Voici, sans entrer dans tous les détails, quelques éléments de réflexion sur la question du mois supplémentaire (Adar I/Adar II).
L’année solaire ne compte pas 365 ou 366 jours – ce serait bien trop simple… Même dire que l’année solaire compte 365 jours et 6 heures est une approximation.
Le cycle de l’année lunaire, lui, dure 354 jours, auxquels s’ajoutent 8 heures, 48 minutes et environ 40 secondes. Notons par ailleurs que ce que nous appelons « année lunaire » ou « année solaire » correspond en réalité, respectivement, à la durée de la rotation de la lune autour de la terre et à celle de la rotation de la terre autour du soleil – durées établies par de savants calculs astronomiques, mais qui restent cependant approximatifs.
Ceci étant, force est de constater qu’un écart de onze jours sépare d’année en année les durées des deux cycles, et que moins de trois ans suffisent pour que s’impose un fossé d’un mois entier, qui menace l’adéquation des deux cycles.
Considérons à présent le calendrier « juif », qui est luni-solaire.
Dans la Torah, les mois sont fixés d’après le cycle de la lune. Les années, en revanche, le sont d’après les saisons, qui dépendent du cycle solaire. Le défi face auquel Israël se trouve placé est donc double. D’une part, la première mitzva que Dieu donne au peuple juif est le commandement de sanctifier le nouveau mois (kidouch ha‘hodech – voir Chemot 12, 1 et Rachi sur ce verset, ainsi que le commentaire de Rachi sur Berechit 1, 1). Et de l’autre, il faut s’assurer que Pessa‘h reste au printemps, comme il est dit : « Garde le mois du printemps et tu feras la Pâque en l’honneur de l’Éternel ton Dieu, car au mois du printemps l’Éternel ton Dieu t ‘a fait sortir de l’Égypte. » (Devarim 16, 1)
De plus, il faut rappeler que la Torah prescrit que le calendrier doit être déterminé par les hommes, et non par Dieu. C’est sur la base des délibérations du Beth Din HaGadol que le nouveau mois était déclaré, et donc que les fêtes étaient fixées. Pour ce faire, on rajoutait un mois tous les deux ou trois ans. Le fait que le calendrier soit fixé par les hommes n’est pas une concession faite à l’arbitraire. Bien au contraire, la consécration du temps par le peuple d’Israël représente très profondément ce qu’on appelle « Kedouchat Israël », la sainteté du peuple juif.
La sainteté des jours de l’année n’est donc pas dépendante d’une quelconque « réalité » extérieure, mais uniquement de la décision des Sages d’Israël, véritables bâtisseurs du temps. À l’époque de la Michna, l’insertion du mois supplémentaire ne dépendait pas, comme aujourd’hui, de règles fixes. C’était le Sanhédrin qui en décidait librement, sur la base de ses observations. Ce n’est qu’à la veille de l’exil que ce système de rajout du mois supplémentaire a été codifié de manière fixe, car il était nécessaire d’avoir un calendrier unifié pour maintenir le lien entre tous les Juifs du monde.
Pour faire coïncider les mois lunaires et l’année solaire, on doit rendre l’année embolismique, c’est-à-dire ajouter un mois à l’année afin que celle-ci comprenne treize mois. Aujourd’hui, où nous n’avons plus un Beth Din ayant reçu l’ordination, nos Sages ont fixé un calendrier permanent de dix-neuf années comportant douze années simples et sept années embolismiques. Dans un cycle de dix-neuf ans, les années embolismiques sont les années 3, 6, 8, 11, 14, 17 et 19. L’année actuelle, 5782, est la sixième du présent cycle de dix-neuf années.
Rav Abraham Dray
avdery7@gmail.com
Commentaires 1