L’environnement et la cause animale sont des sujets qui prennent une place de plus en plus prépondérante parmi les préoccupations des sociétés modernes. Cette prise de conscience a lentement augmenté ces dernières années mais cela fait longtemps que des militants ont pris fait et cause pour ces thématiques. En Israël aussi, comme pour beaucoup d’autres domaines, nous sommes à la pointe du combat. De nombreuses associations existent et nous vous proposons un zoom sur l’une d’entre elles : « Animals ».
Une industrie qui doit répondre à des accusations de cruauté
L’association « Animals » est née il y a 26 ans. Depuis plus de deux décennies, elle agit surtout pour protéger les animaux utilisés pour les besoins alimentaires, ceux qui sont victimes de l’industrialisation.
»Nous voulons d’un monde où les animaux ne sont pas perçus comme des instruments ou comme des êtres que l’on peut exploiter à notre guise », déclare Shira Hertzano, la porte-parole de l’association. »Notre mouvement a pour objectif de dénoncer les pratiques industrielles qui condamnent les animaux à des traitements cruels ».
Pour autant, Shira et ses compagnons sont réalistes. Ils savent bien que les sociétés ne vont pas devenir vegan, du jour au lendemain. Mais ils tentent par tous les moyens de réduire au maximum cette souffrance.
»Lorsque l’on élève des animaux pour les besoins alimentaires de nos sociétés, même avec la meilleure volonté, il est impossible d’être humain envers ces animaux. La demande et la recherche de profits entrainent inévitablement des élevages qui ne tiennent pas compte de ce que peut ressentir l’animal ».
L’association, images et films à l’appui, dénonce la promiscuité dans laquelle les animaux sont mis en cage. »Ils vivent les uns sur les autres, ils n’ont pas d’espace ». Les militants mettent en avant la séparation des veaux et de leur mère dès la naissance pour les besoins de l’élevage industriel.
Depuis quelques années maintenant, ils dénoncent une pratique particulièrement cruelle : les importations d’animaux vivants pour les besoins de la ch’hita en Israël. Si une partie de la viande consommée en Israël a été égorgée en dehors du pays, notamment en Amérique du Sud, une autre est, elle, livrée ici encore vivante. Et c’est là qu’Animals tire encore plus la sonnette d’alarme. Shira nous explique : »Depuis la fin des années 90, ces importations d’animaux vivants sont pratiquées. Les animaux sont transportés dans des conditions inimaginables et insupportables ».
Les scènes sont, en effet, difficilement soutenables, même pour les amateurs d’un bon steak… »Les moutons, vaches, etc. sont transportés en quantité importante dans des espaces si confinés qu’ils voyagent pendant des heures les uns sur les autres. Ils doivent littéralement se marcher dessus pour pouvoir accéder à de l’eau ou à des vivres ».
Shira nous explique que derrière ces traitements se cachent des intérêts purement économiques. »Les entreprises israéliennes de commercialisation de bovins ne peuvent plus se contenter des animaux qui sont sur notre territoire, parce qu’ils sont, pour la plupart, vendus à l’Autorité palestinienne. Alors pour le marché local, elles doivent importer des animaux de l’étranger ».
Animals a remué ciel et terre pour faire cesser totalement ces pratiques. L’année dernière, l’association a obtenu une avancée à la Knesset, mais faute de gouvernement, tout est bloqué. »L’opinion publique est majoritairement derrière nous sur ce dossier. Des dizaines de rabbins ont aussi signé notre appel ».
Une prise de conscience en augmentation
Aujourd’hui, on estime à plusieurs centaines de millions les animaux soumis à des maltraitances pour les besoins de la cause industrielle. Ce qui réjouit les militants c’est l’augmentation incontestable de la prise de conscience au sein des sociétés mais aussi à l’échelon politique.
»Nous le voyons, notamment, quand nous constatons la hausse de l’offre de produits végétaux dans les supermarchés ou encore à la carte des restaurants ».
