Un rapport de Human Rights Watch montre que le régime syrien n’a jamais cessé de recourir à l’arme chimique. Son utilisation est constante.
PAR MARC NEXON
« Des gens innocents, des femmes, des enfants et même de beaux petits bébés… » Lorsque Donald Trump découvre les conséquences de l’attaque au gaz sarin perpétrée le 4 avril par le régime syrien, il s’émeut. Et ordonne le surlendemain le bombardement d’une base aérienne afin de punir le « boucher » Bachar el-Assad.
L’indignation est légitime, mais tardive. Car le régime syrien n’a jamais cessé de recourir à l’arme chimique. Un récent rapport de l’organisation Human Rights Watch révèle qu’une vingtaine d’attaques chimiques ont eu lieu depuis avril 2014. Le tout au mépris de l’accord américano-russe conclu en septembre 2013 et visant à détruire ses stocks d’armes chimiques. Ainsi huit mois après le massacre de la Ghouta dans la banlieue de Damas où des centaines de civils ont péri, l’armée syrienne a lancé une nouvelle vague d’offensives.
Certes, le régime opte principalement pour le chlore, dont la possession est autorisée. Mais son utilisation militaire est prohibée par les conventions internationales. Et l’armée syrienne n’a eu aucun état d’âme à l’utiliser durant le siège d’Alep en décembre 2016. Le rapport évoque deux largages de barils par des hélicoptères. Bilan : 12 civils tués et des centaines de blessés. À l’époque les forces russes maîtrisent les airs et les Iraniens combattent au sol aux côtés des militaires syriens.
Des attaques à répétition
Mais ce n’est pas tout. Au même moment des avions lâchent des bombes bourrées d’agents neurotoxiques sur cinq villages à l’est de Hama. On dénombre 64 victimes. Nouvelle attaque le 30 mars cette fois à Al-Lataminah. Ce jour-là, les hôpitaux accueillent 169 personnes suffocantes et prises de tremblements.
La menace ne vient pas seulement du ciel. Les forces de Bachar el-Assad répandent aussi du chlore via des tirs de roquettes. Depuis le début de l’année, six salves d’obus ont touché quatre localités à la périphérie de Damas. Deux de ces attaques ont intoxiqué 79 civils. Parmi les cibles, la Ghouta, siège d’une attaque majeure en août 2013, laquelle a failli déclencher une riposte occidentale avant que Barack Obama n’y renonce.
Le 30 janvier, à deux heures de l’après-midi douze roquettes sont également tombées sur le village de al-Neshabiyeh dont certaines dans des champs agricoles. Onze personnes ont été transportées à l’hôpital.
Des bombes chimiques fabriquées par l’Union soviétique
Et puis le 4 avril survient l’horreur à Khan Cheikhoun, une ville de 60 000 habitants tenue par les rebelles à cinquante kilomètres au nord de Hama. À 6 h 45, un avion largue une bombe contenant du gaz sarin. Celle-ci s’abat juste en face d’une boulangerie. Elle n’explose pas, mais laisse échapper une fumée blanche dans un périmètre de cinq cents mètres. « C’était comme en hiver, raconte un témoin, il y avait tellement de brouillard. Le gaz montait tout autour à un ou deux mètres. » Des gens fuient et se réfugient dans les maisons, mais ils s’écroulent, inconscients, le visage livide, de la mousse et du sang au bord des lèvres. 92 personnes succomberont, dont 30 enfants, et des centaines d’autres subiront les effets du gaz.
Le rapport de Human Rights Watch s’attarde sur les caractéristiques de la bombe au gaz sarin utilisée ce jour-là. Des photos font apparaître deux bandes vertes peintes sur l’un des fragments. Or celles-ci sont la signature des bombes chimiques KhAB-250 fabriquées à l’époque par l’Union soviétique.
Le tollé provoqué par l’attaque du 4 avril laissera le régime de marbre. Trois jours plus tard, de nouvelles roquettes chargées de chlore tomberont sur le quartier rebelle de Qaboun à l’est de Damas. « Ces attaques chimiques ont été menées de manière généralisée et systématique et dans certains cas dirigées contre la population civile », conclut le rapport. De quoi appuyer la thèse d’un crime contre l’humanité.
Source www.lepoint.fr