Pourim peut prendre l’aspect d’un jeu de rôles. Tous ces déguisements, l’alcool qui peut montrer les gens sous un autre jour, la joie qui s’exprime sans retenue. Ce ne sont décidément pas des jours comme les autres et cette atmosphère si plaisante nous place hors du temps pendant quelques heures. Pourim, un générateur de bien-être!
Une grande question demeure: sommes-nous nous-mêmes pendant l’année ou bien justement est-ce l’ambiance de Pourim qui nous permet de l’être. Nous avons posé la question à un spécialiste: le fondateur du théâtre juif, Aspaklaria, Haggay Louver. Son parcours, son œuvre et ses réponses vont vous surprendre: vénaafoh’ou!!
De Rav à comédien, ”sans s’en rendre compte”
Haggay Louver est né à Bné Brak. Il étudie pendant dix ans au Merkaz Harav. Après avoir obtenu son diplôme de Rav, il commence une carrière d’enseignement. ”J’ai enseigné à la Mehina d’Eli, je donnais des conférences, dans différents endroits”. A un certain stade, il lui semble important de perfectionner son art oratoire, afin de mieux captiver son auditoire et faire passer ses messages. ”Je suis allé à l’école Maalé, spécialisé dans ce domaine. J’y ai étudié avec Shouli Rand”.
Elève dans cet établissement pendant trois ans, Haggay s’aperçoit que le monde du théâtre l’attire. Il est envouté. C’est alors qu’innocemment, il se lance dans une nouvelle carrière. ”J’ai commencé à monter sur scène et à jouer, seul ou en groupe. Cela me plaisait énormément. Sans m’en rendre compte, de Rav je suis devenu comédien”.
Aspaklaria, une suite naturelle
Lorsque l’on demande à Haggay Louver, à quel moment il a pris la décision de créer ce théâtre né en 1999, il sourit: ”Je n’ai jamais pris la décision. Ce théâtre est né naturellement au fil du temps”. En fait, après avoir pris goût à la scène, il commence à s’intéresser plus en profondeur au domaine, il apprend le son, les lumières et la mise en scène. Petit à petit, l’équipe autour de lui s’étoffe. ”Au départ, j’étais avec ma femme, puis nous avons dû prendre des employés”.
Aujourd’hui Aspaklaria, c’est un théâtre à Jérusalem et des pièces qui tournent dans tout le pays, une école pour former des comédiens, un Beth midrash sous le signe de la création à partir des textes de la Torah et un centre à Toronto. ”Nous projetons d’ouvrir prochainement notre maison définitive au centre de Jérusalem, Rehov Haneviim où pourront évoluer nos 50 comédiens, 50 enseignants et 20 employés”.
Pas une réponse à la culture laïque: du théâtre juif, tout simplement
Ce qui fait la particularité d’Aspaklaria, c’est qu’il ne propose que du théâtre qu’il définit comme ”juif”. Est-ce pour proposer des spectacles au public religieux que vous avez créé Aspaklaria? Haggay s’en défend: ”Ce n’était pas le but. Ce qui comptait pour moi c’était de proposer du théâtre juif, basé sur nos textes en partie, mais surtout sur nos valeurs. Une pièce peut très bien ne jamais parler des Juifs ou de la Torah et être juive, parce qu’elle véhicule des valeurs que le judaïsme porte”. Certes, le public religieux qui ne se retrouve pas dans les pièces présentées dans les théâtres classiques, y trouve son compte. Mais Haggay souligne le fait que son théâtre séduit aussi des personnes qui ne répondent pas à cette définition.
Un théâtre juif, reposant sur des valeurs juives, en quoi cela s’adresse-t-il à un large public? “Il n’y a rien de plus universel que le théâtre juif! Le judaïsme est la religion la plus universelle qui soit, je trouve tellement triste de le réduire à une doctrine sectorielle. La Torah est un mode d’emploi pour se diriger dans le monde. Nous mettons en scène cet universalisme”. Cela signifie aussi que les pièces jouées pour Aspaklaria répondent à certains critères: pas de représentation le Shabbat, pas de nu, pas de tenues découvertes, pas de textes érotiques. ”Cela n’est pas nécessaire pour faire du bon théâtre”, estime Haggay, ”ce n’est pas une question de hala’ha, de ce qui est permis ou de ce qui ne l’est pas. C’est tout simplement que de telles pièces ne sont pas du théâtre juif, ne correspondent pas à nos valeurs de juifs”. Et il poursuit: ”La grossièreté, la vulgarité ne sont souvent que des solutions de facilité pour faire rire ou capter un auditoire. Nous prouvons que cela est possible autrement, notre façon de voir offre un autre style de théâtre, de spectacles, et le public en demande”.
