Le campagne BDS invite le Ballet du Grand Théâtre et le Béjart Ballet à ne pas participer à la «consolidation du régime d’apartheid». Les institutions rejettent le boycott culturel.
«Pourquoi les ballets de Lausanne et de Genève dansent-ils avec l’apartheid?» Fin septembre, la section suisse du mouvement Boycott Désinvestissement Sanctions (DBS) a publié une lettre ouverte demandant au Béjart Ballet de Lausanne et au Ballet du Grand Théâtre de Genève de renoncer à leurs représentations à Tel Aviv, afin de ne pas «participer à la consolidation du régime» colonialiste israélien.
Le ballet genevois n’a pas l’intention d’annuler ses dates (du 19 au 22 décembre), tandis que son confrère lausannois s’est rendu sans sourciller la semaine passée dans la capitale économique de l’Etat hébreu.
«Compromission»
BDS attire l’attention des deux institutions – ainsi que celle des autorités municipales qui les subventionnent – «sur l’incongruité de voir deux ambassadrices culturelles de la Suisse se compromettre auprès d’un régime d’occupation et d’apartheid. (…) Le pouvoir israélien compte bien profiter de votre prestige pour faire briller sa devanture.»
BDS rappelle le mur de séparation entravant la liberté de mouvement des Palestiniens, qui «ne pourront pas assister à vos représentations». Rappel aussi de l’occupation, de la destruction d’écoles et de maisons, de l’accaparement de l’eau, des violations des droits humains.
BDS insiste: «Chaque année, des artistes palestiniens se voient refuser le droit de sortir de Gaza ou de Cisjordanie». «Dans ces conditions, un artiste de l’étranger qui se produit dans une institution culturelle israélienne participe consciemment ou candidement à la consolidation de ce régime.»
«Des relations très amicales»
«Le but de notre institution, qui représente Genève et la Suisse, dont le fondement est la neutralité, n’est pas de remettre en question les Etats dans lesquels nous tournons, répond Philippe Cohen, directeur artistique du Ballet du Grand Théâtre. Je n’irais pas en Corée du Nord, mais Israël n’est pas un Etat totalitaire.» Le choix a été laissé aux danseurs, mais aucun n’a souhaité boycotter Tel Aviv.
Le directeur du Grand Théâtre, Tobias Richter, nous déclare par mail: «Il s’agit d’une collaboration artistique. Le Ballet du Grand Théâtre de Genève a répondu à une invitation de l’Opéra de Tel Aviv avec lequel nous entretenons des relations très amicales. Etant un ambassadeur culturel de dimension internationale, le Grand Théâtre opère des échanges artistiques avec un grand nombre d’institutions culturelles dans le monde entier.»
Ville de Genève interpellée
Le socialiste Sylvain Thévoz a pour sa part interpellé le Conseil administratif dans une question écrite. «Comment se fait-il que le Grand Théâtre aille en Israël donner un spectacle à quelques encablures de la Palestine où un peuple est pilonné? Genève accepte-t-elle que son nom soit associé à cette ‘opération de prestige’?» Chef de la Culture, Sami Kanaan n’a pas pu nous répondre.
Du côté vaudois, «le Béjart Ballet Lausanne respecte la parole de BDS mais nous n’avons pas donné suite à son appel, nous écrit par mail son directeur exécutif, Jean Ellgass. Boycotter la culture, c’est interdire la parole, l’échange d’idées, le partage. Le boycott, c’est dresser des murs, il renforce le nationalisme. Le Béjart Ballet a de tout temps porté la parole de la liberté, quelles que soient les circonstances. Nous sommes allés à Beyrouth en novembre 2015, la semaine dernière à Tel Aviv et nous serons à Dubaï la semaine prochaine. La culture, c’est la rencontre de l’autre dans toute sa diversité, c’est la tolérance. La danse, c’est la liberté.»
Dans un théâtre comble, la compagnie a notamment interprété en Israël Ballet for Life(Le Presbytère). Hommage à Jorge Donn et Freddie Mercury, décédés du sida. «Ce ballet est un hymne à la vie, à la liberté: à la tolérance entre les hommes.»
En 2011, la compagnie genevoise Alias avait dansé à Tel Aviv, malgré l’appel au boycott de BDS.