Engagé par tradition familiale, Arno Klarsfeld a voué sa vie à la défense des plus fragiles, des juifs et d’Israël.
Arno, qui n’aime pas parler de lui, évoque spontanément un autre Arno, son grand-père, « le père de Serge qui a sacrifié sa vie, mort en déportation, pour sauver sa famille. Il a été arrêté à Nice par le nazi Alois Brunner le 28 octobre 1943. Il a tenu six mois dans les camps, ce qui est rare. Jusqu’au bout, il a préservé sa dignité en se
battant notamment contre un kapo qui l’avait frappé ». Élevé à Paris, par Raïssa, sa grand-mère, en russe – « je comprends encore cette langue » ainsi que par sa grand-mère allemande, Arno évoque « une enfance heureuse
et insouciante, avec une famille très présente, et des animaux. Nous avons même eu un singe. Malgré les bombes, les menaces, les colis piégés, la voiture plastiquée, nous vivions un grand bonheur familial ».
Il devient avocat à Paris – « je ne savais pas trop quoi faire, j’ai réussi sans trop travailler » – puis avocat d’affaires en Californie. « J’ai énormément travaillé pour devenir l’un des meilleurs ». Toujours engagé dans les combats familiaux depuis son enfance, pour la mémoire et contre l’antisémitisme – « j’allais aux manifestations avec mes
parents » – il suit le procès Barbie en 1987, à l’âge de 18 ans. Il devient ensuite avocat des parties civiles aux procès Touvier et Papon. « Des procès historiques. Pour Touvier, j’ai souhaité démontrer qu’il avait agi seul afin qu’il ne se retranche pas derrière l’obéissance aux ordres. Pour Papon, certains ont tenté l’acquittement, d’autres voulaient la perpétuité. J’ai souhaité un verdict juste et un procès équitable. Papon était complice de crimes
contre l’humanité, il n’était pas un antisémite forcené, il avait obéi aux ordres. Je souhaitais qu’il soit condamné pour que ne soient pas exonérés de responsabilité les préfets de Vichy. Il fut condamné à dix ans de prison ».
En 2003, Arno Klarsfeld part pour Israël et devient garde-frontière. Je me sentais juif et concerné par la violence terroriste à laquelle. Israël faisait face. Je suis devenu israélien, j’ai fait Tsahal pendant deux ans. Ce fut une très bonne expérience qui a, encore, renforcé mon attachement très fort – éternel – à Israël. Israël garantit la dignité
des juifs dans le monde. Dans mon unité combattante, nous étions mélangés : Druzes, Bédouins, Russes… Je souhaitais m’engager, pas simplement par des paroles ».
Il rentre en France « pour retrouver ses parents » et rencontre un certain Nicolas Sarkozy, « par hasard en faisant du vélo ». Il soutient le futur président lors des émeutes dans les banlieues et se rapproche de lui. Ce dernier lui confie plusieurs missions sur la délinquance des mineurs notamment, un sujet qui lui tient à coeur. Arno Klarsfeld plaide pour que les parents d’enfants scolarisés en France depuis toujours soient régularisés. « J’ai effectué la même démarche en Israël ».
En 2007, après l’élection de Nicolas Sarkozy, l’avocat se présente aux législatives dans le XIIème arrondissement de Paris. « J’avais trois semaines pour faire basculer cet arrondissement de la gauche vers la droite, j’ai fait un score honorable, mais c’est désagréable d’être battu, bien entendu. La difficulté en politique, c’est qu’on
ne peut pas toujours dire ce que l’on pense, j’ai eu du mal avec cela ». Ensuite, il devient conseiller du Premier ministre, François Fillon. Il a notamment pour mission d’organiser le soutien à Haïti, après le grand tremblement de terre. Enfin, il entre au Conseil d’État, l’une des plus hautes instances juridiques en France, qui conseille le gouvernement et fixe la jurisprudence lors de contentieux entre les Français et l’administration. Soumis à un devoir de réserve sur ses fonctions professionnelles, Arno évoque ses combats militants de toujours contre l’extrême droite. « Mes parents et ma famille n’ont jamais abandonné le combat ». Il se dit surpris que des juifs en France et des Franco-Israéliens votent pour les extrêmes : « ils oublient leur histoire, l’extrême droite a mené aux camps de concentration et l’extrême gauche a mené au goulag ». Aujourd’hui, Arno Klarsfeld aspire à s’occuper de ses parents et à « simplement être heureux ».
Ilan Lévy
Article paru dans Actualité Juive numéro 1644
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