LPH a interrogé Elodie Dray, naturo-diététicienne à l’origine d’une méthode unique axée sur une alliance entre les lois de la Casherout et l’alimentation Biologique qu’elle présente dans un ouvrage “Le bio n’a K bien se tenir”.
Le P’tit Hebdo: Vous n’êtes pas arrivée par hasard à l’alimentation bio. La sclérose en plaques, la maladie dont vous êtes atteinte, tient une place centrale dans votre démarche.
Elodie Dray: Oui, c’est important de commencer par ce point. Si je n’avais pas été malade, je n’aurais pas eu le même cheminement.
J’ai fait mon alya après mon bac. Je me suis mariée en Israël et j’ai obtenu un Doctorat en lettres modernes. J’étais enseignante et jeune mariée quand on m’a diagnostiqué une sclérose en plaques. Ma maladie m’a contrainte à retourner vivre en France auprès de ma famille. Après la naissance de ma première fille, j’ai fait une deuxième poussée de ma maladie qui m’a handicapée pendant un an et demi. Les traitements étaient très lourds et je souffrais énormément des effets secondaires. Aucun médicament ne calmait mes migraines et ma fatigue. Je me suis alors tournée vers les médecines alternatives. C’est en fait le désespoir qui m’a poussée vers ces disciplines. J’ai été suivie par une acupunctrice qui m’a dit que mon problème ne venait pas de ma maladie neurologique, mais de mon foie. Elle m’a encouragée à le désintoxiquer. C’est là que j’ai commencé à m’intéresser à la naturopathie.
Lph: Vous êtes passée du jour au lendemain à un autre mode d’alimentation?
E.D.: Cela s’est fait plus progressivement. J’ai commencé par avaler une cuillère d’huile d’olive tous les matins, puis j’ai arrêté le café, les boissons gazeuses, les sucres rapides. Je commençais déjà à me sentir mieux mais j’ai voulu aller plus loin. Je ne me suis pas dirigée vers un mode de vie végétarien ou vegan. J’ai trouvé mon bien-être dans l’alimentation bio en diminuant aussi ma consommation de viande et en arrêtant les produits laitiers. J’ai compris que l’essentiel était de composer les bonnes associations d’aliments pour se sentir bien.
Lph: Ce qui fait la particularité de votre démarche c’est aussi qu’elle prend en compte les impératifs de cacherout.
E.D.: Quand j’étais ado, j’ai commencé à manger strictement cacher. Pour moi adopter un nouveau mode alimentaire ne pouvait signifier de renoncer à cela. En y regardant de plus près on s’aperçoit que la cacherout est le premier régime alimentaire qui pratique les associations autorisées et interdites. Quand j’ai commencé à étudier la naturopathie, je me suis aperçue que ce concept était ni plus ni moins que ce que je faisais depuis des années en mangeant cacher!
Par ailleurs la cacherout vient nous dire qu’il y a de la sainteté dans ce que l’on mange et que l’aliment représente un maillon entre le ciel et la terre. Dans la philosophie alimentaire juive on trouve les bases d’une alimentation saine telle que le préconise la naturopathie. Pour moi, c’est indissociable.
Lph: Est-ce pour cette raison que votre ouvrage ”Le bio n’a K bien se tenir” qui traite de l’alliance entre la cacherout et l’alimentation biologique a été préfacé par le Rav Yehya Teboul, plutôt que par un nutritionniste par exemple?
E.D.: Ce premier ouvrage devait parler de ce lien qui est fondamental pour moi. Il m’a également paru indispensable de donner la parole au Rav Teboul, qui possède une grande expérience et demeure une référence en matière de cacherout.
Ainsi, la première partie de mon livre traite de l’alimentation dans la Torah puis des conseils et des exemples pour bien s’alimenter au quotidien avec des précisions sur les dosages et la façon dont consommer certains aliments. J’y donne aussi des recettes et une liste de produits bio cachers.
Lph: Peut-on manger bio sans se priver?
E.D.: Absolument! Il ne faut pas se laisser influencer par l’image médiatique du bio. Vous savez, je suis une épouse et une mère de deux enfants. C’est en cherchant des idées pour une nourriture saine et source de plaisir pour toute la famille que j’ai mis au point les recettes que je propose dans mon livre. J’ai adoré me creuser la tête pour convertir des recettes de junk-food en version « healthy » pour mes enfants. Je continue d’inventer des alternatives savoureuses aux plats traditionnels pour la plus grande satisfaction de mon mari, et mes invités sont toujours ravis de repartir les papilles en joie grâce à mes desserts gourmands et légers! Il faut réorganiser les repas de manière à équilibrer les apports, et utiliser des aliments qu’on oublie trop souvent notamment les légumineuses, et les céréales oubliées comme le sarrasin, le quinoa, l’orge… C’est un véritable jeu et tout le monde y prend goût!
Lph: Finalement, vous prônez une alimentation ”normale” mais qui tient compte de certaines combinaisons d’aliments?
E.D.: Je m’adresse à des gens réels, qui aiment les plaisirs de la table. D’ailleurs, chez les Juifs, les repas ont une place centrale et ce n’est pas mal. Nous devons manger en ”pleine conscience” tout en étant davantage dans la recherche de la bonne santé que de la minceur. Je fais, suivant les principes de l’alimentation bio, beaucoup de tartes salées, de pains, de muesli, des gratins, des soupes et même des hamburgers ou des gâteaux! Je conseille aussi toujours de s’accorder un soir ”off” dans la semaine où on peut s’autoriser des frites ou une viande grillée. Nous ne sommes pas des machines! Si on n’éprouve pas de plaisir à s’alimenter ainsi, alors on ne peut tenir sur le long terme.
Lph: N’est-ce pas une alimentation qui est coûteuse en temps et en argent?
E.D.: Lorsque vous remplacez les viandes par des légumineuses associées à une céréale, vous vous y retrouvez financièrement. Et même lorsque l’on achète bio, la différence de prix n’est pas si significative.
Il est vrai que faire soi-même son pain, ses pâtes à tarte, prend du temps, mais ma propre expérience de maman de deux enfants et qui plus est malade, me permet d’affirmer que quelques trucs pour bien s’organiser suffisent à éliminer ce problème.
Lph: Pourquoi était-ce important pour vous de transmettre ce savoir?
E.D.: Adopter cette alimentation basée sur le bio et donc des associations d’aliments dosées et particulières m’a beaucoup apporté. Etant prof à l’origine, j’ai toujours été dans la transmission, j’aime profondément cela. Aujourd’hui manger bio est devenu ”normal” et accessible, la génération de nos enfants doit y être formée parce que c’est leur avenir. Et surtout, la cuisine c’est de la transmission!
Lph: Avez-vous d’autres projets après ce premier ouvrage?
E.D.: Je travaille à l’écriture d’un second livre qui sera plus axé sur les pathologies digestives en rapport avec le mode d’alimentation. Par ailleurs, j’aimerais m’investir auprès des industriels cachers afin de promouvoir une nourriture manufacturée cachère plus saine.
Pour se procurer l’ouvrage:
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Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay