Ces jours-ci, l’armée est en phase de test pour vérifier la possibilité d’intégrer les femmes dans une unité tankiste. Un fait d’actualité que le Rav militaire Itamar – il n’a pas souhaité rendre public son nom de famille – a accepté de commenter.
Propos recueillis par Tal Cohen
Etes-vous étonné par cette éventualité ?
Ce n’est pas un fait nouveau, la volonté de Tsahal d’intégrer des femmes dans des unités combattantes ne datent pas d’hier. Cela fait longtemps que l’armée envisage cette possibilité en interne. Mais le fait de rendre publique cette information a mis le feu aux poudres. En particularité la volonté d’intégrer les femmes aux unités tankistes. C’est surtout cela qui a fait réagir.
Quel est l’intérêt de Tsahal, qu’est-ce qui le motive ?
L’armée a deux objectifs. D’une part, trouver une solution au manque de ses ressources humaines, suite à la décision de réduire la durée du service militaire des hommes, et ce, pour la seconde fois. C’est sa motivation principale. Le second objectif est finalement lié au premier puisqu’il s’inscrit dans une démarche égalitariste qui consiste à instaurer une égalité totale dans ses rangs. Certains estiment d’ailleurs que c’est en partie au nom de cette égalité que Tsahal a décidé de réduire le service des hommes, pour que ses engagés, hommes et femmes, servent une durée de temps identique. Et cette égalité passe aussi par l’ouverture des portes des unités combattantes aux femmes, pour leur permettre de prouver qu’elles sont capables et compétentes, au même titre que les hommes.
Pourtant, il y a un an, Tsahal avait conclu que les femmes étaient physiquement inaptes pour une équipe de tankistes ? Qu’est-ce qui a changé depuis ?
Tout d’abord, il faut savoir que les études se suivent et ne se ressemblent pas toujours. On examine une situation, et selon les résultats, on l’examine une seconde fois. Et les résultats pourront différer d’un cas à l’autre. Si Tsahal veut, si Tsahal décide, coûte que coûte, d’instaurer une égalité dans tous les domaines, y compris celui des unités combattantes ou des tankistes, il saura trouver les solutions. L’armée est suffisamment intelligente pour cela.
Cela existe dans d’autres pays ?
Très peu. C’est essentiellement dû au fait qu’aujourd’hui, les armées des pays industrialisés sont des armées de métier, la conscription nationale a donc quasiment disparu. Israël est un des rares pays au monde où le service militaire est encore obligatoire. Et dans la mesure où les deux sexes participent à cet effort militaire national, l’armée recherche une égalité absolue. Ce qui, à mon sens, est une erreur. Dans le reste du monde, les armées sont beaucoup plus masculines que féminines, ce qui a deux conséquences. D’abord, cette quête égalitariste est moins présente, et les questions de mixité sont quasiment inexistantes.
Quelles sont globalement les réactions dans les rangs de Tsahal ?
Il est difficile de le savoir. Les gradés n’ont pas le droit de s’exprimer publiquement, et refusent les interviews. Le sujet est sensible et même ceux qui le peuvent préfèrent ne pas se prononcer, quelles que soient leurs convictions. Mais j’imagine qu’on pourra trouver les deux sons de cloche.
Quel est le regard des rabbins militaires dont vous faites partie ?
Pour les rabbins, il est évident que cette idée de mixité entre les combattants et les combattantes est tout ce qu’il y a de plus négatif. L’idée de combattre pour les femmes est déjà un soi un problème, sans vouloir porter atteinte aux femmes ou à quiconque, ni nier leur volonté et leur capacité de prendre part à l’effort collectif, ce qui est très noble en soi. Mais nous considérons que le poste de combattante ne devrait pas exister au sein d’une armée juive. Cela risque de créer des situations inconfortables qui ne peuvent en aucun cas convenir à un mode de vie, non seulement religieux, mais aussi juif. Dans le reste des unités, dans l’ensemble, nous voyons le service féminin d’un bon œil. Nous voulons simplement être en accord avec la Torah d’Israël qui réserve aux femmes un rôle plus doux – ce n’est pas la place d’une femme que de se trouver sur un champ de bataille. Pour nous, l’égalité ne signifie pas que tout le monde soit interchangeable et puisse remplir n’importe quelle fonction, l’égalité, c’est quand chacun occupe le rôle qui lui convient, de façon efficace et de son plein gré.
L’opposition rabbinique porte donc sur l’ensemble des unités combattantes, pas seulement pour les unités tankistes ?
Oui, elle est valable pour tous les rôles de combat. En ce qui concerne les unités tankistes, pour nous, c’est totalement inenvisageable, pour toutes les raisons halakhiques possibles. C’est un endroit clos et exigu, dont la promiscuité est telle qu’elle est de l’ordre de l’intime.
Est-il réaliste de croire que Tsahal mette réellement cette mesure en application ?
Pour beaucoup de personnes dans ce pays, l’armée en particulier, l’égalité totale des sexes est une preuve de progressisme, d’avancée sociale, le signe d’une culture développée. Et puisque certaines femmes sont pour cette situation et ne voient aucun problème à se retrouver confinées dans l’habitacle d’un tank avec des hommes, l’armée se dit, pourquoi leur refuser ? Alors oui, il n’est pas totalement exclu de penser que si les essais se révèlent concluants aux yeux de Tsahal, il mettra cette mesure en action.
Quelles actions entreprenez-vous, les rabbins militaires, pour essayer d’éviter de parvenir à cette situation ?
Nous faisons partie de cet ensemble qu’est l’armée, nous ne sommes pas là pour initier une révolution. Nous tentons, avec nos moyens à nous, avec notre influence, d’expliquer dans le respect que ce n’est pas bon et pourquoi cela pose problème. Et j’espère que nous réussirons.