini, citoyen britannique, avait collaboré avec l’ennemi nazi. Paris se trouve donc entre le marteau et l’enclume : d’un côté, elle ne veut pas nuire à ses relations avec le monde arabe, de l’autre, elle ne veut pas apparaître comme le soutien d’un criminel de guerre et collaborateur avéré des nazis. Le Quai d’Orsay choisit donc de ne pas trancher et procède à une suite de manœuvres diplomatiques et judiciaires destinées à éviter l’extradition du mufti
et à améliorer le statut de la France dans le monde arabe sans pour autant officialiser cette politique.
Finalement, en septembre 1945, la France décide de transférer le mufti dans un pays arabe et
non en Grande-Bretagne, « affirmant qu’il n’était pas un criminel de guerre, mais un prisonnier politique ». Mais le bras de fer qui l’oppose à la Grande-Bretagne la contraint à reporter cette extradition. Finalement, le 29 mai 1946, El Husseini disparaît « mystérieusement », à bord d’un avion américain, muni d’un faux passeport et sous un nom d’emprunt. Vers une destination inconnue.
« Le 12 août 1947, El Husseini écrit une lettre dans laquelle il exprime sa reconnaissance pour l’attitude de la France à son égard, ainsi que l’espoir d’une poursuite de cette attitude envers »la cause arabe », rappelant qu’il était susceptible d’augmenter le prestige de la France aux yeux de tous les musulmans », souligne Hershco, avant de conclure : « Dans l’affaire du mufti, la France manifesta une politique cynique, préférant ses intérêts politiques de court terme aux considérations de morale et de droit international ».
Laly Derai pour Hamodia