La face honteuse et sombre de Pourim reste très certainement le comportement exécrable et abject de ces jeunes et moins jeunes, étudiants de yeshiva, religieux de tout bord, filles ou garçons en mal de vivre, qui boivent et s’imbibent à excès. Quant au peuple, tout y est, les déguisements pour un autre rôle que le sien, les masques pour éviter de se rencontrer, les pétards pour un moment explosif, le bruit infernal pour moins s’entendre et enfin le pinard pour s’oublier. Mauvais mardis gras, halloween et autres carnavals qui de Venise à Jérusalem abrutissent un peu plus les masses laborieuses et victimes d’elles-mêmes.
Une année ce sera un ami proche se tuant dans un accident de voiture alors que son état d’ébriété l’empêchait de différencier le « méchant Aman du gentil Mordechai », en vrai, le feu rouge du feu vert ! Une autre fois je fus témoin d’une scène ahurissante ou un groupe de hassidim se jetait sur la route alors que la circulation battait son plein.
Des spectacles affligeants d’une beuverie généralisée sous le contrôle incontrôlable des autorités religieuses les plus autorisées. On les retrouve jetés par terre, affalés sur eux-mêmes, avachis les yeux révulsés, leurs propos très peu à propos, maux de tête, vomissures et vêtement sans tenue. Les preuves sont maintenant irréfutables, ils sont parvenus à réaliser le commandement des « hommes-sages », à savoir, ne plus pouvoir reconnaitre le bien du mal!
Beaucoup trop d’indulgence, à mon humble avis, de la part des rabbins de tout temps et ce, il faut le rappeler, malgré un certain nombre d’entre eux qui émirent quelques objections recevables. Un ivrogne n’a jamais été un héros ou un modèle dans le monde d’Israël, depuis l’affaire de Noé, l’histoire de Lot et de ses filles, le déviationnisme alcoolique est considéré comme néfaste et totalement prohibé, ceci est et sera la seule norme recevable au sein de la société des Hébreux.
Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons une plus grande prise de conscience du problème, la publicité pour les boissons alcoolisées est règlementée par la loi tandis que tous les débits de boissons ne peuvent vendre aux mineurs. Ainsi, la consommation a été de beaucoup réduite et les effets néfastes relativement diminués depuis la mise en place d’un libellé de dangerosité inscrit sur chaque bouteille d’alcool. Boire comme fumer n’ont pourtant pas disparu de notre paysage, loin de là, au-delà de tous ces efforts conjugués, la jeunesse demeure apparemment très peu affectée par ces mises en garde répétitives. Je me permets d’affirmer, sans l’ombre d’un doute, que si la grande majorité de ces sapiens continue de se débattre au sein de querelles intestines, elle n’en reste pas moins, et je dirais plus, avide de pulsions intestines. Nul ne mesure encore ce qui sépare la vie de la mort, sujet bien trop compliqué et trop exigeant pour cette quantité non négligeable de fripouilles, humaines, disait-on!
Si boire un petit coup est agréable, le vin est également très présent dans le quotidien et le rite religieux. Il est omniprésent dans les fêtes juives, lors des mariages, de la circoncision, les 4 coupes à Pessah (Pâques), le vin ritualise les débuts et fins de cérémonies. A l’entrée comme à la sortie du Shabbat, on remercie Dieu « Roi de l’univers, créateur du fruit de la vigne » en tenant une coupe de vin. L’ensemble de ces verres successifs et admis par tous créent très certainement un sentiment de permissivité dans la société d’aujourd’hui. Boire en l’honneur, à la mémoire, trouverait là un assentiment tacite, pas vraiment de désapprobation sociale. Le traditionnel souper de famille du vendredi soir encore et toujours suivi par la majorité des foyers israéliens va, aujourd’hui, se poursuivre chez une grande partie de notre jeunesse autour d’une bouteille. Bien souvent malheureusement les conséquences seront dramatiques et feront les unes de la presse du dimanche matin. Cet alcool sans retenue sera, le shabbat, à l’origine, de rixes, de bagarres et d’accidents de la route.
L’objectif des jeunes de douze et treize ans lors des soirées de Bar et Bat Mitzvah est de signifier leur entrée dans le monde des adultes décadents en buvant un verre d’alcool et fumer une clope ou un joint. N’oublions jamais que chez le primate, fumer le calumet du désordre respiratoire et boire à perdre son ‘foie’ sont tout ou partie du passage initiatique tandis que les parents acquiescent globalement à cette catastrophe imminente.
D’une manière ou d’une autre, le monde juif a permis à Pourim de se transformer en une orgie d’ivrognes qui porte à conséquences sur le long terme et pas seulement sur la gueule de bois du lendemain. Le taux d’alcoolisme dans le monde juif est maintenant à un niveau record, égal ou même supérieur à la moyenne dans de nombreux pays.
Il ne s’agit pas seulement d’un problème personnel mais bien d’un fléau qui affecte d’innombrables familles israéliennes et la société israélienne en général. Certains affirmeront que le judaïsme n’est pas pour une prohibition absolue car le vin fait partie intégrante du culte comme du rituel juif.
A l’origine de ce drame est la tradition de Pourim, il faut, enseigne le Talmud, organiser un banquet (mishteh=boissons) et impérativement boire et manger en souvenir du retournement de situation. Les Juifs de Perse et des autres provinces, allergiques à l’Alyah proposée, des années auparavant, par le nouveau souverain Cyrus, furent sauvés in extremis d’un génocide certain. Pas de quoi batifoler outre mesure pour ces mal-faisants survivants bien malgré eux! Entre la reine Esther qui restera à jamais cloitrée entre les murs du palais de Suze et les Juifs idolâtres de leur terre d’exil, encore et toujours serviteurs d’Assuérus, je comprends d’autant mieux pourquoi nous ne récitons point le Hallel à Pourim. Se réjouir, allons donc, je n’en ai nulle envie, ni moi, ni le Talmud, ni la loi juive, pour qui, pour quoi?
Alors boire, pour oublier nos insignifiances, parait plus plausible! Relisez, posez-vous les bonnes questions, nul n’est tenu de croupir dans les méandres de l’inculte!
Rony Akrich