Le livre de Chemot, en français l`Exode, commence par une énumération des enfants de Yaakov qui sont arrivés en Egypte.
C`est d’ailleurs cette énumération qui donne le titre du livre qui contient les épisodes essentiels de la formation du peuple juif : “chemot”.
1) L’esclavage des enfants d’Israël
2) La sortie d’Egypte
3) Le don de la Torah
(C’est-à-dire les évènements les plus fondamentaux de l’histoire d’Israël).
Rachi s’étonne mais les enfants d`Israël ont déjà été énumérés dans la parachat Vayigash, pourquoi cette répétition ?
Rachi répond en citant un Midrash surprenant :
« Bien qu’Il les ait déjà comptés (les enfants de Yaakov) de leur vivant en mentionnant leurs noms, Il a répété cette énumération après leur mort pour dévoiler Son amour (pour eux), comparables aux étoiles, qu’il fait sortir et rentrer en les comptant et en les nommant toutes ».
C’est beau, c’est poétique, mais qu’est-ce que cela nous apprend ?
Un évènement majeur, la mort de Yaakov notre ancêtre explique peut-être cette nécessaire répétition. La Torah nous enseigne que malgré l’arrivée en Egypte et malgré la mort de Yaakov avinou, les enfants d’Israël gardèrent leurs noms.
En effet Mitsraïm, la maison des esclaves, est un lieu où on perd son identité, on appartient à la maison “mitsraïm” les filiations et autres liens familiaux ne comptent plus. Seule compte, la fonction qu`on occupe dans le système.
Les descendants de nos grands patriarches sont sur le point de perdre leurs noms patronymiques pour n’être plus que des sujets « immatriculés » par une société totalitaire à laquelle ils sont désormais assujettis.
« Mais les étoiles ne meurent pas ».
Les actes des Tsadikim éclairent nos cieux comme les étoiles en pleine nuit, qui ne sont pas avalés, « assimilés » par l’obscurité qui les entoure.
Hachem les compte et les recompte par « amour » en les nommant, parce qu’ils comptent : « ils éclairent l’existence de leurs descendants, perdus dans la nuit de l’exil. »
A condition de bien vouloir lever les yeux vers le ciel nous pouvons tous contempler la beauté et l’immensité de la création. Nous pouvons tous ainsi prendre conscience du fait qu’elle n’a pas été créée pour servir, la vanité et l’égoïsme humain, qu’elle est l’œuvre du Créateur.
Cette dimension d’amour que le Créateur révèle en nommant les patriarches va donner à leurs enfants la force d’âme, de rester fidèles à leurs noms, à leur vocation singulière, à leur identité malgré toutes les difficultés et toutes les tentations de l’Exil.
Sur la longue route de l’exil, à commencer par l’exil d’Egypte, les Bnei Israël refuseront obstinément de renoncer à être uniques comme le sont toutes les étoiles du ciel.
Le deuxième livre de la Torah, l’Exode, nous présente la clé de la Sortie d’Egypte :
« Les enfants d’Israël ont mérité de sortir d’Egypte parce qu’ils n’ont pas abandonnés leurs noms ».
Il y avait probablement une manière égyptienne de gérer les esclaves juifs et de les nommer et de les dénombrer, ce n’est pas grave.
Les Bnei Israël savaient que : « au-delà des dénominations imposées par la société où ils vivaient, ils avaient leurs noms propres avec lesquels ils avaient été appelés par le D. d’Avraham, d’Itshak et de Yaakov à suivre le chemin des hommes-étoiles qui les conduira à la vraie liberté ».
Raoul Spiber est enseignant à Hemdat hadarom