Ces dernières semaines, nous avons tous plus ou moins suivi des événements importants. Je ne parle pas des élections, le lachon hara en a malheureusement masqué l’importance, je veux parler de la sonde Beresheet qui a été envoyée par l’association SpaceIL vers la Lune. Je le fais avec d’autant plus de plaisir que deux de mes anciens étudiants, l’ingénieur Ariel Gomez et le Rav Shraga Dahan font partie de l’équipe.
La sonde a terminé sa course de façon un peu brutale, mais la mission dans son ensemble est une immense réalisation. Un mur blanc avec une tache noire est un mur blanc avec une tache noire, pas un mur noir.
Le Prof. Jim Head, de l’université Brown aux Etats-Unis, a contribué au choix du site d’atterrissage de Beresheet. Il l’avait déjà fait pour les missions Apollo. Dans une interview, il fait remarquer que cette mission lunaire a ouvert une nouvelle ère dans l’exploration spatiale. Des missions relativement peu chères, comparées aux budgets des programmes gouvernementaux. Une “petite” sonde peut être envoyée à relativement bas coût, emportant une, deux ou trois expériences de science fondamentale. Cela permettra à plus de chercheurs de développer de nouvelles expérimentations, en physique, chimie, biologie, médecine, etc. Notre compréhension du monde créé par D. en sortira renforcée.
Le champ magnétique terrestre est engendré par un phénomène qui rappelle la dynamo du vélo de notre enfance. Une couche importante de fer liquide au cœur de la planète “bouge” suite à la rotation de la Terre. Notre boussole habituelle indique le Nord magnétique, pas le Nord géographique. Le Pôle Nord géographique est le point par lequel l’axe de rotation de la Terre sort vers l’espace au Nord. Le Pôle Nord magnétique est différent, il peut changer. En ce moment, il bouge assez vite, s’éloigne du Canada vers le Nord de la Sibérie. Il va falloir fabriquer de nouvelles boussoles. Le champ magnétique terrestre nous protège des radiations, essentiellement en provenance du Soleil, mais d’autres aussi. Protéger des astronautes de ces radiations est essentiel pour toute mission spatiale habitée.
Rien de cela pour la Lune, elle n’a pas (plus) de champ magnétique. Cependant, des anomalies magnétiques sont “enregistrées” dans certaines des roches rapportées par les missions Apollo. Avec son magnétomètre embarqué, Beresheet a apporté une pierre supplémentaire à cette étude. Les données sont arrivées.
Sur la Lune, il n’y pas de telle protection, comme pour toute planète sans champ magnétique. L’atmosphère terrestre assure aussi une certaine protection. Pas d’atmosphère sur la Lune. C’est pourquoi des sondes comme Beresheet sont d’excellents instruments d’exploration.
On peut s’interroger: aller sur la Lune, ou ailleurs, pour quoi faire? Certains de nos Maîtres insistent sur le fait que “les Cieux et les Cieux des Cieux sont à D., et Il a donné la Terre aux êtres humains” (Tehilim 115,16). En conséquence ils pensent que nous n’avons rien à faire là-haut. Et pourtant la Torah nous enjoint d’étudier la Création, d’approfondir ses lois et sa structure. C’est ce que disent les ‘Hakhamim dans Chabat 75a: Rabbi Yo’hanan affirme qu’étudier les tekoufot (le temps) et les mazalot (les constellations, donc l’espace) est une mitsva. Pas seulement pour le calcul du calendrier, mais pour la connaissance de la Création, qui permet de s’approcher de la connaissance du Créateur, comme le dit Maïmonide.
L’étude de la Lune est chargée d’enseignements sur la formation de la Terre et du système solaire. D’aucuns reviendront alors à la fameuse non-concordance entre la chronologie des ‘Hakhamim et celle des astronomes et astrophysiciens. Nous en parlerons une autre fois.
Du point de vue pratique, les retombées dans notre vie quotidienne de toute cette recherche sont importantes. Un exemple en est votre poêle à frire, revêtue de Téflon qui a été développé pour le bouclier thermique des capsules Apollo.
Il y aura des retombées importantes de la mission Beresheet.
C’est la première fois qu’un tel engin civil est envoyé dans l’espace, sans but sécuritaire. Pour respecter le Chabat, il a fallu travailler avec le le Richon LetSion et d’autres décisionnaires, sur la base de textes du Choulkhan Aroukh ne mentionnant ni exploration spatiale ni mission d’intérêt national משימה לאומית. Le Rav Shraga Dahan s’est occupé de cela. Ces décisions vont faire jurisprudence.
D’autre part, toute l’équipe s’est soudée autour de ce respect du Chabat, et la NASA a compris que c’était important. Les dates de lancement et de manœuvres ont été fixées en fonction du Chabat. Enormément de calculs difficiles. Quand on veut respecter Chabat, on peut.
Enfin, tout Israel a été uni derrière SpaceIL. Nous sommes capables de nous unir pour quelque chose de constructif, pas seulement en temps de crise ou de guerre.
Le verset sur lequel nos Sages se basent pour dire que l’astronomie, et donc la recherche spatiale, est une mitsva est Devarim 4,6: ” C’est elle votre Sagesse aux yeux des nations”. A priori, on pense que “elle”, c’est la Torah. Rabbi Yo’hanan, le plus grand des Amoraim d’Erets Israël, nous dit que c’est l’étude de l’espace-temps. Avant SpaceIL, seuls 3 pays ont su arriver à la Lune et s’y poser. Beresheet s’est mise en orbite lunaire, c’est une immense réussite. Beresheet est arrivée à la Lune sans méga-budget. Un TaNaKh est là-bas! Quel prestige aux yeux des nations!
Tous ces projets participent du projet divin, avec l’explosion au premier tiers du 19e siècle de la connaissance scientifique, théorique et pratique, et des développements technologiques qui en découlent. Ce phénomène était déjà annoncé dans le Zohar.
Alors, le projet Beresheet est une sanctification du Nom de D.? Bien sûr! Aller sur la Lune? Bien sûr! Et même plus loin. Nous sommes tous derrière Beresheet 2. Après tout, Beresheet commence par un “bet”.
Pr Noah Dana-Picard