Ben Rosemblaum est de ceux qui ont opéré un grand virage après le 7 octobre
2023. En ce qui le concerne, c’est sa destinée professionnelle qui s’en est trouvée
bouleversée. Trois mois avant cette date fatidique, cet artiste franco-israélien de 34
ans qui vit en Israël depuis 2006 avait ouvert sa première galerie à Yafo, exposant
ses tableaux et ses sculptures aux côtés d’œuvres d’autres artistes. Les débuts
s’annonçaient particulièrement prometteurs.
Ben, qui vit à Tel Aviv, n’a pas entendu les premières sirènes ce matin du 7 octobre. Couché vers cinq heures du matin après avoir fêté les fiançailles de son frère, il n’a ouvert l’œil qu’à onze heures, basculant aussitôt dans le chaos. Confronté aux premières images des tueries
perpétrées par le Hamas, il n’y a simplement pas cru. « J’étais convaincu qu’il
s’agissait de fausses vidéos, cela ne pouvait pas être vrai », se souvient-il. Cet état
de déni généré par la sidération ne le quitte pas durant les deux journées qui
suivent. Jusqu’au moment où il prend sa voiture avec une amie pour se rendre dans
le sud du pays et en avoir le cœur net. Tous deux parviennent tant bien que mal à se
rendre jusqu’au kibboutz Reïm, à quelques encablures du site du Festival Nova.
C’est là que l’horreur s’impose à eux. « En tant que petit-fils de survivants de la
Shoah, je n’aurais jamais cru être moi-même confronté à la réalité d’un pogrom. Ce
qui était le plus prégnant à Reïm était l’odeur du sang, l’odeur de la mort qui flottait
partout. C’est une chose qui ne vous quitte plus », raconte-t-il.
Il ressent dès lors un urgent besoin de contribuer à rapporter cette réalité, car si lui a
pu en douter, le monde, a fortiori, pourrait aussi la remettre en cause. Il contacte la
politiste Sarah Fainberg, son ancienne professeure à l’Université Reichman, qu’il
connaît bien. « J’ai un appareil photo, fais-moi faire ce que tu veux. J’ai besoin d’être
utile. Je ne peux pas rester les bras ballants », lui dit-il. Rapidement, Ben se retrouve
à accompagner des délégations de la Knesset sur les sites des massacres du Hamas et à capturer tout ce qu’il voit. Il n’a pas oublié le conseil de Sarah Fainberg : lorsque tu photographieras ces lieux, lui avait-elle dit, n’oublie pas ta fibre artistique.
De fil en aiguille, Ben Rosemblaum rejoint l’ONG ELNET, qui a pour vocation de promouvoir les relations entre Israël et l’Europe – une collaboration qu’il considère comme « l’honneur de sa vie ». « ELNET fait un travail magistral de diplomatie publique et de hasbara. Je ne serai jamais suffisamment reconnaissant de l’opportunité de travailler avec elle », déclare l’artiste qui aspirait depuis longtemps à concilier art et politique, ses deux grands centres d’intérêt. C’est notamment lui qui est à l’origine des clichés saisissants qui illustrent l’ouvrage
7 octobre. Manifeste contre l’effacement d’un crime, dirigé par Sarah Fainberg et
auquel a contribué ELNET.

Du 7 octobre 2023, Ben ne retient pas que l’horreur. Il parle aussi des incroyables
miracles qui se sont produits ce jour-là et qui ont permis à beaucoup d’échapper à la
mort. Autant d’histoires qui lui ont été racontées au fil de ses déplacements et qui
sont venues renforcer la foi de ce croyant cartésien, comme il se définit lui-même.
L’autre grande leçon du travail de hasbara dans lequel il est désormais engagé est
qu’Israël est beaucoup moins seul qu’il ne le croit : nombre de personnalités
politiques et de diplomates du monde entier, souligne-t-il, sont venus constater de
leurs propres yeux les atrocités commises par le Hamas, devenant à leur retour chez
eux les meilleurs ambassadeurs de l’Etat hébreu. Pour finir, Ben Rosemblaum se
réjouit de constater chaque jour les effets de la résilience israélienne : à ses yeux, la
preuve la plus éclatante de celle-ci se trouve au kibboutz-martyr de Kfar Aza où des
maisons déjà reconstruites se dressent fièrement.
Le travail du photographe est visible sur instagram: @Ben_Rosemblaum
Article de Johanna Afriat pour Actualité juive (numéro 1767)