La société israélienne est-elle plus réceptive ? Shira nous confirme que sa culture favorise une sensibilité plus grande à ces sujets : »Nous n’avons pas la même culture gastronomique que d’autres, comme la France », souligne-t-elle, « A cela s’ajoute que dans la tradition juive, il est acquis que la nourriture s’accompagne de règles. Donc les esprits ici sont préparés à ne pas considérer automatiquement que tout se mange et dans n’importe quelles conditions. Pour nous, c’est naturel de mettre de l’idéologie dans la nourriture ».
En outre, la religion elle-même interdit de faire souffrir les animaux gratuitement – l’interdit de »Tsaar Baalé ‘Haïm ». Et en effet, des rabbins de toutes tendances soutiennent le travail de ces militants. »Parfois certains nous disent que la viande ne peut même plus être considérée comme cachère si la ch’hita ne prend pas soin de cet interdit. Ils nous disent que ce n’est pas à cela que la Torah aspire. De ce point de vue, il faut rappeler que le Rav Kook était végétarien ».
Animals travaille à toujours augmenter cette prise de conscience au sein de la population. Leur travail passe par des manifestations, des campagnes choc mais aussi par l’éducation, plus formelle. Les militants interviennent dans les écoles et accompagnent les individus qui le souhaitent dans une démarche vers une vie végétarienne. Et leur rayon d’action ne se limite pas aux frontières d’Israël puisqu’ils font des campagnes à l’international qui fonctionnent aussi très bien, comme en Angleterre, en Espagne ou en Thaïlande.
Un lobbying puissant
Mis à part les actions populaires, Animals s’attaque aussi au domaine politique. L’association constitue un lobby qui a déjà, à son actif, des acquis non négligeables, comme l’interdiction de faire venir en Israël des cirques mettant en scène des animaux sauvages ou encore celle d’utiliser des animaux pour des expériences dans les écoles.
L’exemple le plus récent et le plus frappant est celui de l’interdiction du gavage des oies en Israël. »Ces méthodes sont d’une cruauté sans nom. C’est une torture. Nous avons mené une action très organisée, Nous sommes arrivés jusqu’à la Cour Suprême et nous sommes parvenus à faire cesser cette industrie en Israël ».
Par ailleurs, ils font pression pour qu’une loi protégeant les animaux, votée il y a 25 ans soit, tout simplement, appliquée. Intitulée »Loi Tsaar Baalé ‘Haïm », elle ne produit pas les résultats escomptés, d’après l’association, car aucune sanction n’est prononcée en cas d’entorse à la loi.
Animals essaie aussi de promouvoir une loi contre le commerce des peaux d’animaux. Mais les contre-lobbys sont, eux aussi, puissants et parviennent à freiner leurs ardeurs.
Tous les moyens sont bons ?
Que pense Animals des opérations coups de poing, voire violentes, que l’on voit en France de la part des antispécistes qui saccagent des boucheries, par exemple ? »Ce ne sont pas nos méthodes », précise Shira, »mais qualifier ces opérations de violentes, me parait exagéré. La véritable violence est celle exercée contre les animaux. Je ne crois pas qu’elle puisse être comparable à des actes de vandalisme. Il conviendrait plutôt de comprendre de quoi se nourrissent ces actions. Elles essaient peut-être tout simplement de faire résonner la voix des animaux qui ne peuvent pas s’exprimer ».
Shira l’avoue, elle ne peut exiger de tout le monde d’adopter un mode alimentaire et vestimentaire correspondant à un respect total de la vie animale. Néanmoins, elle appelle ceux qui veulent tout de même aider la cause animale à soutenir leurs actions financièrement, ou en signant les pétitions qu’ils font circuler. »C’est aussi l’un des meilleurs moyens pour lutter contre le réchauffement climatique, puisque l’industrie alimentaire est l’une des industries qui contribue le plus à ce phénomène », conclut-elle.
Guitel Ben-Ishay
Crédits photos: Animals