Et la mixité?A Aspaklaria, vous pourrez voir des pièces où hommes et femmes jouent ensemble et des pièces interprétées uniquement par des hommes ou par des femmes. Le public peut être mixte, séparé ou exclusivement féminin. ”Certaines personnes profitent mieux de leur soirée lorsque le public est séparé ou carrément non mixte. Nous ne leur fermons pas cette option”.
Un vrai métier
Avec son école de comédiens, Haggay s’est aperçu de l’engouement que suscite le métier auprès des jeunes aujourd’hui, dans le monde religieux. ”Il y a 20 ans, nos élèves étaient des laïcs voire des personnes qui avaient fait techouva. Ce n’est plus le cas. C’est pourquoi, il est indispensable d’apporter des réponses adéquates, qui permettent d’évoluer dans la culture juive. C’est ce que nous apportons”.
Tout le monde peut-il être comédien? “On dit souvent qu’un bon comédien c’est 5% de talent et 95% de travail. Tout le monde peut être comédien, mais tout le monde ne sera pas un bon ou un excellent comédien. Le talent est une base mais c’est le travail qui concrétise le talent. Il faut comprendre qu’il s’agit d’un métier dans lequel il faut s’investir”. Un métier aux débouchés difficiles? “Beaucoup de métiers n’ont pas de débouchés faciles, ce n’est pas un argument. Souvent les femmes me disent qu’il n’est pas compatible avec une vie de famille. Je leur réponds que le métier d’infirmières ou de médecin non plus, en partant de ce principe”.
Aspaklaria, le miroir
Mais au fait, quel est ce nom, Aspaklaria? ”Cela signifie, miroir. Le théâtre nous montre le bien et le mal et le public s’identifie sur scène, réfléchit sur sa vie. De la même façon, un comédien ne peut pas jouer un rôle qui n’est pas lui. Il va systématiquement mettre sa personnalité au service de son rôle. En fait, c’est sur scène que le comédien tombe le masque et se dévoile. Dans la vie quotidienne, on joue un jeu, on cache nos sentiments. Le théâtre extériorise. Parce que ce que l’on raconte n’a pas l’air réel, c’est précisément là que la vérité se montre et s’exprime de la façon la plus forte. C’est pourquoi, le théâtre fait du bien et peut même s’avérer être une thérapie très efficace”.
Faut-il y voir un lien avec Pourim? Certainement. Haggay ne manque l’occasion pour nous livrer un enseignement sur le sujet: ”Le mot ”meguila” vient du verbe qui veut dire ”dévoiler”. La meguilat Esther nous dévoile beaucoup d’éléments inconnus sur notre peuple. Esther c’est au contraire ce qui est caché: ce ”paradoxe” est exactement ce que je décrivais, en parlant du théâtre: dans ce qui est caché, se dévoile la vérité”.
Pour vous, Rav et homme de théâtre, quel est le message de Pourim? “Pourim nous invite à regarder à l’intérieur de nous. Cette fête nous apprend que c’est ce qui est sous les radars qui devrait nous interpeller et qui nous apprend le plus. C’est tout à fait la signification du masque qui symbolise Pourim: en voilant ce qui est extérieur, superficiel alors nous pouvons mieux exprimer et dévoiler l’intérieur”.
Pour aller plus loin:
Guitel Ben-Ishay
Crédit photos: Yossi Tsvaker
quand viendront-ils en Europe et en France en particulier ?
Il faudrait lui parler de mon théâtre juif:
UNE HEURE POUR DIX JUIFS – LA DECLARATION
jouée au théâtre KHAN de Jérusalem devant des salles combles dans sa traduction anglaise sous le titre THE STATEMENT.
Cette pièce est traduite en hébreu.
LA FOI PAR LE FEU-L’INQUISITION
Mais je suis à Paris pour raisons médicales…
POURIM SAMEAH Dr Claude SALAMA