C’est à l’occasion de la sortie de la traduction de son ouvrage »Musique Russe » en hébreu, que nous avons rencontré Anne-Marie Mitterrand. Amoureuse du peuple juif et d’Israël, elle ne se cache pas derrière un nom de famille – elle est l’épouse du neveu de François Mitterrand – pour éluder certaines questions. Elle affirme haut et fort ses opinions, son attachement aux valeurs du peuple juif.
Le P’tit Hebdo: Pourquoi était-ce important pour vous que votre livre soit traduit en hébreu?
Anne-Marie Mitterrand: Moralement, c’était important pour moi. Il s’agit d’une vraie consécration. C’est mon histoire, celle de mon engagement. Je me suis engagée à cause de mon histoire avec mon premier mari. C’est ce premier mariage qui a fait que j’ai voulu m’ouvrir au monde juif, pour éduquer mes enfants dans leur héritage. Mon premier mari a été complètement traumatisé par son passé d’enfant caché pendant la guerre. J’ai cru que ma mission était de l’aider malgré son comportement immoral. J’ai toujours élevé mes enfants, en leur expliquant que cette attitude était le résultat de la guerre et de ce que les Français avaient fait. Je ne voulais pas que mes enfants soient antisémites. Il y a 24 ans, j’ai fait connaissance des dirigeants de l’association des amis belges de l’Université hébraïque de Jérusalem. Ce sont eux qui m’ont fait découvrir Israël pour la première fois. Ce voyage m’a beaucoup apportée. Elever ses enfants dans une religion que l’on ne connait pas n’est pas facile: à mon retour d’Israël, j’ai mieux compris comment m’y prendre. Aujourd’hui, l’université hébraïque de Jérusalem, dont je suis l’un des gouverneurs, est ma deuxième famille.
Lph: Vous êtes devenue philosémite engagée. Pourquoi? Votre expérience de vie commune avec un Juif a pourtant été compliquée pour ne pas dire violente. Vous n’en avez pas été dégoûtée?
A-M.M.: Au contraire, je pense que nous sommes coupables de ce qu’il était devenu. Mes parents se sont bien comportés pendant la guerre, mais la France dans l’ensemble s’est mal comportée. Et, concernant Israël, je ne peux être qu’admirative de ces hommes et ces femmes qui ont construit un Etat.
Lph: Qu’avez-vous pensé lorsque vous avez entendu Macron dire que Pétain méritait d’être honoré pour le grand soldat qu’il avait été pendant la Première guerre mondiale?
A-M.M.: Je ne connais pas bien l’histoire de la Première guerre mondiale, mais ce dont je suis sûre c’est que sa déclaration est horrible! Comment peut-on dire du bien de Pétain? Ce personnage mérite d’être tué deux fois! Je ne comprends pas la phrase du Président. Je n’ai jamais compris le lien de Macron à Israël: est-il pour ou contre? Cela me dérange parce que la relation aux Juifs est incontestablement liée à celle avec Israël.
Lph: Pourtant vous avez connu de près les complexités de l’approche des Français à la collaboration. François Mitterrand en était un exemple.
A-M.M.: Nos familles respectives à Olivier Mitterrand et moi, n’ont jamais accepté notre mariage. Moi, parce que je venais de la bourgeoisie et que mes parents ne pouvaient se résoudre à ce que j’épouse un socialiste. La première fois que j’ai rencontré François Mitterrand, je lui ai dit que je ne voterai jamais pour lui. Il m’a répondu qu’il trouvait bien de voir une personne qui, pour une fois, n’était pas d’accord avec lui. Je lui reprochais, sans hésiter, son passé, je lui disais que jamais je ne pourrai l’accepter. Mes parents, eux, ont sauvé une juive, alors ce passé de la famille de mon mari était très dur à supporter pour moi.
Lph: Votre livre »Musique russe » marche bien en France, vous en lancez la distribution en Israël. Quels sont vos prochains projets?
A-M.M.: J’ai écrit une pièce de théâtre dont l’acteur principal vit entre la France et Israël.
La pièce s’intitule »Maman, j’aurai pas ta vie! ». A 27 ans, j’avais déjà 5 enfants, et j’en ai élevé 6 en tout. Mon mari, Olivier, était très gentil, mais il travaillait beaucoup, était assez autoritaire envers moi. C’était un mari à l’ancienne. Il a été formidable avec mes deux premiers enfants, de mon premier mariage, il les a adoptés. Mais au jour le jour, je me suis occupée seule de mes enfants.
Ma fille, née de mon premier mariage, voyait comment mon mari me parlait, ce que je faisais toute seule. Elle ne comprenait pas que je ne dise rien. Ma fille ne mène pas du tout son ménage comme je l’ai fait.
La pièce raconte nos histoires à ma fille et moi. Je n’ai eu qu’une fille, elle a du caractère. Elle a pris le contrepied de ce que j’étais. Le sujet me paraissait intéressant à mettre en avant.
Lph: Et votre passion pour le peuple juif et Israël, comment se décline-t-elle aujourd’hui?
A-M.M: Je suis ici en Israël pour présenter avec beaucoup de fierté la traduction de mon ouvrage en hébreu. Depuis Bruxelles et Paris où je vis, je lutte contre l’antisémitisme. Mon mari est à mes côtés dans ce combat. Je ne lâcherai rien sur ce sujet, c’est trop important.
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Propos recueillis par Avraham Azoulay