Depuis quelques jours, les échos de Vienne soufflent le chaud et le froid. D’un côté, l’accord serait sur le point d’être signé, de l’autre les Etats représentés sur place estiment que la guerre en Ukraine pourrait retarder voire compliquer sa signature. Ainsi, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a déclaré aujourd’hui: « Nous sommes inquiets des risques d’obstacles à une éventuelle signature. Nous appelons les parties à la responsabilité et à prendre les décisions qui s’imposent ».
Gabriel Noronha a été le conseiller spécial pour l’Iran au secrétariat d’Etat américain de l’administration Trump entre 2019 et 2020.
Il a publié cette semaine dans le magazine »Tablet » un article dénonçant l’accord qui se prépare sur le nucléaire iranien, en expliquant où se trouvent les dangers.
Selon lui »l’accord en cours de négociation à Vienne est dangereux pour la sécurité nationale américaine, pour la stabilité du Moyen-Orient et pour le peuple iranien qui souffre sous un régime brutal ». Artisan des sanctions contre l’Iran adoptées sous l’administration Trump, Noronha s’interroge sur la légalité de la levée de ces dernières qui plus est sans passer par le Congrès – ce que prévoit Biden.
Noronha décrit la liste des sanctions qui s’apprêtent à être levées dans le futur accord et dénonce la lâcheté des négociateurs américains, qui cèdent à toutes les revendications iraniennes.
»Les Etats-Unis avaient décidé d’user de leur autorité pour sanctionner les personnes les plus maléfiques que vous puissiez imaginer. Malley (chef de la délégation américaine à Vienne, ndlr) et ses intermédaires russes à Vienne ont accepté que ces gens aient une liberté de circulation dans le monde malgré leurs crimes horribles par le passé, libérés de toutes contraintes financières et fomentant de nouvelles attaques terroristes. Et si cela vous parait exagéré, ce n’est pas le cas. Il m’est arrivé plusieurs fois, après avoir mis en oeuvre les sanctions, de recevoir des appels ou des e-mails d’Iraniens qui avaient perdu un proche des mains de ces personnes. Beaucoup m’ont confié que pour la première fois, ils ressentaient un forme de justice rendue, que leur douleur avait été entendue à Washington. Les sanctions ne sont pas seulement des outils économiques, politiques ou diplomatiques, elles viennent aussi affronter le mal ».
L’ancien conseiller de Trump détaille la liste de ces personnes, toutes responsables d’attentats, de tortures et de projets terroristes en Iran et dans le monde entier, toutes avec du sang sur les mains.
Ali Khameini (crédit : Khamenei.ir Wikipédia)
Puis, il explique que les sanctions ne seront pas seulement levées sur les hommes mais aussi sur les entités économiques qui alimentent »la machine de répression du régime ».
Pour Noronha, »Biden et Malley ne cherchent pas seulement, ni même principalement, un accord nucléaire avec l’Iran, mais ils visent un accord d’apaisement qui libère la République Islamique de toutes restrictions significatives en matière économique, et ce même si cela permet à l’appareil terroriste du régime de s’enrichir ».
Il alerte l’opinion sur le fait que les sanctions économiques et financières les plus importantes s’apprêtent à être levées. Ces sanctions s’appliquaient aussi à la banque centrale iranienne et au fonds de développement national pour leur soutien aux Gardiens de la Révolution, aux forces Al-Qods et au Hezbollah. On imagine les conséquences sur la sécurité israélienne, sans même parler maintenant du risque nucléaire.
L’accord prévoit également la fin des sanctions imposées sur la compagnie nationale iranienne de pétrole et la compagnie nationale iranienne de pétroliers qui financent la force Al-Qods, directement responsable de la mort de milliers de personnes.
Noronha dénonce vivement la faiblesse américaine lors de ces négociations : »Au lieu d’exiger des Iraniens qu’ils cessent d’organiser et de soutenir les activités terroristes, Malley répond favorablement aux demandes répétées des Iraniens de retirer les Gardiens de la Révolution de la liste des organisations terroristes. Il a commencé par proposer que ce changement soit fait en échange d’un engagement iranien de participer à des discussions sur le terrorisme et les problématiques régionales. Les négociateurs iraniens et leurs soutiens russes n’en revenaient pas de tant de bonne volonté, ils ont donc demandé encore plus. Ils ont exigé que cette concession soit sans condition et ont indiqué qu’aucune discussion n’était envisageable ».
Robert Malley, négociateur américain (Crédit : Wikipédia)
Noronha poursuit : »Qu’avons-nous reçu en échange de toutes ces concessions en faveur des hommes et des institutions les plus maléfiques d’Iran? Le régime va-t-il renoncer à ses activités nucléaires clandestines ou s’engager à stopper l’enrichissement de l’uranium? Le régime s’est-il engagé à arrêter de soutenir le terrorisme et de prendre des Américains en otage? La courte réponse à toutes ces questions est : non ».
Parallèlement à la levée des sanctions, l’Iran devrait également recevoir de l’argent des Etats-Unis, notamment une rançon de 7 milliards de dollars pour la libération de quatre prisonniers américains des prisons iraniennes.
« L’Iran ne fera aucune concession sur ses activités balistiques et terroristes. Mais il va recevoir, malgré cela, de l’argent. Beaucoup d’argent », estime Noronha. Pour lui, les Etats-Unis sont sur le point de renoncer à beaucoup et à obtenir encore moins qu’en 2015.
L’administration Biden a prévu de contourner le Congrès pour valider cet accord. Elle argue du fait qu’il s’agit de revenir à l’accord de 2015, déjà validé par les élus américains. Mais Noronha est catégorique : »C’est faux. L’administration Biden a négocié un tout autre accord. Et je peux vous assurer qu’il est bien, bien pire que l’original ».